Soirée studieuse des Gilets
Jaunes à Chartrexpo

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250 à 300 personnes

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Moment fes­tif

 

Vendredi 12 avril dès 18 h. 30, les Gilets Jaunes (GJ) et tous les citoyens inté­res­sés, conviés par la Team Chartres, entrent dans la salle Ravenne. On comp­te­ra 250 à 300 per­sonnes au cours de la soi­rée de « confé­rences citoyennes » qui s’est ache­vée à 23 h. 30, un peu moins que le 15 février dans le même lieu. Rap et impro ont ouvert et clô­tu­ré dans une ambiance fes­tive et com­ba­tive. Lors des deux débats, les spec­ta­teurs avaient moins d’une minute pour poser une ques­tion, ce qui ne per­met pas de déve­lop­per une petite argu­men­ta­tion, à tel point que dans  la salle un audi­teur s’est excla­mé « vous êtes en train de mon­trer le contraire de ce que vous êtes en train d’exposer depuis trois-quart d’heure [la démo­cra­tie hori­zon­tale]. Ce n’est pas for­cé­ment satis­fai­sant ».

1ère confé­rence : Revendications et muta­tions pos­sibles du mouvement

 

Chartres 12-04-2019 Conférence-citoyenne Gilets-Jaunes 03 Priscillia Ludosky Philippe Pascot

Priscillia Ludosky, Philippe Pascot

Les quatre pre­miers invi­tés vont s’installer pour un pre­mier pla­teau sous la forme d’une table ronde : Priscillia Ludosky (1), Juan Branco (2), Philippe Pascot (3), Pascal Dunord (4) traitent le thème des reven­di­ca­tions et des muta­tions pos­sibles du mou­ve­ment, Hakim Löwe (5) tenant le rôle de l’animateur.

Selon Branco, ce mou­ve­ment social se situe dans un contexte d’affaiblissement des syn­di­cats, il parle de tra­hi­son de la part de direc­tions syn­di­cales, de volon­té de gar­der leurs « pri­vi­lèges » d’intermédiaires entre l’État et les tra­vailleurs mais il relève la pré­sence de mili­tants de base auprès des Gilets Jaunes. Malgré ces cri­tiques, il compte la créa­tion de la Sécurité Sociale (en 194… ) et des ser­vices publics comme exem­plaires. Dans la pers­pec­tive d’actions à venir, Branco évoque la pos­si­bi­li­té de pro­vo­quer une « bas­cule » qui inverse le rap­port de force. Pour cela il appelle à se concen­trer sur la jour­née du 1er mai, plu­tôt à Paris.

Système de cor­rup­tion au niveau de l’État

Chartres 12-04-2019 Conférence-citoyenne Gilets-Jaunes 02 Juan Branco

Juan Branco

Sa des­crip­tion des pri­vi­lé­giés du sys­tème se fait plus pré­cise. Il explique que les hommes poli­tiques favo­risent les oli­garques parce qu’ils pour­ront influen­cer les citoyens par les médias que l’État leur cède, dans l’intérêt de leurs car­rières poli­tiques. Il dénonce les faveurs, les arran­ge­ments qui per­met­tront à quelques dizaines de per­sonnes de « se nour­rir sur la bête », en détour­nant des sommes d’argent qui per­mettent l’attribution de contrats, la pri­va­ti­sa­tion d’entreprises publiques, etc. Branco cite comme exemple François Hollande qui a deman­dé à Patrick Drahi (6) de rache­ter des titres de presse, en échange de l’autorisation du rachat de SFR.  Bilan, 5 000 sup­pres­sions d’emplois. Pour mettre fin à ce sys­tème de com­pro­mis­sions à coup de mil­lions ou de mil­liards d’€, seule une véri­table révo­lu­tion citoyenne per­met­tra de mettre en place une 6e République. À plu­sieurs reprises, il dénonce le manque d’indépendance des médias.

Grand et Vrai Débat

Chartres 12-04-2019 Conférence-citoyenne Gilets-Jaunes 06 Priscillia Ludosky sur CNews

Priscillia Ludosky répond aux ques­tions de CNews

Pascot note que les GJ se sont éveillés au grand éton­ne­ment des déci­deurs. Depuis le 17 novembre, « le peuple veut com­prendre » et parle de jus­tice sociale et fiscale.

