Après le vote de la Primaire populaire :
Éviter les fermetures définitives de portes
Christiane Taubira est arrivée en tête (avec la mention « bien ») suivie de Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon (avec la mention « assez bien »). Le soir même de l’annonce, Christiane Taubira signait l’intégration des 10 axes du ‘’socle commun’’ dans son programme et l’engagement de travailler au rassemblement.
Le moins qu’on puisse dire c’est que ce résultat ne permet guère de clarifier la situation.
L’objectif affiché depuis le début par la Primaire Populaire était d’aboutir au rassemblement pour la justice sociale et l’écologie, y compris en ‘’tordant le bras’’ aux appareils réticents, en s’imposant par le nombre des soutiens puis des participants au vote. Cela n’a pas suffi à ce stade, puisque aucun des autres candidat·e·s déclaré·e·s de la gauche et de l’écologie n’accepte aujourd’hui de se retirer, et que Christiane Taubira, qui avait déclaré en décembre qu’elle ne serait « jamais une candidate de plus » se retrouve de fait dans cette position.
Les jours qui viennent permettront de voir si une issue à cette situation a encore une toute petite chance de voir le jour, mais la taille de la lucarne est bien faible.
Retour sur une irruption citoyenne dans le paysage figé à gauche…
Avec ses 467 000 inscrit·e·s et près de 400 000 votant·e·s, la Primaire Populaire a néanmoins bouleversé la donne, refusant de se soumettre aux injonctions (voire aux menaces, dans la dernière période), des appareils politiques et des candidats obsédés par une seule chose : poursuivre leur fuite en avant en solo, chacun·e dans son couloir, pour espérer arriver en tête des candidat·e·s de la gauche et de l’écologie, dans la catégorie « moins de 10% » !
Cette « irruption citoyenne » totalement inédite a su convaincre près d’un demi-million de personnes, et tous ceux qui persistent à ne voir là qu’un épiphénomène passager, ou une ‘’aventure’’ politique dangereuse pour la démocratie, devront sans doute réviser leurs certitudes. Car quelle qu’en soit l’issue pour la Présidentielle, l’expérience d’une initiative citoyenne à une échelle nationale (et non plus seulement locale comme cela s’est déjà produit pour des élections municipales) a montré qu’il était possible de sortir de la marginalité et même de toucher plus largement que les sphères d’influence des divers partis, et la volonté de faire perdurer cet espace nouveau est dans la tête de milliers de ‘’bénévoles’’ qui se sont révélés à cette occasion.
Ni ennemis des partis, ni soumis…
Ce positionnement assumé dès le départ a été une grande force. Il ne s’agissait pas de lancer des candidatures ‘’citoyennes’’ en dehors des partis, mais de faire avec eux, l’objectif répété étant le rassemblement autour d’un ensemble de ruptures sur les terrains démocratique, social et écologique qui avaient été mises en avant précédemment par le mouvement social. Le travail autour du socle commun a ainsi duré des mois au premier semestre 2021, et une dizaine de partis de gauche y ont participé, personne ne voulant à l’époque laisser sa chaise vide.
Mais ‘’avec’’ les partis ne voulant pas dire soumis, la Primaire Populaire a assumé que cela passait inévitablement par un rapport de forces. Le maintien coûte que coûte d’un vote d’investiture, malgré le refus de Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo de s’y soumettre, a exaspéré ces derniers. Le soutien affiché d’élu·e·s (détenteurs de précieux parrainages potentiels) encore plus. Mais ils n’ont pu l’empêcher.
Quel avenir pour le mouvement informel des quelques 5000 ‘’bénévoles’’ de la Primaire Populaire ?
Une Assemblée Générale nationale importante de la Primaire Populaire est organisée le 12 février, en vue de la transformation de ce qui était jusqu’ici une structure très centralisée en un mouvement citoyen pérenne et représentatif de ses collectifs locaux. Il n’en existe pas en Eure-et-Loir jusqu’à maintenant. Une preuve de plus de la faiblesse globale de la gauche et de l’écologie dans notre département malgré des succès ponctuels aux élections départementales.
Une des principales étapes sera la poursuite de l’action pour le rassemblement à l’occasion des législatives qui s’enchaînent derrière la présidentielle, autour d’un nécessaire ‘’contrat de législature’’.
Après, il s’agira aussi de préciser le projet de mouvement citoyen de type ‘’front populaire et écologiste’’.
Pour les initiateurs de la Primaire Populaire, le modèle souvent évoqué est celui du mouvement Sunrise1 aux USA, dont les méthodes de phoning et de recrutement de rue ont d’ailleurs été largement utilisées ces derniers mois, avec l’efficacité certaine que l’on a vu en terme de nombre de signatures de l’appel puis d’inscription au vote. Efficace en période électorale pour faire du nombre, ces méthodes ne permettent que plus difficilement par contre d’enraciner sur le terrain des collectifs militants locaux.
En tout état de cause, le modèle de fonctionnement qui résultera de l’AG du 12 février devra être évolutif.
Et maintenant ? Quelles dynamiques possibles ?
Trop d’incertitudes encore empêchent d’avancer des pistes claires. Le plus important est sans doute d’éviter les fermetures définitives de portes. Du côté de la Primaire Populaire d’une part, qui aurait tort de s’engouffrer dans un soutien inconditionnel à Taubira si celle-ci n’ouvre pas la voie au rassemblement attendu, en tournant le dos au projet initial. Du côté de l’Union Populaire et de Jean-Luc Mélenchon d’autre part, qui a vertement critiqué les quelques 55% des votant·e·s à la Primaire Populaire qui lui ont donné des mentions favorables, de très bien à assez bien. Heureusement, d’autres voix dans ce camp, comme celle d’Aurélie Trouvé, présidente du Parlement de l’Union Populaire, ont su trouver des expressions plus rassembleuses … En tout cas, pour Ensemble! 28 qui a soutenu la démarche de la Primaire Populaire, il est clair que celle-ci ne peut se conclure par “une candidature de plus”, et que la démarche de rassemblement doit se poursuivre pour les législatives de juin.
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- Le mouvement Sunrise a joué un rôle important dans les campagnes pour le green new deal et l’élection de toute une série de représentant·e·s de la gauche du Parti Démocrate.