Exposition Annie Busin
La mosaïque donne voix aux femmes
Femmes sans blessures apparentes, c’est exactement le ressenti quand on entre dans la chapelle Saint-Éman pour voir l’exposition des mosaïques d’Annie Busin. On est happé par le chatoiement des couleurs, la brillance, les reflets, une atmosphère d’allégresse… les mannequins bardés de tesselles évoquent même un magasin, voire un défilé, de mode… Le travail de l’artiste est résumé dans cette entrée en matière. Car, aussitôt après, nous remarquons que les mannequins, d’ancien modèle, n’ont ni tête, ni bras, ni jambes… voilà les femmes qui conviennent à notre société antiquement patriarcale.
Et pour aller au-delà de la magnificence, il faut s’approcher, examiner les détails, passer devant, derrière les œuvres et découvrir, en s’aidant du document rédigé par l’artiste et prêté à l’entrée, que chaque mannequin recèle des signes d’une oppression, d’un manque, d’une blessure donc, qu’elle soit physique ou mentale.
C’est la femme tondue, paradoxe de cette exposition de femmes privées de leur tête, dont la chevelure tombe en feuilles MORTES.
C’est la femme excisée (photo de page d’accueil). Ne cherchez pas son sexe à l’endroit anatomique, vous le trouverez à l’opposé sur le corps de cette jeune fille à jamais mutilée, saignant de perles rouges.
Ou c’est encore la femme violée (Étreinte forcée) dont le bassin est enserré par un dragon à l’haleine ravageuse de feu.
Et ainsi, vingt mannequins de mosaïque donnent en douceur la voix à ces femmes trop longtemps bâillonnées.
L’extrême variété des matériaux, tesselles traditionnelles, brisures d’assiettes, perles, coquillages… font écho aux mille facettes des richesses intérieures des femmes blessées.
Il ne faut pas manquer cette exposition (jusqu’au 15 décembre*) d’une artiste en prise directe avec son temps.
J.C.
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* Chapelle Saint-Éman, Chartres, 11 rue Saint-Éman. Jusqu’au 15 décembre, du mardi au dimanche de 14 à 18 h. Entrée libre.