L’Eure-&-Loir colonial
Duc d’Aumale
(Henri d’Orléans)
En 1843, il se distingue lors de la prise de la smala d’Abd El Kader et participe à la ‘’pacification’’ * des Aurès comme commandant de la région de Constantine.
Un square à Dreux
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* Dans ces fiches, nous mettons le mot pacification entre guillemets car il ne désigne rien de pacifique dans le langage militaire ou/et colonial. Gallieni (voir sa fiche) écrit : “Le meilleur moyen pour arriver à la pacification […] est d’employer l’action combinée de la force et de la politique.” Et il ajoute “Frapper à la tête et rassurer la masse égarée par des conseils perfides et des affirmations calomnieuses, tout le secret d’une pacification est dans ces deux termes.” De la même façon, le terme indigène est à prendre avec la plus grande précaution, tant il peut être connoté péjorativement par les colonialistes, désignant des individus ou des arts « non-civilisés », ou avec un sens équivalent à celui de barbare ou de sauvage.
Noël Ballay
Avec Brazza, il explore le cours de l’Ogooué (Gabon) puis le bassin du Congo pour la France (1875, 1879). Sa thèse de doctorat s’intitulera Quelques mots sur l’Ogooué et le Bas Congo et les avantages qu’ils offrent au commerce. Ces expéditions ont pour but de contrer les visées belges sur le continent africain. En 1891, il devient le premier Gouverneur de la Guinée française et termine sa vie (mort de la fièvre jaune en 1902) comme Gouverneur général de l’Afrique occidentale française.
Une rue et un monument à Chartres
Une rue et une fresque à Fontenay-sur-Eure
Une rue à Thivars
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Marcel Bigeard
Après avoir été parachuté sur Diên Biên Phu en mars 1954, il est fait prisonnier. Libéré, il reprend du service chez les parachutistes coloniaux en Algérie. Il participe à la bataille d’Alger (1957), sous les ordres du général Massu, réputée pour les actes de tortures et les assassinats de patriotes algériens : supplice de la baignoire, ”gégène” (torture à l’électricité), ”crevette Bigeard”. Celle-ci consistait à sceller les pieds des victimes dans du ciment, pour que leur corps ne remonte pas) et à les jeter dans la mer depuis un hélicoptère.
Une rue à Dreux
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Antoine Alfred Chanzy
En 1848, il participe à la reddition d’Abd El Kader. En 1864, il retourne en Algérie et combat à la frontière marocaine, il chasse les tribus locales de la région de Sidi-BelAbbès. En 1873, il est gouverneur général en Algérie. Il décrète l’état de siège à Alger en 1874, dans une période marquée par des révoltes et l’insurrection de la Grande Kabylie.
Rues à Chartres et Cloyes
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Théophile Ferron
Lieutenant en 1854, il participe à la guerre de Crimée, puis sert en Algérie. Nommé directeur du génie en Nouvelle-Calédonie en 1866, puis par décret impérial du 5 août 1869 il est nommé chef de bataillon. Rappelé en métropole en 1871, il participe à la répression contre la Commune de Paris.
Une rue à Bonneval
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Jules Ferry
Il est reconnu pour avoir rétabli l’instruction laïque, obligatoire et gratuite instituée pour la première fois en 1793 mais aussi comme un chaud partisan de la colonisation qu’il intensifie lors des ses présidences du Conseil des ministres (1880–1881 et 1883–1885) et qu’il justifie ainsi : « Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. […] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures.”
Nombreuses voies à Dreux, Lucé, Mainvilliers, Auneau, Voves, Courville, Meslay-le-Vidame,Fontaine-la-Guyon, Le Gault-Saint-Denis, Donnemain-Saint-Mamès… Et des écoles à Chartres, Lucé, Luray… Le collège d’Auneau.
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L’Eure-et-Loir colonial
L’assassinat de George Floyd par un policier aux États-Unis a déclenché une vague mondiale de manifestations pour l’égalité des droits et contre les violences policières et le racisme. La France n’a pas été absente de ce mouvement avec plusieurs importantes manifestations qui ont réclamé la justice pour Adama Traoré et les autres nombreuses victimes de violences policières.
