La CGT-PTT-28 au PDG de La Poste : “Nous ne sommes pas dans le même bateau”

PHILIPPE_WAHL_LAPOSTE, 2017 [WikimediaCommons, Stephpuchois]

Philippe Wahl, un pedi­gree éloquent

Ce jeu­di 9 avril, le PDG de la Poste, Philippe Wahl, avait convié les syn­di­cats de pos­tiers d’Eure-et-Loir à une visio­con­fé­rence. Jean-François Paty et Pascale Lamier y ont par­ti­ci­pé pour la CGT-PTT-28. La décla­ra­tion préa­lable qu’ils avaient pré­vue n’a pu être pro­non­cée en rai­son du temps qui leur était impar­ti. Nous publions l’intégralité de celle-ci qui a été trans­mise au PDG.

Selon J.-F. Paty, sur la ques­tion de la pro­tec­tion du per­son­nel lors de la réou­ver­ture de 5000 bureaux, Wahl répond qu’elle se fera dans les “condi­tions de pro­tec­tion maximale”…

À l’inquiétude expri­mée sur la socio­lo­gie des réou­ver­tures, pas de réponse sinon que le maillage ter­ri­to­rial sera vu avec les élus.

Concernant la concen­tra­tion des dis­tri­bu­tions sur trois jours, le PDG a recon­nu que la charge de tra­vail était impor­tante et que La Poste réflé­chis­sait pour pas­ser à une dis­tri­bu­tion sur quatre jours pour reve­nir à la nor­male sur cinq jours. La CGT-PTT-28 y voit confir­mées ses craintes d’abandon de la dis­tri­bu­tion du same­di, avec condi­tions de tra­vail dégra­dées et sup­pres­sions de posi­tions de tra­vail, la dis­tri­bu­tion de la presse étant confiée, comme durant le confi­ne­ment, à Médiapost, filiale du groupe La Poste qui fonc­tionne avec des per­son­nels en CDD ou intérimaires.

 

Déclaration Syndicat CGT PTT 28

10/04/2020

Hier soir, nous avons enten­du une inter­ven­tion de Mme  Bourn1 qui annon­çait que d’ici fin avril 5.000 bureaux de poste seraient de nou­veau ouvert ain­si que 2.000 APC / RPC/RPU. Actuellement, ce sont envi­ron 1.600 bureaux qui fonc­tionnent depuis le début du confi­ne­ment. Cette annonce, qui suit une logique pure­ment éco­no­mique et finan­cière nous inquiète au plus haut point.

les mauvais travers ont la vie dure.Dans un pre­mier temps, nous consta­tons qu’après des décen­nies de dis­pa­ri­tions par cen­taines de bureaux de poste, du refus lors d’instances de la part des diri­geants de La Poste d’entendre les mots usa­gers et ser­vice public, ces termes sont reve­nus en force dans le lan­gage cou­rant. Nous ne pou­vons qu’être satis­faits de ce revi­re­ment, mais le mal est fait. La classe poli­tique, lar­ge­ment sou­te­nue par tous les médias, a décou­vert l’étendue des dégâts et s’émeut de cette situa­tion. Mais les mau­vais tra­vers ont la vie dure. Toutes ces décla­ra­tions, «nous allons ouvrir tous les bureaux » ater­moie­ments,  « il est com­pli­qué pour cer­taines per­sonnes de trou­ver un bureau » se placent réso­lu­ment sous l’égide d’une logique de ren­ta­bi­li­té et de cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion mal­odo­rante à notre sens. C’est votre poli­tique de casse du ser­vice public qui est à l’origine de ces mécontentements.

Concernant notre dépar­te­ment, nous avons consta­té quelques situa­tions qui ne peuvent que nous don­ner rai­son dans notre ana­lyse. Sur un sec­teur, dans le cadre des pres­ta­tions sociales, en plus du bureau centre, seul le bureau « patri­mo­nial » a été de nou­veau ouvert. Sur ce sec­teur, aucun des 2 autres bureaux exis­tants, clas­si­fiés banque à prio­ri­té socié­tale, n’ont été ouverts3. C’est un choix socio­lo­gique qui a été fait. Le maillage ter­ri­to­rial n’est pas à la hau­teur. Dans les sec­teurs ruraux, les usa­gers sont obli­gés de faire plus de 30 km pour trou­ver un bureau de poste !!

Revenons à la réou­ver­ture des 5.000 bureaux de poste. Vous ne l’ignorez pas, nous sommes en période de confi­ne­ment. 1.600 bureaux fonc­tionnent, avec, en leur sein du per­son­nel qui tra­vaille avec la peur au ventre. Des mesures maté­rielles ont été prises pour pro­té­ger au mieux ces agents, ain­si que des rythmes de tra­vail allégés.

du personnel qui travaille avec la peur au ventreLes ren­forts en vigiles ont été par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciés. De ce fait, la peur est tou­jours pré­sente mais atté­nuée avec les mesures prises, même si nous regret­tons que pour cer­taines, elles aient été longues à obtenir.

Actuellement, le corps médi­cal, qui est en pre­mière ligne face à cette pan­dé­mie mon­diale, ne cesse de dire et répé­ter que nous devons res­ter chez nous. Ce même corps médi­cal qui est aujourd’hui divi­sé sur les solu­tions pour trou­ver un trai­te­ment effi­cace contre le COVID 19 est una­nime sur plu­sieurs points :  Ne pas sor­tir, ne pas se regrou­per, main­te­nir ces dis­tances, ne pas fré­quen­ter des lieux publics, res­ter confi­né. Ces per­son­nels du corps médi­cal paient un lourd tri­but face à cette pan­dé­mie, puisque c’est dans leurs rangs qu’il est dénom­bré le plus de conta­mi­na­tions et mal­heu­reu­se­ment de décès. Ces pro­fes­sion­nels de la san­té ne cessent d’alerter sur le fait que nous ne sommes pas encore arri­vés au pic de la pandémie.

