Retraites : contre l’individualisme,
nous choisissons la solidarité

Concernant les retraites, notre mou­ve­ment Ensemble! a pro­po­sé une démarche de ras­sem­ble­ment des forces de gauche et éco­lo­gistes oppo­sées au libé­ra­lisme. La tri­bune que nous repro­dui­sons, publiée dans Libération le 25 novembre 2019, en est le pre­mier résul­tat. D’autres ini­tia­tives sont en cours pour sou­te­nir le mou­ve­ment social qui se pré­pare et contri­buer à iso­ler le gou­ver­ne­ment Macron.

[Les inter­titres en vio­let sont de notre rédaction]

Les forces poli­tiques et les per­sonnes sous­si­gnées s’opposent tota­le­ment au pro­jet de retraites d’Emmanuel Macron et sou­tiennent les mobi­li­sa­tions syn­di­cales annon­cées pour le mettre en échec le 5 décembre, ain­si que les appels à la grève reconductible.

E. Macron parle de droits «uni­ver­sels» ? Ils seraient en réa­li­té «indi­vi­dua­li­sés» et réduits.

C’est au Parlement de Versailles en juillet 2018 que E. Macron a pro­cla­mé son pro­jet. Il veut «un Etat pro­vi­dence du XXIe siècle, éman­ci­pa­teur, uni­ver­sel…» et «pro­té­ger nos conci­toyens non selon leur sta­tut et leur sec­teur d’activité, mais de manière plus juste».

 

Droits des chô­meurs amputés

Retraités en discussion

Plus «juste» ? Pour l’assurance-chômage, le Président avait déjà pro­mis «l’universalité». Or avec sa «réforme», plus d’un mil­lion de per­sonnes ver­ront leurs droits ampu­tés et paie­ront de leurs poches les 3,8 mil­liards d’économies impo­sées par l’Etat jupi­té­rien. Très belle «éman­ci­pa­tion» !

Dans le monde selon E. Macron, les sta­tuts col­lec­tifs dis­pa­raissent. Il ne reste que l’individu face à son des­tin, évo­luant sur le mar­ché, tra­ver­sant la rue pour obte­nir un emploi, sur­veillant son compte de retraite à points pour arbi­trer entre la pro­lon­ga­tion de son tra­vail et son niveau de pen­sion. A condi­tion bien sûr de ne pas être au chô­mage, en mala­die, ou en inva­li­di­té, comme beau­coup de salarié·es après 60 ans.

 

À rebours du pro­jet du Conseil natio­nal de la Résistance

E. Macron oublie que le pro­jet du Conseil natio­nal de la résis­tance (CNR) visait une Sécurité sociale uni­ver­selle, mais avec des droits en pro­grès. Il veut qu’on oublie que ces conquêtes résultent d’une mobi­li­sa­tion popu­laire obte­nant qu’une part plus éle­vée de la richesse soit attri­buée aux retraites et à la san­té, donc au bien vivre. Il a fal­lu pour cela aug­men­ter la part du PIB accor­dée aux retraites, de 4% jusqu’à 14% d’aujourd’hui, pour amé­lio­rer le taux de rem­pla­ce­ment entre la pen­sion ver­sée et les meilleurs salaires. Ce taux attei­gnait 75%, avant les contre-réformes accu­mu­lées depuis 1993. Ainsi la retraite a repré­sen­té une pro­lon­ga­tion de son reve­nu pour des acti­vi­tés nou­velles et libres. Cette répar­ti­tion de la richesse a per­mis d’universaliser des droits pour des retrai­tés plus nom­breux et un pro­grès de l’espérance de vie.

Inégalité sala­riale femmes / hommes

Retraitée âgéeCependant, une forte injus­tice per­siste en rai­son de la scan­da­leuse inéga­li­té sala­riale entre femmes et hommes, rédui­sant en moyenne leurs pen­sions de 40% sur celles des hommes. Or l’application effec­tive de l’égalité sala­riale per­met­trait un afflux de res­sources : 6 mil­liards d’euros au moins. Il est donc tout à fait pos­sible d’améliorer ce qui existe. Et aus­si de réduire les inéga­li­tés inac­cep­tables dues à la péni­bi­li­té du tra­vail. Même Edouard Phillipe a recon­nu qu’il n’y a pas vrai­ment de «défi­cit» et que le sys­tème actuel est «encore bon».

