Pétition : Comme à la ZAD de NDDL
Défendons d’autres manières d’habiter

Le 17 jan­vier 2018, l’abandon du pro­jet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes marque le suc­cès d’une des plus longues luttes de France et résonne comme un espoir consé­quent pour tous ceux qui luttent pour l’é­co­lo­gie. Pourtant le gou­ver­ne­ment menace tou­jours d’expulser la zone. C’est pour­quoi des archi­tectes, urba­nistes, pen­seurs, citoyens… se sont mobi­li­sés pour écrire cette tri­bune et défendre cette expé­rience d’avenir.

La vic­toire contre le pro­jet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est celle d’une mobi­li­sa­tion large et diverse. Dans la mul­ti­pli­ci­té des moyens de lutte qui y ont contri­bué, la résis­tance par l’oc­cu­pa­tion pérenne de la zone à défendre (ZAD) a une place pri­mor­diale. En conti­nuant à faire vivre ce ter­ri­toire, les anciens et les nou­veaux habi­tants ont per­mis pen­dant plus de dix ans d’empêcher la des­truc­tion des terres natu­relles et agri­coles. Ils ont pris soin de ces espaces en éla­bo­rant de nou­velles formes d’organisations col­lec­tives et en déve­lop­pant des acti­vi­tés : menui­se­rie, bou­lan­ge­ries, cultures col­lec­tives de légumes et de céréales, bûche­ron­nage, biblio­thèque, ver­gers, bras­se­rie, fro­ma­ge­rie, conser­ve­rie, forge, tan­ne­rie, her­bo­ris­te­rie, musique, séri­gra­phie… Ils ont ain­si démon­tré qu’il était pos­sible de vivre autre­ment, loin des scé­na­rios éta­tiques d’une agri­cul­ture indus­trielle et stan­dar­di­sée, tant à tra­vers des modes de construc­tion autres que des façons d’imaginer un ave­nir viable et durable pour les ter­ri­toires ruraux et agricoles.

Un ter­ri­toire en commun

Dans ce bocage se sont inven­tées et tis­sées des formes de vies diverses, aspi­rant à une meilleure har­mo­nie avec le ter­ri­toire qu’elles occupent. Dans les inter­ac­tions entre habi­tants “his­to­riques”, pay­sans, squat­teurs, voi­sins, ani­maux sau­vages ou d’élevage, herbes, insectes et arbres, mais aus­si avec toutes celles et ceux qui passent par là, amis, étu­diants, mili­tants, voya­geurs, arti­sans, s’est construit un ter­ri­toire com­mun, au-delà de la pro­prié­té, des habi­tudes et des appar­te­nances. Cette expé­ri­men­ta­tion gran­deur nature et à long terme amène cha­cun à évo­luer dans ses repré­sen­ta­tions et ses pra­tiques, bien au-delà de ce bocage. En cela, l’ho­ri­zon joyeux qu’ouvre la ZAD ailleurs que dans les métro­poles nous concerne tous.

Habiter et bâtir autrement

La ZAD, c’est aus­si l’a­ven­ture de ses construc­tions. Ce sont des corps de ferme réno­vés lors de grands chan­tiers col­lec­tifs, de nou­veaux han­gars agri­coles aux char­pentes impres­sion­nantes ; c’est aus­si la force poé­tique des nom­breuses cabanes dans les arbres, au milieu d’un lac, au coin d’une friche, ou d’un champ ; c’est aus­si la pré­sence d’habitats légers ou nomades, camions, cara­vanes, yourtes qui com­plètent ce pay­sage habité.

Hors-norme, mul­tiples, divers, poé­tiques, adap­tés, bidouillés, légers, sobres, pré­caires, faits de maté­riaux locaux ou de réem­ploi, en terre, en bois, en paille ou en récup, ces construc­tions répondent à leur échelle aux enjeux éco­lo­giques et éner­gé­tiques, à rebours du monde que l’industrie du béton et de l’acier est en train de construire par­tout sur la pla­nète. Elles sont aus­si le résul­tat d’une inven­ti­vi­té archi­tec­tu­rale, manuelle, bri­co­leuse et créa­tive, favo­ri­sée par la sti­mu­la­tion col­lec­tive de la ZAD, pous­sant les gens, habi­tués ou débu­tants, à se réap­pro­prier l’acte de construire. La mul­ti­pli­ci­té des formes construites montre des pos­si­bi­li­tés d’habiter et de bâtir hors des logiques fon­cières et immo­bi­lières basées essen­tiel­le­ment sur la spé­cu­la­tion qui laissent peu de lati­tude aux habi­tants et aux archi­tectes pour pro­po­ser des solu­tions alternatives.

Qui a tra­ver­sé ce ter­ri­toire, qui a par­ti­ci­pé à ses chan­tiers, sait la valeur des forces qui ont pu réno­ver ces fermes et construire ces cabanes. Car bien loin de l’i­mage autar­cique véhi­cu­lée à son encontre, la ZAD est un espace de pas­sage, d’é­change, un lieu qui fait école ; école de la vie, mais aus­si école de l’habiter et du bâtir.

Ce qui s’y joue, c’est l’in­ven­tion d’un ver­na­cu­laire contem­po­rain fait d’en­jeux mon­diaux et de maté­riaux locaux. Ce qui s’y joue, c’est aus­si la défense d’un patri­moine vivant issu d’une lutte soli­daire qui ouvre nos imaginaires.

Contre la des­truc­tion de la ZAD

Nous sommes conscients que rendre nos sources d’énergie plus propres, nos bâti­ments plus éco­lo­giques et nos villes plus vertes ne suf­fi­ra pas à assu­rer un ave­nir sou­te­nable. L’importance de trou­ver des formes de vies plus sobres en éner­gie et en res­sources dans les­quelles s’en­ga­ger plei­ne­ment, nous amène donc ici à défendre la ZAD, ses habi­tants, et leurs lieux de vie.

Au vu de la com­plexi­té de la situa­tion, le débat autour de la léga­li­té ne sau­rait abou­tir à une réso­lu­tion par la pré­ci­pi­ta­tion, la force et la des­truc­tion. C’est pour­quoi un gel des terres et l’ouverture du dia­logue récla­mé par le mou­ve­ment anti-aéro­port est la seule pro­po­si­tion qui fait sens.

Nous nous oppo­sons donc à l’ex­pul­sion des habi­tants de la ZAD ain­si qu’à la des­truc­tion des formes d’organisation col­lec­tive et des construc­tions aty­piques qui s’y sont déve­lop­pées et s’y déve­loppent encore. Nous nous enga­geons à défendre ce qui s’y vit et affir­mons que ces nou­velles manières de construire et d’ha­bi­ter sont aujourd’hui légi­times et néces­saires au regard des enjeux aux­quels font face nos sociétés.