Comment La Poste peut-elle oser annon­cer l’ouverture de tous ces bureaux de poste dans une telle situa­tion ? Elle incite une par­tie de la popu­la­tion à se rendre dans des lieux où elle croi­se­ra des per­sonnes peut être conta­mi­nées. Elle met en dan­ger encore plus de per­son­nel, car au vu des condi­tions d’ouvertures récentes des bureaux fac­teur gui­che­tier, nous voyons bien que cer­taines mesures bar­rières sont aban­don­nées (vigile, retour au tra­vail en agent seul, etc…)

Il en est de même concer­nant les fac­teurs. Tous ces per­son­nels de La Poste qui seront envoyés au plus prêt de la popu­la­tion vont deve­nir une nou­velle chaîne de pro­pa­ga­tion du virus.

Nous sommes obligés de passer 35h d’activités en 21h.Votre déci­sion uni­la­té­rale de pas­ser la dis­tri­bu­tion sur 3 jours engrange une sur­charge de tra­vail pour les fac­teurs. Nous sommes obli­gés de pas­ser 35h d’activités en 21h. Les col­lègues sont épui­sés avec des emports pou­vant aller jusqu’à 100 colis par jour. Ces orga­ni­sa­tions vont-elles être péren­ni­sées ? Pourquoi avoir déci­dé d’externaliser la dis­tri­bu­tion de la presse ?

Nous deman­dons qu’une réelle cam­pagne du port du masque, autre mesure bar­rière soit menée.

La san­té des pos­tiers, des usa­gers, de nos familles doit pas­ser en prio­ri­té alors que votre ges­tion de la crise ne répond qu’à une chose : réta­blir les pro­fits le plus rapi­de­ment pos­sible, satis­faire l’appétit des action­naires de La Poste, accé­lé­rer la pri­va­ti­sa­tion. Pour cela vous expé­ri­men­tez des nou­velles orga­ni­sa­tions, vous expé­ri­men­tez l’externalisation du métier de fac­teur en dif­fu­sant la presse par Médiapost ou des CDD/intérimaires qui partent avec un plan et obli­gé d’utiliser leur propre GPS4. Ce sont ces mêmes agents de Médiapost que vous mépri­sez à lon­gueur d’année, ces CDD et inté­ri­maires que vous jetez à la pre­mière occa­sion alors que sans eux, faute d’embauches, les tour­nées à décou­vert se mul­ti­plie­ront. Ces mêmes CDD et inté­ri­maires obli­gés d’attendre 2–3 mois pour avoir leurs indem­ni­tés chô­mage car vous avez sup­pri­mé des emplois dans les CSRH5. Voilà la réa­li­té du ter­rain, M. le PDG.

M. le Président Directeur Général, vous avez une responsabilité énorme dans cette décision de placer des milliers de salariés face à des usagersAvant d’entamer une telle démarche, nous vous deman­dons de prendre un avis auprès des pro­fes­seurs exer­çant dans tous les CHU de France, les épi­dé­mio­lo­gistes, ain­si que les pro­fes­seurs de l’Institut Pasteur. Car c’est bien le corps médi­cal qui est le plus à même de juger si une ouver­ture de tous les bureaux de poste peut être syno­nyme d’une aggra­va­tion de cette pan­dé­mie. Nous deman­dons éga­le­ment une cam­pagne de dépis­tage appli­quée à tous les pos­tiers renou­ve­lée tous les 15 jours jusqu’à la fin de cette pandémie.

M le Président Directeur Général, vous avez une res­pon­sa­bi­li­té énorme dans cette déci­sion de pla­cer des mil­liers de sala­riés face à des usa­gers. La Poste est une des plus grosses admi­nis­tra­tions Française en nombre de sala­riés.  Cette même poste qui reven­dique sa citoyen­ne­té ne peut mettre en péril après 3 semaines de confi­ne­ment (et cer­tai­ne­ment plus) une par­tie de son per­son­nel et de la popu­la­tion pour briller sur la scène publique.

Il n’est plus l’heure de pen­ser ren­ta­bi­li­té, mais bien de réflé­chir à la façon de stop­per cette crise sani­taire mon­diale et de res­pec­ter le per­son­nel qui va au tra­vail la peur au ventre, peur d’être conta­mi­né, peur de conta­mi­ner leur famille, peur de conta­mi­ner les usa­gers mais un per­son­nel qui mal­gré toutes les réor­ga­ni­sa­tions détrui­sant leurs condi­tions de tra­vail, sup­pri­mant des mil­liers d’emplois sont atta­chés à leurs usa­gers, à leur métier. Et afin de satis­faire les action­naires vous pro­fi­tez d’eux. Cela n’a que trop duré. Non M. le Président Directeur Général nous ne sommes pas dans le même bateau, non ne sommes pas dans l’union sacrée du main­tien des profits.

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Les notes sont de la rédac­tion de ensemble28.forum28.net

  1. Anne-Laure Bourn, Directrice géné­rale du Réseau La Poste.
  2. Agence Postale Communale, Relais Poste Commerçant, Relais Poste Urbain.
  3. Voir le com­mu­nique de la CGT-PTT-28 du 1er avril.
  4. Car ils ne connaissent pas le terrain.
  5. Centre de ser­vices des res­sources humaines.