Un niveau de retraite dans le brouillard

Alors pour­quoi s’acharner à le déman­te­ler ? Parce que ce gou­ver­ne­ment veut à tout prix obli­ger les tra­vailleurs, femmes et hommes, y com­pris les indé­pen­dants, à s’adapter aux règles du libé­ra­lisme : les droits coû­te­raient trop chers parce qu’ils sont socia­li­sés et incluent une soli­da­ri­té col­lec­tive (car­rières incom­plètes, années de chô­mage, enfants). Au lieu d’une retraite où la pres­ta­tion est d’avance garan­tie, ce pou­voir cherche à impo­ser un sys­tème où seule la coti­sa­tion est défi­nie. Chacun sait ce qu’il cotise pour acqué­rir des points, mais per­sonne ne sait quelles pres­ta­tions seront ver­sées. La conver­sion des points en pen­sion pour­ra évo­luer en fonc­tion de la marche géné­rale de l’économie. Le gou­ver­ne­ment aura la haute main sur ce choix à chaque bud­get annuel de la Sécurité sociale. La «caisse des retraites» où siè­ge­ront les syn­di­cats ne pour­ra don­ner qu’un avis.

La pro­pa­gande du gou­ver­ne­ment sonne bien, mais elle est une tromperie.

* « Un euro coti­sé don­ne­ra les mêmes droits pour tous » ? Peut-être, mais appau­vris. En effet le cal­cul des droits à pen­sion s’effectuerait sur toute la car­rière, alors qu’aujourd’hui il se fait sur les 25 meilleurs salaires dans le pri­vé, et les der­niers mois dans le public. Conséquence : la moyenne des salaires bais­se­ra en incluant les mau­vaises années. La pen­sion bais­se­ra en pro­por­tion. Le recul de l’âge de la retraite est aber­rant alors qu’à 62 ans, 40% des seniors sont ins­crits à Pôle Emploi.

Retraités à la campagne* Un « État pro­vi­dence du 21ème siècle » ? Appauvri encore ! La part des retraites dans la richesse natio­nale serait pla­fon­née (14% du PIB), alors que depuis 1945 elle a pro­gres­sé. Les coti­sa­tions ont aug­men­té : les actifs et les retrai­tés sont soli­daires pour déter­mi­ner la part de valeur qui va au bien com­mun. Ce n’est pas aux pro­prié­taires finan­ciers et de divi­dendes de déci­der. Alors qu’ils s’approprient tou­jours plus de richesses sans aucun effet sur le chômage.

* Des droits « dès le pre­mier euro » ? On pro­met que les jeunes auraient des droits au pre­mier euro coti­sé. Mais si la part totale des retraites est gelée, toute avan­cée des uns sera prise sur les autres. On aura une divi­sion accrue au lieu de droits égaux ! Ainsi, les pen­sions de réver­sion vont dimi­nuer, ce qui péna­li­se­ra encore les femmes. Macron veut en réa­li­té rendre «natu­relle» la pré­ca­ri­té des temps par­tiels et des CDD au lieu de les combattre.

* « Un sys­tème plus juste » ? Faux ! E. Macron veut rayer le mot «péni­bi­li­té du tra­vail» du voca­bu­laire alors même que celle-ci par­ti­cipe lar­ge­ment à réduire l’espérance de vie en bonne san­té. Que de retraites volées à celles et ceux qui en auraient le plus besoin !

* La retraite par points ? Le sec­teur pri­vé la connaît déjà, avec les «com­plé­men­taires» par points qui ne cessent de se dégra­der. Les «com­plé­men­taires» sont le che­val de Troie intro­duit pour habi­tuer à un sys­tème indi­vi­dua­liste. Comme c’est le cas aus­si en Suède sou­vent por­tée en exemple. En France, sous la pres­sion du Medef, les pen­sions «com­plé­men­taires» ont été gelées de 2016 à 2018, et une baisse de 10% est pré­vue à par­tir de 2019. Ni Macron ni les patrons ne veulent plus par­ler de hausse de cotisations.

