Vernouillet : les Konecranes
ne lâchent rien

Le géant mon­dial de l’engin de levage a déci­dé d’affaiblir ses pro­duc­tions en France. Les 120 sala­riés de l’usine de Vernouillet contre-attaquent.

Manifestation ce mar­di devant Bercy, attaques judi­ciaires tous azi­muts pour faire res­pec­ter leurs droits, les cent vingt sala­riés de Konecranes Vernouillet, en péri­phé­rie de Dreux, ont déci­dé de mon­ter en régime pour sau­ver leurs emplois. Ces petites mains fran­çaises du lea­der mon­dial des engins de levage se sont enga­gées dans une course de vitesse avec la direc­tion de la mul­ti­na­tio­nale fin­lan­daise pour évi­ter que les acti­vi­tés et savoir-faire s’en aillent défi­ni­ti­ve­ment de France.

Ils ont fort à faire. S’appuyant sur l’arrivée en pro­duc­tion d’une nou­velle gamme de palans élec­triques, le géant du sec­teur s’est lan­cé en fin d’année der­nière dans une vaste réor­ga­ni­sa­tion de ses acti­vi­tés. Une seule implan­ta­tion par conti­nent étant cen­sée pro­duire ce nou­vel équi­pe­ment, un « dia­logue com­pé­ti­tif » a été ins­tau­ré en interne entre les dif­fé­rents sites. Au bout de ce pro­ces­sus de sélec­tion obs­cur, car sans cri­tères ni cahier des charges por­tés à la connais­sance des sites en lice, l’usine de Wetter, en Allemagne, a été choi­sie fin novembre. Malheur aux reca­lés. Les usines per­dantes en Finlande, en République tchèque et en France se retrouvent pri­vées de cette pro­duc­tion d’avenir. Un mau­vais pré­sage alors que d’autres sites ont déjà été fer­més en Autriche et Suisse et que le même pro­ces­sus de regrou­pe­ment s’abat sur tous les autres conti­nents où Konecranes sévit. Cette concen­tra­tion de la pro­duc­tion va de pair avec une concen­tra­tion des béné­fices du groupe au sein d’une hol­ding finan­cière qui vient d’atterrir aux Pays-Bas, autre pays de l’optimisation fiscale.

Assommés, les sala­riés de Vernouillet, ain­si que les quelque deux cents sous-trai­tants, se sont très vite rele­vés en son­nant la mobi­li­sa­tion géné­rale dans une région peu épar­gnée par la dés­in­dus­tria­li­sa­tion. Outre les élus locaux, le dépu­té du cru Olivier Marleix (LR), les services

de la pré­fec­ture et même du Ciri (Comité inter­mi­nis­té­riel des restruc­tu­ra­tions indus­trielles) ont été obli­gés d’entrer dans la danse.

Le CE a dépo­sé un recours en référé

Un bâti­ment du site Konecranes à Vernouillet [Doc. Google maps]

 

Pour l’heure, la direc­tion de la mul­ti­na­tio­nale fait la sourde oreille. Aucune réponse n’a été appor­tée aux demandes quant à l’avenir du site de Vernouillet. Ce qui lui vaut un pre­mier recours en réfé­ré de la part du comi­té d’entreprise, dont les demandes d’informations et de docu­ments n’ont pas été hono­rées. L’entreprise s’engage à payer tous les sala­riés jusqu’à la fin de l’année. Avant fer­me­ture ? Un non-sens éco­no­mique, alors que l’usine rem­plit si bien ses objec­tifs que ses tra­vailleurs reçoivent tou­jours leur prime d’objectifs de 1 000 euros. Konecranes semble même sabor­der la pro­duc­tion en fai­sant pres­sion sur les four­nis­seurs de l’usine fran­çaise pour détour­ner vers d’autres sites les livrai­sons atten­dues en Eure-et-Loir. Pour cette ques­tion de détour­ne­ment aus­si, le CE a dépo­sé un recours en réfé­ré. Aucune réponse non plus n’a été for­mu­lée en ce qui concerne l’obligation légale de trou­ver un repre­neur. L’agence man­da­tée n’a récol­té qu’une seule réponse. Le CE, lui, a pris contact avec un concur­rent agres­sif, Euro Cranes.

Ce mar­di, une grande délé­ga­tion de sala­riés mani­fes­te­ra devant Bercy au moment où les diri­geants de Konecranes, qui n’ont pas répon­du à nos sol­li­ci­ta­tions, seront reçus par Jean-Pierre Floris, com­mis­saire inter­mi­nis­té­riel à la réin­dus­tria­li­sa­tion. Le len­de­main, un plan de sau­ve­garde de l’emploi est au menu d’une réunion entre direc­tion et syn­di­cats. Ces der­niers comptent bien y rap­pe­ler la charte éthique que Konecranes a édic­tée et qui sti­pule que « nos acti­vi­tés sont basées sur notre éthique des affaires et notre enga­ge­ment en matière d’intégrité ».

 

Stéphane Guérard

[Paru dans l’Humanité du 12-02-2019 sous le titre “Les Konecranes jouent crâ­ne­ment leur chance”]