Macron : « La République n’oubliera aucune de ses œuvres »
Dans le prolongement de ce mouvement, un peu partout dans le monde, et d’abord aux États-Unis et au Royaume-Uni, des statues liées à la colonisation et à l’esclavage ont été déboulonnées. En France, des actions militantes ont été menées sous forme d’inscriptions, de voilages de statues ou de ‘débaptisations’ (symboliques) de voies publiques. Notons que ces gestes sont une permanence de l’Histoire et, s’ils sont l’œuvre aussi bien de mouvements de gauche que de droite, ils expriment souvent une colère face à une injustice et visent à alerter ou rassembler l’opinion par une action spectaculaire. Emmanuel Macron a voulu tout de suite clore le débat en proclamant : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statue ».
Cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur l’opportunité de maintenir ces symboles du passé colonial dans nos villes et villages. Et alors, il faut, d’une part, se rappeler l’intention qui avait conduit à mettre en valeur tel ou tel homme (les femmes sont rares : 7% des statues en France !) et son action. D’autre part, il faut considérer comment ces hommages sont, aujourd’hui, perçus par les différentes composantes de la société.
Un panthéon forgé sous la IIIème République
Depuis la Révolution, en France, l’espace extérieur (par opposition aux espaces privés) est défini comme public, c’est-à-dire qu’il est mis en partage : son organisation, ses usages et son marquage symbolique résultent de décisions collectives (en théorie). Or, beaucoup de ces statues et des noms de ces rues illustrent un panthéon forgé sous la IIIème République valorisant les figures de l’ordre et du consensus et, de ce fait, excluant celles des contestations politiques, sociales ou autres. Quand des manifestants taguent « Déboulonnons le récit officiel » sur la statue de Gallieni (voir fiche), c’est le refus de la patrimonialisation de dominations passées, mais souvent encore intensément présentes et vécues par des personnes d’aujourd’hui qui s’exprime. Pour celles et ceux qui subissent aujourd’hui des discriminations, des stigmatisations et des inégalités issues du passé colonial, la mise à l’honneur des colonialistes est une violence. L’effacement de celles et ceux qui, au contraire, ont lutté contre l’esclavage et la domination coloniale est, quant à lui, ressenti comme une injustice. Combien compte-t-on, par exemple, d’hommages dans l’espace public à Louise Michel ou à Paul Vigné d’Octon1 qui se sont opposés courageusement aux crimes du colonialisme à l’époque même où ils étaient commis ?
Châteaudun : La rue de l’Égalité est devenue la rue du Maréchal Lyautey
C’est avec ces données à l’esprit que nous avons fait le tour d’Eure-et-Loir à la recherche du passé colonial encore valorisé dans l’espace public. De façon non exhaustive, nous avons relevé les personnalités concernées, qui sont le plus souvent des militaires, et établi pour chacune une fiche rappelant ses exploits coloniaux2. Il est particulièrement intéressant de noter qu’à Châteaudun, le nom du Maréchal Lyautey a remplacé la rue de l’Égalité dont le nom figure encore gravé dans la pierre (voir photo), remplacement, ô combien symbolique !
Si la plupart des honorés du XIXème et du début du XXème siècle le sont largement pour leurs services aux colonies, la chose se complique ensuite car ce sont parfois leurs commandements durant les deux premières guerres mondiales qui motivent leur mise à l’honneur. Ainsi, nous n’avons pas fait de fiches pour de Lattre de Tassigny et Leclerc qui ont servi aux colonies au début de leur carrière militaire mais nous en avons établi une pour le général Juin qui jusqu’à la fin de sa carrière s’est affirmé opposé à l’indépendance du Maroc.
Une rue Bigeard à Dreux
Le cas le plus étonnant est celui du général Bigeard car, contrairement à la plupart des autres qui ont obtenu une reconnaissance officielle sous la IIIème ou la IVème République, la rue Marcel-Bigeard à Dreux a été ainsi dénommée par le Conseil municipal… le 27 juin 2019 ! Soit près de 60 ans après la quasi fin de la décolonisation française (1962, indépendance de l’Algérie). Plus étonnant encore, cette décision a été prise à l’unanimité, approuvée donc par les élus socialistes et leur leader Valentino Gambuto !
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- Médecin, écrivain et homme politique, républicain d’extrême gauche, proche du POF, puis radical-socialiste ; socialiste SFIO dès 1910 ; collaborateur de la presse libertaire, militant anticolonialiste ; député de l’Hérault (1893–1906), conseiller général du canton de Lunas (1895–1907), maire d’Octon (1900–1908) [Maitron en ligne].