* État « pro­vi­dence » ? Plutôt un trem­plin vers la capi­ta­li­sa­tion pour les plus riches ! En effet, la baisse pro­gram­mée du mon­tant des retraites inci­te­ra ceux qui en ont les moyens à se tour­ner vers les fonds de pen­sion. Les salaires au-des­sus de 120 000 euros annuels ne coti­se­raient plus au régime à points mais pour­raient sous­crire une épargne pri­vée. Le ver serait dans le fruit.

Au total, la contre-réforme des retraites par­ti­cipe d’un plan de des­truc­tion des sys­tèmes de soli­da­ri­té : sup­pres­sion des ser­vices publics, réforme puni­tive de l’assurance chô­mage, pri­va­ti­sa­tions (ADP), attaques contre tous les sta­tuts salariés.

Contre ce bou­le­ver­se­ment de socié­té, notre alter­na­tive repose sur un socle de droits uni­ver­sels : une retraite à 60 ans avec un taux de rem­pla­ce­ment à 75% indexé sur les meilleurs salaires, garan­ti pour tous et toutes. Mais aus­si un droit col­lec­tif à un départ anti­ci­pé en fonc­tion de la péni­bi­li­té du tra­vail, pour une retraite en bonne san­té. Cela exige une aug­men­ta­tion des coti­sa­tions socia­li­sées incluant les pro­fits finan­ciers. Et une baisse du chô­mage par la réduc­tion du temps de tra­vail appor­te­rait aus­si des ressources.

Les mobi­li­sa­tions syn­di­cales uni­taires seront déci­sives à par­tir du 5 décembre ! Nous appe­lons la popu­la­tion à leur appor­ter un sou­tien massif !

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 Signatures :

* Europe Ecologie-LesVerts (EÉLV) : Sandra Regol, porte-parole ; Alain Coulombel,
secré­taire natio­nal adjoint
* Ensemble ! : Clémentine Autain, dépu­tée de la France Insoumise (FI), Myriam Martin,
porte-parole, conseillère régio­nale FI Occitanie; Jean-François Pellissier, porte-parole
* Gauche démo­cra­tique et sociale (GDS) : Gérard Filoche, porte-parole ; Anne de Haro,
GDS Ile de France
* Génération.s : Guillaume Balas et Claire Monod, coor­di­na­teurs nationaux
* Mouvement pour la démo­cra­tie en Europe (Diem 25) : Emma Justum, coordination
nationale
* Nouveau par­ti anti­ca­pi­ta­liste (NPA) : Olivier Besancenot, Christine Poupin, Philippe
Poutou, porte-paroles
* Nouvelle Donne (ND) : Aline Mouquet, co-pré­si­dente, Gilles Pontlevoy : co-président
* Parti com­mu­niste fran­çais (PCF) : Cathy Apourceau-Poly, membre de la direc­tion du
PCF, séna­trice du Pas-de-Calais ; Pierre Dharreville, membre de la direc­tion du PCF, député
des Bouches-du-Rhône
* Parti com­mu­niste des ouvriers de France (PCOF) : Véronique Lamy et Christian Pierrel,
co-porte-paroles
* Parti de Gauche (PG) : Eric Coquerel, dépu­té FI, co-coor­di­na­teur du PG; Danielle
Simonnet, conseillère de Paris, co-coor­di­na­trice du PG
* Pour une éco­lo­gie popu­laire et sociale (PEPS) : Sergio Coronado, Jean Lafont, Elise
Lowy, Bénédicte Monville
* République et socia­lisme (RS) : Marinette Bache, conseillère de Paris ; Lucien Jallamion,
secré­taire natio­nal ; Mariane Journiac, secré­taire nationale
* François Ruffin, dépu­té France Insoumise de la Somme.