Dans le Perche :
des alternatives paysannes

St-Victor-de-Buthon Perche près de Mutinerie-Village

Le Perche à Saint-Victor-de-Buthon

Auteur : Didier Harpagès (repor­terre)

Les Percheronnes et les Percherons ne dédaignent pas entendre les louanges dédiées à leur ter­ri­toire, énon­cées à la manière d’un guide tou­ris­tique : dans un envi­ron­ne­ment pré­ser­vé, situé à moins de 150 km de Paris, le Perche offre au regard du pro­me­neur curieux un pay­sage val­lon­né où le bocage et les forêts doma­niales s’apprécient au même titre que les parcs et jar­dins, les manoirs, sans oublier l’emblématique che­val per­che­ron. Mais par­mi eux, cer­tains n’hésitent plus à sou­li­gner l’impérieuse néces­si­té de pré­ser­ver le vivant qui n’est pas, à leurs yeux, qu’un sédui­sant décor. À tel point que ce n’est plus la beau­té de la carte pos­tale qui leur importe mais la volon­té farouche de « vivre et tra­vailler au pays » en s’efforçant de ne plus le sac­ca­ger et de retis­ser des liens sociaux au cœur d’une cam­pagne qui, comme bien d’autres, se désertifie.

Gilberte Moreau et Jean Bouthry sont retrai­tés. Elle était phar­ma­cienne, il était pay­san adepte du bio. Elle milite aujourd’hui au sein de Perche ave­nir envi­ron­ne­ment, asso­cia­tion rat­ta­chée à France nature envi­ron­ne­ment Normandie. Il apporte son sou­tien à Terre de liens et contri­bue loca­le­ment au dyna­misme de la Confédération pay­sanne. Gilberte et Jean avaient déci­dé, en ce prin­temps sec et frais, lors d’une soi­rée convi­viale, de réunir le petit monde du bio et des pra­tiques alter­na­tives, très actif du côté de Saint-Cyr-la-Rosière, Préaux-du-Perche, Saint-Hilaire-sur-Erre, Nocé, Bretoncelles ou encore Vaupillon et La Loupe.

Le bio au cœur des projets

Ce soir-là, Marie Odile et Roland Ouy fai­saient figure de pré­cur­seurs. Installés en 1981 à Nocé sur une tren­taine d’hectares, à la ferme La Chevrolière, ils pra­tiquent l’élevage bio de vaches lai­tières, accom­pa­gné d’une trans­for­ma­tion sur place.

Ils sont retrai­tés depuis 2008 et Marie Odile anime encore, avec quelques familles, les jar­dins par­ta­gés à Nocé. La Chevrolière a été cédée à leur fils Jérémie qui s’est asso­cié à Lénaïc Chaboche et Josué Diesny. Ils ont pour­sui­vi le tra­vail de leurs aînés avec la même pas­sion. Leurs pro­duits jouissent d’une très bonne répu­ta­tion et sont écou­lés, tou­jours en vente directe, sur les mar­chés locaux et dans plu­sieurs Amap

Cet état d’esprit les a logi­que­ment conduits à deve­nir admi­nis­tra­teurs de deux asso­cia­tions dyna­miques : le Marché d’intérêt local du Perche (Mil Perche), et le Collectif per­che­ron.

La cui­sine est politique”

Ancienne élève de Sciences poli­tiques, deve­nue cui­si­nière-trai­teur bio depuis cinq ans, Fantine Olivier a créé une bou­tique par­ta­gée, Aux petits fours, aux côtés d’un ami bou­lan­ger, L’Ami d’pain, à Bretoncelles. Elle s’est éga­le­ment impli­quée dans la créa­tion, en 2016, du Mil Perche. « La cui­sine est poli­tique, affirme-t-elle sans façon. Manger est un acte poli­tique. À ce titre, il est impor­tant de dif­fu­ser le plus lar­ge­ment pos­sible les pro­duits bio. Avec Mil Perche, notre objec­tif est double : d’une part appor­ter aux res­tau­rants pri­vés, à la res­tau­ra­tion col­lec­tive et aux épi­ce­ries locales les moyens logis­tiques leur per­met­tant d’accéder à des pro­duits bio et locaux et d’autre part de péren­ni­ser l’activité des pro­duc­teurs bio du Perche. Cette asso­cia­tion est un média­teur entre les pro­fes­sion­nels de la res­tau­ra­tion et le monde pay­san. »

Animée prin­ci­pa­le­ment par des béné­voles, Mil Perche est par­ve­nue à sala­rier deux per­sonnes et son chiffre d’affaires annuel est pas­sé de 45.000 euros en 2017 à 105.000 euros en 2018.

Aurélien Asselin et Bertrand Ivars sont maraî­chers asso­ciés sur le vil­lage de Saint-Cyr-La-Rosière. Les cir­cuits courts – leur ferme, le mar­ché de Mortagne au Perche, plu­sieurs Amap per­che­ronnes et pari­siennes – accueillent leur pro­duc­tion bio.

St-Victor-de-Buthon Mutinerie-Village Stand MIL-Perche Tour 2018 Alternatiba 1

Stand MIL-Perche à St-Victor-de-Buthon lors de l’é­tape du Tour Alternatiba 2018

Ils sont en rela­tion avec Mil Perche et ont éga­le­ment par­ti­ci­pé, en com­pa­gnie de la Confédération pay­sanne de l’Orne, à la créa­tion du Collectif per­che­ron dont l’objectif est de livrer les pro­duits bio et pay­sans à des groupes de consomm’acteurs pari­siens regrou­pés en Amap. Ce col­lec­tif appar­tient aux pro­duc­teurs qui le com­posent. Deux fois par an, Aurélien Asselin par­ti­cipe à la livrai­son des paniers sur la région pari­sienne ce qui lui per­met de gar­der le contact avec les consom­ma­teurs. Bien que fai­sant appel quelques mois à un tra­vailleur sai­son­nier, il estime trop tra­vailler : 40 heures par semaine l’hiver et 60 heur l’été. Et dit : « Je sou­hai­te­rais réduire mon temps de tra­vail pour être plus proche de ma famille. Pourtant, j’estime avoir la chance d’exercer un tel métier et je vis bien de mon tra­vail. »

Coopérative d’ac­ti­vi­té et d’emploi

Nées au milieu des années 1990, les coopé­ra­tives d’activité et d’emploi (CAE) se posi­tionnent à contre-cou­rant de l’auto-entrepreneuriat ardem­ment sou­te­nu par les pou­voirs publics. La voie emprun­tée par les CAE est celle d’un agir com­mun, coopé­ra­tif per­met­tant de tis­ser un lien entre les por­teurs de projets.

Rhizome, CAE agri­cole, a été créée en 2017 à la suite d’une expé­ri­men­ta­tion menée en 2014 au sein du Parc natu­rel régio­nal du Perche (PNPR). Julien Kieffer est l’un de ses ani­ma­teurs. À ses yeux, il est indis­pen­sable de faci­li­ter l’installation de jeunes pro­duc­teurs bio en cir­cuits courts.  Le pro­jet de l’agriculteur se déploie ain­si de manière res­pon­sable et auto­nome dans un cadre qui réduit la prise de risque. « Rhizome est un pas­seur entre les mondes, ana­lyse Julien Kieffer. C’est une boîte à outils qui per­met de che­mi­ner dou­ce­ment de l’utopie à la réa­li­té. »

 

[L’article ci-des­sus ne pré­sente que des extraits de l’ar­ticle ori­gi­nal à retrou­ver sur reporterre.net]