22 janvier : l’interdiction des armes nucléaires entre en vigueur. Que fait la France ?
En ce 22 janvier 2021, le traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entre en vigueur car il a été ratifié par plus de 50 pays dans le monde. Malheureusement, la France, comme toutes les puissances nucléaires, refuse jusqu’à maintenant de s’y associer avec des arguments fallacieux. C’est pourquoi, il faut amplifier les actions pour contraindre ces pays réfractaires à rejoindre le TIAN (ci-joint, l’appel de 21 organisations). Dès ce 21 janvier, dans divers lieux de France, des rassemblements ont lieu (voir l’affiche pour Paris).
Ensemble! y appelle. Dès sa création, en 2013, ses textes fondateurs précisaient : « Nous défendrons une politique de paix et de désarmement, notamment le désarmement nucléaire unilatéral, contre les logiques de guerre qui, au nom de prétendues valeurs occidentales, aggravent les inégalités entre les peuples et empêchent le développement humain pour servir un néo-impérialisme des grandes puissances. »
Voir aussi ici, l’article récent de Jacques Casamarta.
Pour télécharger et diffuser l’appel des organisations en PDF, cliquez ici.
Quelques dates
2007 : lancement de la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN).
2016 : Vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour l’ouverture de négociations pour un traité d’interdiction.
7 juillet 2017 : adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires à l’ONU par 122 États.
20 septembre 2017 : ouverture du TIAN à la signature.
24 octobre 2020 : enregistrement de la 50e ratification du TIAN requise pour son entrée en vigueur 90 jours après (article 15).
22 janvier 2021 : entrée en vigueur du TIAN.
D’ici fin 2021 : première réunion des États parties au TIAN.
Où en est le TIAN
Le TIAN a été adopté le 7 juillet 2017 à l’ONU par 122 États pour, 1 contre et 1 abstention.
Qu’en est-il au 1er janvier 2021, quelques jours avant son entrée en vigueur ?
Sur 197 États membres des Nations Unies :
- 51 États l’ont signé et ratifié, soit 25,9 % ;
- 37 États l’ont signé, soit 18,8 % ;
- 50 États le soutiennent (vote de résolution en faveur du traité à l’ONU), soit 25,4 % ;
- 17 États sont indécis, soit 8,6 % ;
• 42 États sont opposés (dont les 9 puissances nucléaires), soit 21,3 %. Au total, 138 États sont en accord avec le TIAN, soit 70 %.
La France doit adhérer au traité sur l’interdiction des armes nucléaires
L‘entrée en vigueur du TIAN (Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires) le 22 janvier 2021 n’est pas un événement ordinaire dans le climat actuel de tension et de risque pour la sécurité de la planète. 19 associations et organisations (dont 5 anciens Prix Nobel de la paix) lancent un appel solennel au Président de la République pour que la France adhère à ce traité.
Le 22 janvier 2021 restera une date historique : un traité multilatéral, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté par les deux tiers des pays membres de l’ONU en 2017, entre en vigueur et rend les armes nucléaires illégales, que ce soit leur possession, leur fabrication, ou la menace de leur utilisation, c’est-à-dire la stratégie de dissuasion nucléaire. Le TIAN comble un vide juridique et complète l’interdiction des autres armes de destruction massive, biologiques et chimiques, ainsi que de certaines armes classiques condamnées pour leur impact sur les civils. Il aura des effets même sur les pays qui le rejettent. La France, qui s’est toujours voulue le pays porteur des valeurs de respect du droit international, ne doit pas tourner le dos à ce processus de démocratie internationale et doit adhérer au TIAN.
Cet accord est le résultat de dizaines d’années d’efforts persévérants de la société civile, à travers des organisations dont de nombreuses ont été regroupées au sein de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), lauréate du prix Nobel de la paix 2017, et le Comité international de la Croix-Rouge, en convergence avec plusieurs Etats, dont le Saint-Siège, l’Afrique du Sud (ancienne puissance nucléaire) et la Nouvelle-Zélande.
Les organisations, gouvernements, Eglises, syndicats qui soutiennent l’interdiction des armes nucléaires n’ont pas agi seulement par frustration à l’égard des détenteurs d’arsenaux qui n’ont pas tenu leurs engagements, pris notamment dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Le TIAN concrétise le rejet d’un système verrouillé par le veto de ces quelques pays et d’un système de sécurité fondé sur la capacité de perpétrer des massacres de masse de civils.
