Chartres :
Les bibliothécaires en colère !
Depuis plusieurs mois, les bibliothécaires et les agents de la Médiathèque de Chartres, l’Apostrophe, ont eu le temps de méditer sur la proposition de l’académicien Erik Orsenna, très médiatisée, d’ouverture le dimanche. En février dernier, quand ils ont découvert que cette idée avait le vent en poupe à la Mairie, dont ils dépendent, ils ont espéré une concertation, une consultation des représentants du personnel, des sections syndicales. Mais ils constatent que l’autoritarisme a prévalu. Les personnels résument les décisions : 4 heures d’ouverture chaque dimanche après-midi, chaque agent concerné le sera une semaine sur 5, des heures payées comme des heures supplémentaires, sans tenir compte de la spécificité du dimanche, le volontariat n’a pas été envisagé, et la récupération serait possible deux fois par an uniquement.
Aussi, samedi 2 juin, entre 16h et 17h, la grande majorité des 44 salariés a cessé le travail à l’appel de l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO) et de l’AG des personnels. Ils ont distribué un tract aux usagers présents et aux passants avec qui ils ont discuté une heure durant, devant les marches de la Médiathèque.
« Le dernier bastion » de vie personnelle
Un bibliothécaire fait remarquer que la Médiathèque de Chartres est « une des bibliothèques les plus ouvertes de France ». Le dimanche était le dernier espace de vie privée. Un autre précise qu’ils travaillent déjà 40 heures, samedis inclus, chaque semaine, ce qui n’est pas le cas partout. D’autres confirment : travailler aussi le dimanche c’est les priver de leur vie familiale. Une jeune femme ajoute que c’est pour elle le seul jour du week-end pour rencontrer ses amis qui ont eux-mêmes des horaires décalés. Il leur semble justifié de défendre la vie familiale, associative, le vivre ensemble, le droit à la détente et aux activités personnelles.
« On nous a dit que c’était une évolution de la société, qu’il fallait s’adapter »
Travailler le dimanche est un retour en arrière pour tous les salariés. Devant les marches, l’exposé de cette situation interpelle tous les auditeurs. En effet, aucun salarié dans ce pays n’est plus à l’abri de ces choix de société imposés par la logique consumériste et capitalistique dont la dérégulation est l’instrument. Une touche de culturel permet de valider la logique commerciale dominante. Des bibliothécaires chartrains disent craindre que d’un dimanche toutes les cinq semaines on passe à deux, puis 3 et que le dimanche devienne un jour comme les autres. Et pourquoi pas dans d’autres services municipaux dans la foulée !
Une rémunération scandaleusement insuffisante
La colère des employés de la Médiathèque concerne aussi les emplois et la spécificité de leurs professions. Ils notent que des personnels ne sont pas remplacés depuis longtemps. Ils ont demandé si les départs en retraite attendus en 2019 le seront, sans avoir obtenu de réponse de la Mairie. La qualité du travail les préoccupe : des étudiants constitueraient la moitié des effectifs du dimanche. Les agents seront sans doute chargés de les former alors que les effectifs sont déjà insuffisants. Un salarié fait remarquer que depuis son ouverture en 2007, la bibliothèque a perdu 10% de ses effectifs. Il y a eu des groupes de travail, notamment sur la rémunération, mais la Mairie n’en a pas tenu compte. Les syndicats savent que cette opération recevra une aide de l’Etat de 70% d’où leur étonnement devant autant d’intransigeance de la part de la Mairie. L’Intersyndicale a porté toutes ces demandes explique Patrick, représentant FO, elles ont été repoussées.
Quels sont les besoins ?
Si la majorité des salariés ne contestent pas que l’accès à la Médiathèque puisse être offert aux habitants, ils s’étonnent que cette décision ne soit pas appuyée sur une enquête en matière de besoins, en direction des publics qui fréquentent ce lieu ou qui souhaiteraient le fréquenter le dimanche. Serait aussi nécessaire une étude des aspects matériels liés à l’accès à la Médiathèque plus difficile le dimanche pour des personnes éloignées du centre-ville, et qui n’auraient pas de moyen de transport personnel. Rien de tout cela n’a été étudié pensent plusieurs personnes interrogées.
Cette action de débrayage aura des suites qui intéresseront également les salariés d’autres services et la population en général.