Belleville-sur-Loire : la mobilisation
contre les déchets nucléaires s’élargit

Avertissement : Cet article est le début d’un article publié sur  Reporterre par Andrea Fuori

 

Fin avril, près d’une cen­taine de per­sonnes se sont mobi­li­sées contre le pro­jet de pis­cine géante d’entreposage de com­bus­tible radio­ac­tif à Belleville-sur-Loire. De Bure à La Hague, la prise de conscience autour des déchets nucléaires pro­gresse, et la lutte s’élargit.

Belleville-Tchernoville-sur-Loire La fête du 01-05-2018

Le 1er mai 2018, alors que les cor­tèges syn­di­caux défi­laient dans les villes, à Belleville-sur-Loire (Cher), la contes­ta­tion s’est pro­lon­gée près de la cen­trale nucléaire, où les deux réac­teurs crachent leur fumée en conti­nu dans l’azur. Au bord de l’étang creu­sé en contre­bas — la bai­gnade y est décon­seillée, mais les pêcheurs nom­breux —, une petite cen­taine de per­sonnes s’est regrou­pée pour une « ker­messe » anti­nu­cléaire concluant le week-end « Tcher­no­ville-sur-Loire ». Quatre jours de confé­rences, déam­bu­la­tion clow­nesque, repas par­ta­gés, pour affir­mer l’opposition au pro­jet de construc­tion d’une pis­cine géante d’entreposage de com­bus­tible irra­dié, révé­lé par Reporterre en février der­nier.

La nou­velle pis­cine géante pour­rait accueillir 6.000 à 8.000 tonnes de com­bus­tible irra­dié et ser­vi­rait à désen­gor­ger le site de La Hague (Manche), qui arri­ve­rait à satu­ra­tion en 2025. Préparé depuis plu­sieurs années à la demande de l’IRSN (Institut de radio­pro­tec­tion et de sûre­té nucléaire), de l’ASN (Autorité de sûre­té nucléaire) et du Plan natio­nal de ges­tion des matières radio­ac­tives, le pro­jet était res­té secret. Deux mois après sa révé­la­tion, la contes­ta­tion se met en place.

« Là, ça touche à l’image de la région »

Catherine Fumé, copré­si­dente de Sortir du nucléaire Berry-Giennois-Puisaye, coor­ga­ni­sa­trice de « Tchernoville », y voit un pre­mier suc­cès : « Depuis des années, on n’était que vingt à agi­ter nos tracts ! » Les élus aus­si se mani­festent : « Ils ont été les pre­miers à se faire grais­ser la patte pour accep­ter les autres cen­trales de la région, mal­gré toutes leurs défaillances. Mais là, ça touche à l’image de la région », explique-t-elle. Dès le len­de­main des révé­la­tions, François Bonneau, le pré­sident du conseil régio­nal du Centre-Val de Loire, a annon­cé qu’il s’opposait au pro­jet et inci­te­rait d’autres élus à mon­trer « leur totale oppo­si­tion ». Peu de temps après, le conseil régio­nal a sui­vi, ain­si que d’autres élus locaux, comme les maires de Beaulieu ou de Bonny-sur-Loire.

En hom­mage aux per­sonnes vic­times de la catas­trophe de Tchernobyl, Catherine a lu un pas­sage de « La Supplication », de Svetlana Aleksievitch, sui­vi d’une minute de silence.

Une péti­tion regrou­pant 4.000 per­sonnes a été lan­cée par le groupe EELV-Centre-Val de Loire. Deux col­lec­tifs de rive­rains se sont créés pour s’y oppo­ser — ADNB dans la Nièvre et Vivons notre Loire dans le Sancerrois. « Au début, il y avait un côté “pas dans mon jar­din”, main­te­nant, beau­coup pensent “ni ici, ni ailleurs” et remettent en ques­tion le nucléaire », explique Émilie, fon­da­trice d’ADNB.

Face à ces pre­miers refus, EDF est sor­ti de son silence le 28 mars à Paris lors de la pre­mière réunion de pré­sen­ta­tion offi­cielle du pro­jet à l’initiative de l’IRSN et de l’ASN, qui regrou­pait des membres de la socié­té civile et des CLI (com­mis­sions locales d’information. Affirmant que le choix final du site n’était pas encore fait. « EDF a annon­cé que la sélec­tion du lieu inter­vien­drait dans un deuxième temps, après vali­da­tion du pro­jet géné­ra­liste et du dos­sier d’option de sûre­té par l’IRSN », dit Catherine Fumé.

Ce flou de com­mu­ni­ca­tion ne ras­sure pas Irène, la cin­quan­taine, ins­tal­lée à 5 km de la cen­trale de Belleville depuis plus d’une ving­taine d’années, qui par­ti­cipe pour la pre­mière fois à un ras­sem­ble­ment anti­nu­cléaire. « On a fait construire notre mai­son à côté de la cen­trale sans savoir. J’en ai fait des cau­che­mars pen­dant des années », témoigne-t-elle. L’annonce de la méga­pis­cine est pour elle un déclic. « Maintenant, j’ai des enfants, des petits-enfants, et ils veulent mettre les déchets juste à côté : com­ment avoir l’information ? Comment se mobi­li­ser ? » Erwan, lui, est méca­ni­cien robi­ne­tier depuis 7 ans à la cen­trale nucléaire de Belleville — « mais je suis anti­nu­cléaire, c’est juste pour nour­rir ma famille », explique-t-il. Venu aus­si pour la pre­mière fois, il sou­haite dénon­cer, sous pseu­do­nyme, ce pro­jet de pis­cine qui, selon lui, « ne tient pas debout si on ne sait pas quoi faire, ensuite, des com­bus­tibles entre­po­sés ».

Ils sont loin d’être les seuls à s’inquiéter. Le 21 avril, 300 per­sonnes ont assis­té à une pre­mière réunion d’information ani­mée par Bernard Laponche, dans le petit vil­lage de Boulleret, à 10 km de la cen­trale de Belleville. Catherine veut y voir le signe d’une « vague mon­tante de prise de conscience sur cette ques­tion. Les déchets débordent de par­tout et viennent taper à la porte des gens ! Quand on tracte, les gens disent : “Les déchets nucléaires ? Ah oui, c’est comme à Bure.” C’est très nou­veau ! »

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