- Nos sources ont été principalement Wikipedia et Le Guide du Paris colonial et de ses banlieues, Syllepse, 2017.
Joseph Gallieni
Commandant supérieur du Soudan(1886–1888), il réprime durement une insurrection des autochtones et impose un protectorat. Au Tonkin (1892–1896), il consolide la colonisation en appliquant sa doctrine de la ‘’tache d’huile’’ : “Toute action politique dans la colonie doit consister à discerner et mettre à profit les éléments locaux utilisables, à neutraliser et détruire les éléments locaux non utilisables.” Nommé résident général de Madagascar en 1896, il fait arrêter, condamner et exécuter le prince Ratsimamanga pour l’exemple souhaitant faire « forte impression sur les indigènes. » Avec son adjoint Hubert Lyautey, il instaure le travail forcé des indigènes, fait établir une ‘’cartographie des races’’.
Une rue à Brou
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Joseph Joffre
D’abord envoyé au Tonkin en 1887, il prend Tombouctou avec sa colonne, en 1894, malgré la résistance des Touaregs et «pacifie» la région. À deux reprises entre 1895 et 1903, il participe, sous les ordres de Gallieni, à la campagne particulièrement violente de colonisation de l’île de Madagascar. Il fut aussi chargé par Clemenceau de réprimer, à la tête de 50 pelotons de cavalerie, la grève des boutonniers de l’Oise (1909).
Une impasse à Saint-Rémy-sur-Avre
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Alphonse Juin
Alphonse Juin est affecté au protectorat français du Maroc où, jusqu’en 1914, il participe aux opérations dites de « pacification ». À la fin de l’année 1923, il participe à la campagne du Rif (Maroc). En 1929, il prend une part active à la réalisation de la dernière phase du plan de ”pacification” de l’Atlas. Lorsque, le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord, Juin, alors commandant en chef des forces d’Afrique du Nord pour Vichy, est tiraillé entre ses sentiments anti-allemands et son sens de la discipline vis-à-vis des autorités pétainistes. Ce n’est que tardivement qu’il se rallie aux Alliés. Résident général du Maroc (1947–1951), il demeure jusqu’au bout opposé à l’indépendance du protectorat.
Une impasse à Courville
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Hubert Lyautey
Après l’Indochine à partir de 1894, il est muté à Madagascar en 1897, où, sous les ordres de Gallieni, il ‘’pacifie’’ avant de passer à l’étape ‘’civilisatrice’’. Affecté en Algérie en 1903, il réprime les soulèvements des tribus contre la présence française. Sa méthode consiste à vassaliser les élites locales pour dominer les populations sur lesquelles elles règnent. En cas d’échec, il a recourt à la répression comme lors de la guerre du Rif (1925–1926).
Une rue à Châteaudun
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Maurice Sarrail
Il reçoit, en octobre 1915, le commandement du Corps expéditionnaire d’Orient durant lequel il dépose le roi Constantin en Grèce (1917). Il est ensuite nommé haut-commissaire de la République française en Syrie et commandant de l’Armée du Levant. À ce titre, il réprime la révolte syrienne (1925–1927).
Une avenue à Dreux
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Jules de Saint-Pol
En 1851, il fait partie du bataillon de l’armée d’occupation en Italie. Affecté ensuite en Afrique, au 2e régiment de la Légion étrangère. Il participe à l’expédition de 1851 pour soumettre la Petite Kabylie avec le général Saint-Arnaud lequel écrit dans une lettre « On ravage, on brûle, on pille, on détruit les moissons et les arbres. »
Une place à Nogent-le-Rotrou
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Louis-Gaston de Sonis
Il participe à l’expédition de la Kabylie lors de la campagne de 1857 et en particulier à l’attaque d’El-Amiz et à la soumission des Beni-Raten. Au Maroc, pour répondre aux violentes attaques des tribus sahariennes, en 1861, il fait fusiller en présence de la population indigène sept prisonniers : « Je dois rassurer la population, écrit-il, je veux prouver aux fanatiques qu’ils ne peuvent pas compter sur l’impunité de leurs crimes, pas plus que sur des chances d’une évasion ou d’une habile défense. »
Une allée à Chartres
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