Priscillia Ludosky appelle à ces­ser d’être « cloi­son­nés ». Elle insiste sur le fait que l’État ne répond pas aux ques­tions et argu­ments, il choi­sit de répondre par la répres­sion judi­ciaire et poli­cière. Elle dénonce la recherche d’endormissement par le Grand Débat et le satis­fe­cit de l’État. Elle évoque les 25 000 pro­po­si­tions issues du Vrai Débat orga­ni­sé par la pla­te­forme des GJ. Les grands médias n’en ont pas par­lé alors que les dis­cus­sions riches de ce Vrai Débat étaient construc­tives, avec peu de débor­de­ments agressifs.

Crise de la représentativité

Chartres 12-04-2019 Conférence-citoyenne Gilets-Jaunes 04 Pascal Dunord Priscillia Ludosky Philippe Pascot

Pascal Dunord, Priscillia Ludosky, Philippe Pascot

De son côté, Lenord fer­raille contre l’URSSAF et d’autres orga­nismes col­lec­teurs des coti­sa­tions sociales patro­nales qui placent l’argent en bourse alors que, explique-t-il, ce sont des orga­nismes de droit pri­vé non décla­rés au tri­bu­nal du com­merce et des socié­tés. Il dit se battre pour les arti­sans qui sont sous la menace des huis­siers. Il a pour l’instant per­du ses procès.

Branco revient sur la puis­sance de l’élite et la qua­si impos­si­bi­li­té pour les tra­vailleurs modestes d’accéder aux grandes écoles, le mythe de la méri­to­cra­tie réus­sis­sant à faire accep­ter cette injus­tice sociale. Ce qui explique la crise de la repré­sen­ta­ti­vi­té que le pays connaît actuellement.

La pour­suite du mou­ve­ment et la diver­si­fi­ca­tion des formes d’action ont été pré­sen­tées comme nécessaires.

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2ème confé­rence : Référendum d’i­ni­tia­tive citoyenne

 

Chartres 12-04-2019 Conférence-citoyenne Gilets-Jaunes 08 Matthieu Niango Raul Magni-Berton Hakim Löwe

Matthieu Niango Raul Magni-Berton Hakim Löwe

Après une brève inter­rup­tion consa­crée à une petite res­tau­ra­tion pré­pa­rée par des béné­voles, la deuxième confé­rence se consacre essen­tiel­le­ment au reve­nu d’initiative citoyenne, le fameux RIC qui fleu­rit sur cer­tains gilets jaunes. Si Philippe Pascot est tou­jours sur le pla­teau, Hakim Löwe accueille main­te­nant Matthieu Niango (7) et Raul Magni-Berton (8).

Qu’est-ce que le RIC ?

Ce der­nier com­mence par ten­ter une défi­ni­tion du RIC : c’est un droit indi­vi­duel per­met­tant de lan­cer une pro­cé­dure afin de modi­fier, abro­ger, reje­ter ou pro­po­ser une loi. Pascot, lui, insiste sur le RIC révo­ca­toire pour les élus « Dans tous les domaines ceux qui ne font pas cor­rec­te­ment leur bou­lot sont virés, pas les dépu­tés ! » Niango affirme que « Le sys­tème repré­sen­ta­tif  sert à pri­ver le peuple de ses droits. »

Co-construire un RIC partagé

Le RIC existe dans de nom­breux pays mais sous des formes variées et avec des condi­tions de mise en œuvre plus ou moins dras­tiques (seuil plus ou moins éle­vé de signa­tures pour enclen­cher le pro­ces­sus). Un par­ti­ci­pant remarque « Le RIC existe depuis cent ans dans cer­tains états des États-Unis, or, c’est tou­jours un pays capi­ta­liste, voire le pire du monde. Est-ce que c’est le bon exemple pour repré­sen­ter le RIC ? » Réponse de Magni-Berton : «  Il y a des endroits où les gens ont envie d’être anti­ca­pi­ta­listes et d’autres non. Il faut accep­ter le prin­cipe majo­ri­taire. » Mais com­ment impo­ser la mise en place du RIC sachant que « Si les élites l’accordaient , ce serait rogner sur leurs pri­vi­lèges » (Pascot) ? Niango pense qu’il sera « arra­ché si le pro­jet est clair. Ce qui néces­site des pro­po­si­tions mini­males où tout le monde est d’accord. » C’est pour­quoi des asso­cia­tions (Article 3, Mouvement pour l’Initiative Citoyenne…) se sont regrou­pées pour une co-construc­tion. « Vous êtes les bien­ve­nus. » Un site par­ti­ci­pa­tif est mis en place.

