Maternité de Châteaudun
Une marche réussie

Pour le main­tien d’un ser­vice public vital

Châteaudun Manif Maternité 16-12-2017 eSamedi 16 décembre, la popu­la­tion du bas­sin de vie de Châteaudun a répon­du à l’appel du Comité de défense qui a orga­ni­sé cette mobi­li­sa­tion avec les syn­di­cats. Entre 600 et 800 per­sonnes ont mar­ché dès 10 heures du matin, de la place du 18 octobre, déjà sous le signe des fêtes de Noël, jusqu’à l’hôpital, en pas­sant par la place de la Liberté ani­mée par le mar­ché heb­do­ma­daire. Le long du par­cours, des habi­tants se joi­gnaient au défi­lé bruyant et offen­sif qui réunis­sait, fait rare et spec­ta­cu­laire, les per­son­nels du Centre hos­pi­ta­lier, plu­sieurs dizaines d’élus ceints de leur écharpe tri­co­lore et des habi­tants dans leur diver­si­té, de la ville de Châteaudun et des com­munes limi­trophes ou du Grand Châteaudun. Parmi les pro­fes­sions médi­cales repré­sen­tées, les infir­mières, les sages-femmes et les aides-soi­gnantes étaient par­ti­cu­liè­re­ment remar­quées, étant les plus dyna­miques, criant des slo­gans, chan­tant et même cho­ré­gra­phiant leur refus de la fer­me­ture de la Maternité et sa trans­for­ma­tion en Centre de péri­na­ta­li­té (sui­vant femmes enceintes et bébés uni­que­ment avant et après la nais­sance). Comme cela a été le cas à Nogent-le-Rotrou en 2003.

 

 Quand la mani­fes­ta­tion a atteint le site de l’Hôpital, le Comité de défense, les syn­di­cats CFDT, FO et CGT, le maire de Châteaudun et le dépu­té ont pris la parole. Le compte-ren­du de ces inter­ven­tions sera dans notre pro­chain article. Pour ter­mi­ner, est inter­ve­nu un invi­té remar­qué : Paul Cesbron, de la Coordination natio­nale des Hôpitaux et Maternités de proxi­mi­té venu sou­te­nir cette mobi­li­sa­tion de son expé­rience de nom­breuses années de défense obs­ti­née du ser­vice public de san­té sur tout le pays. [Voir ci-contre]

Les menaces de fer­me­ture n’ont rien d’imaginaire

Dominique Garcia, membre du comi­té de défense (Comité pour l’Amélioration du ser­vice public hos­pi­ta­lier à Châteaudun) dénonce les dégra­da­tions de la situa­tion depuis 10 ans avec la fer­me­ture de la chi­rur­gie conven­tion­nelle. « Les femmes ont droit à la même qua­li­té de ser­vice par­tout », affirme D. Garcia. « Au niveau natio­nal il y a des coupes sombres depuis de nom­breuses années dans les bud­gets des hôpi­taux publics ». La créa­tion des GHT (Groupements hos­pi­ta­liers de ter­ri­toire) cor­res­pond au sou­ci de mutua­li­ser pour faire des éco­no­mies. Cependant, l’ARS (Agence régio­nale de san­té) peut appli­quer à la lettre les direc­tives ou bien entendre ce que disent la popu­la­tion, les comi­tés d’usagers. Le Comité est reçu régu­liè­re­ment par l’ARS. Mais l’agence régio­nale ne com­mu­nique pas volon­tiers comme le montre la fer­me­ture du ser­vice de car­dio­lo­gie de Châteaudun, toute der­nière déci­sion de l’ARS, que le comi­té vient d’apprendre. À terme, D. Garcia voit se pro­fi­ler la fin de l’hôpital si la mater­ni­té n’est pas maintenue.

Châteaudun Manif Maternité 16-12-2017 cLa péti­tion que le Comité a lan­cée a atteint à ce jour 12 000 signa­tures (papier + inter­net), elle est tou­jours pro­po­sée à la signa­ture en cli­quant ici.

Un cor­tège loin d’être abat­tu : témoignages

Les infir­mières sentent leur ave­nir mena­cé. L’une d’elles demande « le main­tien des soins de proxi­mi­té pour tous » parce que « l’hôpital est un lien social ». Toutes craignent l’engorgement des autres centres hos­pi­ta­liers où elles devront tra­vailler dans de plus mau­vaises conditions.

De nom­breuses femmes, aides-soi­gnantes et sages-femmes de la mater­ni­té vantent les condi­tions humaines de la mater­ni­té de Châteaudun, de ces petites struc­tures plus atten­tives aux besoins de l’accouchée.

