Retraites : Le pouvoir joue la division et le pourrissement 2/2 Faire passer les régressions
RETRAITES : le gouvernement va-t-il persister dans sa stratégie de division et de pourrissement du conflit ?
2. Diviser pour faire passer les régressions
Lors des vœux aux Français, l’allocution présidentielle a pu surprendre : sur un ton solennel et sans aucune concession, elle recèle des menaces pour l’avenir proche. Emmanuel Macron a redit ses certitudes inébranlables quant au système des retraites à points, il y a ajouté la description idyllique d’une situation économique et sociale qui, selon lui, s’améliore et sa certitude que ses réformes vont illuminer l’avenir de la population. Cette tonalité du discours a pu paraître étrange, loin des réalités et des inquiétudes des citoyens dont les attentes n’ont pas été entendues.
La précarité, la pénibilité, les inégalités restent des non-dits, des mots… donc des réalités que le Président ne veut pas entendre. Et pourtant ce sont des causes majeures du mécontentement des salarié·e·s, des précaires et des chômeur·se·s et des craintes de la jeunesse.
Reculs tactiques
La Réforme des Retraites doit aboutir rapidement a‑t-il dit, il ne voit aucune raison de suspendre le calendrier. Le gouvernement d’Édouard Philippe va donc continuer son travail de division. La quinzaine passée a vu se mettre en place une série de légers reculs visant le rafistolage du projet. Offres bien utiles pour diviser les secteurs professionnels : ainsi la réforme supposée « universelle » devient sensible à des conditions de travail spécifiques et à des formes de « difficultés » pour les policiers, les militaires, les pompiers, des personnels de l’aéronautique, les danseurs de l’Opéra. Ces derniers, conscients de l’entourloupe ont refusé la « clause du grand-père » qui permet de ne toucher qu’au statut des nouveaux entrants. Par ailleurs, le gouvernement fait savoir que ce critère de « difficultés » du travail serait lié à la personne, non au statut ni à une entreprise. La liste des situations reconnues porteuses de pénibilité risque de s’arrêter là si les salariés ne s’en mêlent pas. Il faut aussi contrebalancer ces quelques éléments de discours par la déclaration du secrétaire d’état, Laurent Pietraszewski pour qui « il est préférable de se reconvertir ». Une façon de relativiser la notion de pénibilité.
Les points durs de cette réforme
Il faut comprendre que le gouvernement peut chercher à mettre le débat uniquement sur les critères de pénibilité et l’âge pivot en espérant faire passer sa réforme, mais sans changer l’essentiel. De nombreux aspects font rejeter ce projet régressif :
- Le calcul de la retraite sur le nombre d’heures travaillées et le salaire, tout au long de la vie professionnelle et non plus sur les meilleures années ou les 6 derniers mois ;
- la non prise en compte des années d’études ;
- l’ « oubli » des différences d’espérance de vie ;
- la durée de la vie professionnelle passerait de 62 à 64 ans et plus pour plus de salariés alors que beaucoup ne sont plus dans l’emploi entre 56 et 62 ans ;
- le montant consacré au paiement des pensions ne devra pas dépasser 14 % de la richesse nationale, alors que le nombre de retraités augmentera dans les 20 prochaines années, ce qui entraînera la diminution des pensions.
- Autre marque d’inégalité : les plus hauts salaires ne contribueront que très peu (2,8% au lieu de 28,12%) au-delà d’un salaire mensuel de 10 135€ ;
- Pour les femmes, contrairement aux affirmations du gouvernement, rien ve va: la suppression des majorations de durée d’assurance attribuées aux mères pour chaque enfant (une ou deux annuités) ne seraient pas compensées. La majoration de pension de 5% par enfant promise par la réforme risque fort de revenir à l’homme dans le couple. Et le versement de la pension de réversion passerait à 62 ans ( au lieu de 55 ans aujourd’hui).
- Toutes les incertitudes devant un niveau de pension imprévisible, aboutira à ce que les salarié.e.s choisissent rapidement de cotiser à une assurance retraite par capitalisation. BlackRock et d’autres fonds de pensions n’attendent que cela.
Des exemples inquiétants
Précisons que ce système à points instauré en Suède et en Allemagne appauvrit de plus en plus de retraités : 19 % des Allemands de plus de 65 ans sont en risque de pauvreté et souvent endettés. En Suède aussi les pensions constituent la véritable variable d’ajustement en cas de crise ; c’est arrivé entre 2010 et 2016. Si par exemple le rendement des fonds ne suffit pas à assurer le sacro-saint équilibre, alors celui-ci est mécaniquement rétabli par une baisse des pensions. Telle est la logique profonde du système, à partir du moment où les taux de cotisation sont irrémédiablement fixés.
Fondamentalement, il s’agit d’une inversion totale de logique sociale. Un système par répartition obéit à une logique des besoins : à partir de normes sur l’âge de la retraite et le taux de remplacement (le rapport entre pension et revenu d’activité) on calcule le montant total des pensions et on en déduit rétroactivement le taux de cotisation. Un système pur de comptes par points fonctionne selon une logique comptable : on se fixe le montant total des pensions, et le taux de remplacement, ou l’âge de la retraite, compatibles avec cette contrainte en découlent.