Lettre ouverte de Jean-François Bridet à Guillaume Kasbarian

 

Suite à la cam­pagne des élec­tions légis­la­tives 2024, le can­di­dat de Nouveau Front Populaire dans la 1ère cir­cons­crip­tion d’Eure-&-Loir a adres­sé une lettre ouverte au can­di­dat Renaissance pour lequel il s’est désis­té afin de faire bar­rage à la can­di­date du Rassemblement National.

 

Jean-François Bridet en dis­cus­sion avec des militant·e·s, le soir du 2ème tour, place Châtelet à Chartres

 

Cette lettre a été publiée ini­tia­le­ment sur le site cactus.press le 11 juillet 2024

 

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Guillaume, mon (très) cher député,

 

Oui, tu m’es cher, car il m’a coû­té cher de glis­ser ton bul­le­tin dans l’urne au second tour des élec­tions légis­la­tives et de contri­buer à ton élec­tion à l’Assemblée Nationale.

Il m’a coû­té fort cher éga­le­ment de ne pas expri­mer publi­que­ment entre les deux tours ma frus­tra­tion de ne pas pour­suivre la cam­pagne en troi­sième semaine et de stop­per l’élan mili­tant sans pré­cé­dent que le Nouveau Front Populaire a fait naître ici en quelques jours. Mais dans la conti­nui­té de mon désis­te­ment répu­bli­cain sans délai ni condi­tion, j’ai mis un point d’honneur à ne pas hypo­thé­quer tes chances de battre le Rassemblement national.

En effet, j’ai eu grand peur que ta cam­pagne de pre­mier tour, faite d’insultes et de cari­ca­tures à mon égard et à celui du NFP, ne nuise au bon report de nos voix pour contrer le RN : dif­fi­cile de voter pour qui vous a traî­né dans la boue ! Pire encore, tes affiches d’entre deux tours tra­çaient encore un signe égal entre J‑L. Mélenchon et M. Le Pen : envi­sa­geais-tu sérieu­se­ment de te pas­ser de nos votes ?

Le men­songe n’étant pas dans ma boîte à outils poli­tique, je n’ai pu cacher à celles et ceux qui m’interrogeaient qu’en effet tu n’avais pas eu l’élégance ou la poli­tesse de m’envoyer ne serait-ce qu’un mot de remer­cie­ment pour ce désis­te­ment. Grandes étaient alors la sur­prise, puis la colère de mes interlocuteur.ices qui te pen­saient déte­nir ce mini­mum de savoir-vivre et d’intelligence politique.

Malgré ton mépris et parce que la sau­ve­garde de la République est sacrée pour le peuple de gauche et de l’écologie, nous t’avons « quoi qu’il en coûte » appor­té mas­si­ve­ment nos voix pour consti­tuer entre 30 et 40% de ton élec­to­rat de second tour.

Pourtant, dimanche soir à nou­veau, tout à la joie enfan­tine de ta vic­toire et de conser­ver ce siège et dans l’illusion d’avoir vain­cu seul, tu n’as pas jugé néces­saire d’écrire ou de pro­non­cer un mot pour notre élec­to­rat, pour­tant exem­plaire en la cir­cons­tance. Peut-être n’as-tu pas trou­vé le temps de m’adresser ne serait-ce qu’un SMS de remer­cie­ment, trop occu­pé à griller une ciga­rette avec Mme Minot et M. Bay, les candidat.es déçu.es de l’extrême droite : tu sais ce que l’on dit de l’épaisseur du papier à ciga­rette pour qua­li­fier les dif­fé­rences entre idées poli­tiques. Te concer­nant, je n’ose croire en cette métaphore…

Tu as déjà lou­pé deux occa­sions de ne pas nous faire regret­ter d’avoir contri­bué à ton élec­tion, cela ne t’aurait pour­tant rien coû­té. A ce rythme-là, tu as déjà bien appro­fon­di les fis­sures du front répu­bli­cain mais il n’est jamais trop tard pour mieux faire. En ces moments trou­blés, auras-tu par exemple plus de liber­té pour recon­si­dé­rer ton sou­tien au pro­jet auto­rou­tier A154 ou bien pro­mou­voir avec nous la taxa­tion des super-profits ?

Afin de ne pas te cha­gri­ner, j’ai employé dans ce cour­rier le tutoie­ment que tu avais impo­sé entre nous depuis quelques années. Je croyais que c’était une marque de res­pect de ta part mais l’expérience de ces trois semaines a révé­lé mon erreur.

Trop cher dépu­té, désor­mais, je vous vouvoierai.

 

Jean-François Bridet, can­di­dat Nouveau Front Populaire aux élec­tions législatives.