Une jeune femme enceinte dont la gros­sesse néces­site du repos craint les longues dis­tances. Une autre dame se dit oppo­sée aux « hôpi­taux-usines ». Elle raconte avoir subi un pro­blème grave une fois chez elle, après un accou­che­ment dans la mater­ni­té d’un grand hôpi­tal pari­sien, ayant été ren­voyée au bout de trois jours.

Florence, aide-soi­gnante depuis 25 ans, qui tra­vaille de nuit, reven­dique son choix d’une petite struc­ture. Du fait de la fer­me­ture de lits dans les autres hôpi­taux du dépar­te­ment elle s’attend à ce que les accou­chées quittent la mater­ni­té de ces grands centres de plus en plus tôt. 

Elle, est fière de faire connaître l’association Bien naître créée par le per­son­nel de la mater­ni­té afin d’améliorer le quo­ti­dien des mamans et des familles. 

Un jeune papa incri­mine l’organisation du GHT dont le pré­sident est « juge et par­tie » en tant que direc­teur de l’hôpital de Chartres. Il consi­dère que la mater­ni­té de Châteaudun va bien, que les gyné­co­logues sont pré­sents et compétents. 

Jean-François, usa­ger, que Chartres, Orléans, Vendôme sont trop éloi­gnées. Il évoque la fer­me­ture du Tribunal et d’autres ser­vices publics. La popu­la­tion dimi­nue, la ville perd de son attractivité.

Toutefois, la moro­si­té n’était pas au pro­gramme. Cet état d’esprit com­ba­tif est une force. Tout le monde pro­met de res­ter mobi­li­sés. Face aux exi­gences gou­ver­ne­men­tales por­tées par l’ARS, seule une co-orga­ni­sa­tion de la lutte et une co-éla­bo­ra­tion des pro­po­si­tions pour l’avenir de la mater­ni­té et de l’hôpital sera à même d’éviter la divi­sion qui condui­rait à une démobilisation.

Interview de Paul Cesbron

Châteaudun Manif Maternité 16-12-2017 Paul CesbronPaul Cesbron, gyné­co-obs­té­tri­cien, est membre de la Coordination natio­nale des Hôpitaux et mater­ni­tés de proxi­mi­té. Il dénonce le dis­cours qui pré­sente les petites mater­ni­tés comme dan­ge­reuses et donne en exemple de grandes mater­ni­tés pari­siennes qui ont été fer­mées elles aus­si. Il a été en fonc­tion dans une mater­ni­té de 1800 à 2000 bébés « c’est déjà beau­coup, dit-il, les bébés c’est pas comme des voitures ! »

La dégra­da­tion a été vou­lue : Il tient à rap­pe­ler une don­née essen­tielle qui per­met de mieux com­prendre la situa­tion. La France, il y a 20 ans, était à la pre­mière place selon l’Organisation Mondiale de la Santé, « sur le plan sani­taire, de l’organisation des soins, de l’accessibilité aux soins, du niveau de soins. Aujourd’hui, on a fer­mé et on veut fer­mer les dites ‘petites’ mater­ni­tés sous pré­texte qu’elles seraient incom­pé­tentes par inex­pé­rience. C’est une for­mu­la­tion scan­da­leuse contre laquelle on doit lut­ter. » Les jeunes sages-femmes ont sui­vi 5 ans de for­ma­tion ce qui en fait « des sages-femmes de haut niveau, elles doivent être res­pec­tées » « Cette situa­tion on doit la dénon­cer. Les res­pon­sables poli­tiques de la situa­tion qui se crée aujourd’hui auront à rendre compte his­to­ri­que­ment. » Paul Cesbron s’indigne que les trans­for­ma­tions sani­taires actuelles nous mettent au dou­zième rang mon­dial. « Les 2/3 des mater­ni­tés ont été liqui­dées. L’objectif est de réduire les dépenses de san­té publique : on ferme des hôpi­taux, des lits, on réduit le per­son­nel, on consacre moins d’argent à la san­té… Ce doit être une prio­ri­té natio­nale, pour le bien-être de tous ».

Pas assez de méde­cins. « Cela a été orga­ni­sé. C’est en 73 qu’on est pas­sé de 8500 méde­cins for­més par an à 3500 et on a main­te­nu ce chiffre pen­dant plus de 20 ans. Aujourd’hui, c’est envi­ron 8000 c’est-à-dire moins qu’en 1973 et notre popu­la­tion a aug­men­té de plus de 50% entre 1945 et aujourd’hui ».

« Cette mani­fes­ta­tion est du côté de la vie, du bon­heur. On sait, dans le monde entier, que les dépenses de san­té aug­mentent plus vite que le PIB. Eh ! alors ? C’est un choix de socié­té, c’est nor­mal ». « On a cha­cun besoin des autres. Tout notre argent devrait être consa­cré au mieux-être.»