Le RIC ou rem­plir le frigo ?

Mais un audi­teur conteste : « Le RIC dans la situa­tion actuelle, avec notre gou­ver­ne­ment, c’est inap­pli­cable et ça ne pas­se­ra jamais. Pour moi, c’est pas la prio­ri­té du moment. La prio­ri­té, c’est com­ment on fait pour remo­bi­li­ser et que le gou­ver­ne­ment puisse plier ? C’est pas le RIC qui va don­ner aux gens de l’argent pour les fins de mois, qui va rem­plir le fri­go et qui va faire en sorte qu’on soit moins ponc­tion­né. » Pascot rétorque : « Si on n’obtient pas le RIC, on n’obtiendra que des choses illu­soires et il fau­dra recom­men­cer dans cinq ans. La base de la démo­cra­tie à mettre en place c’est de les for­cer à nous don­ner le RIC et après le fri­go sera rem­pli. » Magni-Berton nuance « Ce n’est pas sépa­ré : la démo­cra­tie, c’est pour avoir à manger. »

Le RIC en toutes matières

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Intervention dans la salle

Une par­ti­ci­pante demande si le RIC pour­rait por­ter sur plus de pou­voir aux sala­riés dans l’entreprise ? Le même Magni-Berton répond : « Si le  RIC intègre l’aspect consti­tu­tion­nel, on peut faire un RIC sur tout, même sur dépouiller tous les capitalistes ! »

Dans la salle : « Il faut un RIC ‘en toutes matières’ notam­ment fis­cale. Et aus­si au niveau de la cou­ver­ture média­tique… si 90% de nos médias sont contrô­lés par cer­taines per­sonnes, on peut arri­ver à voter contre nos inté­rêts ! » Pascot bon­dit : « Les gens sont pas cons. Il y a l’information hori­zon­tale. Même s’ils essaient de nous mani­pu­ler, nous sommes suf­fi­sam­ment intel­li­gents pour contrer ça. » Niango est vigi­lant :  « C’est un vrai risque, c’est pour­quoi il faut enca­drer sévè­re­ment les cam­pagnes publi­ci­taires  autour des RIC. »

 

Benoît Le Cam (GJ Chartres) conclut la confé­rence : « On est une source d’espoir. C’est dans le col­lec­tif, qu’on peut chan­ger les choses. On crève sous le poids du bou­lot, et on vient nous dire Faut que tu tra­vailles plus long­temps. Le tra­vail c’est la san­té, mais c’est aus­si un par­tage. Pour faire chan­ger les choses, arrê­tons d’être des moutons. »

 

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  1. Sa péti­tion «pour une baisse des prix du car­bu­rant à la pompe », publiée en mai 2018, est l’une des sources du mou­ve­ment  des Gilets Jaunes.
  2. C’est un avo­cat, uni­ver­si­taire, jour­na­liste et mili­tant poli­tique proche de La France Insoumise et de l’ex­trême-gauche [Wikipedia], auteur de Crépuscule.
  3. Ancien conseiller régio­nal PRG d’Île-de-France et ancien adjoint de Manuel Valls à Évry, essayiste, auteur de nom­breux livres sur les abus de pou­voir d’une minorité.
  4. Artisan retrai­té se pré­sen­tant comme spé­cia­liste des ques­tions fiscales.
  5. Spécialiste du réfé­ren­dum d’i­ni­tia­tive citoyenne (RIC).
  6. Principal action­naire, entre autres, de l’o­pé­ra­teur fran­çais Altice France, de Virgin Mobile, de l’o­pé­ra­teur israé­lien Hot, de Portugal Telecom, d’Altice Dominicana et de l’a­mé­ri­cain Suddenlink (deve­nu Altice USA). Altice France est pro­prié­taire de plu­sieurs médias dont Libération, L’Express, BFM TV et RMC.
  7. Il est nor­ma­lien et agré­gé de phi­lo­so­phie, membre fon­da­teur du mou­ve­ment À Nous la Démocratie. Il a tra­vaillé en cabi­net minis­té­riel. Il est l’au­teur de La démo­cra­tie sans maîtres (2017, chez Robert Laffont).
  8. Il est pro­fes­seur de sciences poli­tiques à l’Institut d’Études poli­tiques de Grenoble.