Les puissances nucléaires, dont la France, ont beau déclarer que le TIAN ne leur imposera aucune obligation, elles ne pourront plus désormais affirmer que leurs armes nucléaires sont légitimes. Elles se comportent comme si le TNP leur accordait indéfiniment un droit de possession et de recours à l’arme nucléaire, en contradiction avec l’esprit et le texte de ce traité. Ainsi tentent-elles de justifier l’injustifiable, à savoir les programmes de modernisation et de renouvellement de leurs arsenaux nucléaires, étalés encore sur plusieurs décennies à coup de centaines de milliards d’euros. Pourtant, l’article VI du TNP leur fait bien – depuis un demi-siècle – obligation de négocier en vue de « la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée » et d’un « traité de désarmement général et complet » !
Les autorités françaises, comme celles des autres puissances nucléaires, affirment de manière contradictoire que la dissuasion nucléaire exclut tout recours à l’arme nucléaire, alors même qu’elles incluent dans leur doctrine des scénarios d’emploi de l’arme atomique (le « dernier avertissement ») et investissent dans de nouveaux types d’armes nucléaires plus « utilisables », qui abaissent dangereusement le seuil de la guerre nucléaire.
Les puissances nucléaires affirment que la seule solution réaliste vers le désarmement consiste à cheminer « étape par étape », et fixent comme objectif prioritaire la non-prolifération. En fait, toutes les mesures en discussion (interdiction des essais nucléaires ou de la production de matières fissiles militaires, réduction des arsenaux, non-emploi en premier, etc.) sont actuellement bloquées par ces mêmes puissances. De plus, en continuant d’affirmer que l’arme nucléaire est la garantie ultime de leur sécurité, elles la rendent encore plus attrayante et elles favorisent la prolifération qu’elles prétendent combattre.
Le Président de la République doit sortir de trois contradictions dans lesquelles il s’est enfermé :
- il a fustigé le « désarmement unilatéral », tout en s’enorgueillissant des mesures de réduction que la France avait prises unilatéralement depuis la fin de la Guerre froide ;
- il prône le multilatéralisme, tout en rejetant les aspirations d’une majorité d’Etats, dont des membres de l‘Union européenne ;
- il entend inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution alors qu’une guerre nucléaire, même limitée, serait un crime d’écocide compte tenu de ses conséquences catastrophiques sur la planète, ses habitants et les générations futures, ainsi que l’ont démontré plus de 2000 essais nucléaires dont les effets sanitaires et environnementaux se font aujourd’hui encore ressentir sur les populations concernées.
Il est donc grand temps, trois quarts de siècle après l’horreur d’Hiroshima et de Nagasaki, que la France se joigne au mouvement mondial pour l’élimination progressive et multilatérale des armes nucléaires en adhérant au TIAN. La France contribuera ainsi, comme elle l’a déjà fait pour les autres armes de destruction massive, à l’élimination de l’arme la plus destructrice inventée par l’être humain.
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* Abolition des armes nucléaires – Maison de Vigilance ; ADN (Collectif Arrêt du nucléaire) ; AFCDRP (Association française des communes, départements et régions pour la paix) – Maires pour la Paix ; AMFPGN (Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire, affiliée à IPPNW, Prix Nobel de la paix 1987) ; Amnesty International France (affilié à Amnesty International, Prix Nobel de la Paix 1977) ; Artistes pour la paix ; EPP (Enseignants pour la paix, membre de l’Association internationale des éducateurs à la paix – AIEP) ; ICAN France (affiliée à ICAN, Prix Nobel de la paix 2017) ; IDN (Initiatives pour le désarmement nucléaire) ; IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe) ; LIFPL France (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) ; Ligue des droits de l’Homme (affiliée à ICAN France) ; Mouvement de la paix (affilié à ICAN et au Bureau international de la paix, Prix Nobel de la paix 1910) ; MIR-France (Mouvement international de la réconciliation, affilié à ICAN France) ; Mouvement national de lutte pour l’environnement ; Observatoire des armements ; PAX Christi France ; PNND France (Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaire) ; Pugwash-France (affilié au Mouvement Pugwash, Prix Nobel de la paix 1995).
Cette tribune a été publiée dans La Croix le 20 janvier 2021
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Depuis, les 19 signataires viennent d’être rejoints par deux autres organisations : IDRP (Institut de Documentation et Recherche sur la Paix) ; MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples).