Les J.O. sont terminés : Retour sur l’ouverture et… à la réalité !
Dans un long entretien pour le site ‘’Grand Continent’’, Patrick Boucheron, éminent historien, explique les raisons de la démarche des concepteurs et conceptrices. Lui-même a été contacté en tant qu’historien de Paris. Il a fait équipe durant un an et demi avec la scénariste Fanny Herrero, la romancière Leïla Slimani et Damien Gabriac, acteur et metteur en scène, pour constituer un collectif d’écriture avec Thomas Jolly, homme de théâtre lui aussi.
Ils ont voulu mettre en valeur ‘’des contrastes entre la singularité parisienne et l’universalité’’, associer la pop-culture et la théâtralité du répertoire, mettre en valeur les savoir-faire français, la couture, les bons vins, etc. Sans oublier de redonner une force nouvelle aux allusions historiques. ‘’On va chercher dans le passé révolutionnaire de ce pays de quoi affirmer, au futur, une confiance dans l’avenir. Oui, ça ira. En cela, le courage des danseuses et des danseurs, des anonymes comme des grandes stars de la chanson, à braver la pluie battante, cette énergie rageuse était finalement en phase avec ces valeurs olympiques qu’il s’agissait de célébrer’’.
Citons les explications de Patrick Boucheron sur quelques moments qui ont marqué les télé/spectateurs.
Des femmes qui s’élèvent
‘’Tout le monde peut aisément convenir, je pense, qu’en matière de présence féminine dans la statuaire publique, il n’y a pas le compte à Paris : une petite quarantaine sur 260. Alors dans le tableau Sororité nous en avons proposé dix, dont on espère qu’elles resteront dans l’espace public.’’
Disperser le protocole
‘’Le protocole est structurellement ennuyeux : les discours, les serments olympiques, les drapeaux… Il fallait donc disperser le protocole un peu partout, parvenir à le spectaculariser.’’
Une cavalière sur la seine
‘’La cavalière est ce vous voulez qu’elle soit : elle peut être la déesse gauloise Sequana qui donne naissance à la Seine, elle peut ressembler à Jeanne d’Arc si vous le souhaitez, mais si vous pensez au cheval de Beyoncé cela va très bien aussi.’’
Et si le contexte politique avait changé après le 2eme tour des législatives ?
Patrick Boucheron explique qu’il était trop tard pour changer le scénario. Le résultat du vote a été un soulagement pour l’équipe de créateurs, mais dans un contexte différent les interprétations des spectateurs se modifient aussi.
Il résume les objectifs : ‘’Nous avons voulu donner à voir un portrait un peu ressemblant du moment que nous vivons. Du moment, c’est-à-dire des fragments de passé dont est fait ce présent, mais aussi des éclats de futur qu’il laisse deviner. Comment voulons-nous vivre ensemble ? Et avec qui, avec quoi on fait cela ? La réponse : on fait avec ce que l’on a, c’est-à-dire nos différences.’’
‘’Toute notre idée c’était que la cérémonie ne soit surtout pas une ode à la puissance.’’
Comment interpréter le tableau qui a été assimilé à La Cène ?
‘’Ni blasphème ni moquerie.’’ ‘’Nos références étaient plutôt de jouer des connotations dionysiennes — et du fil qui se tisse entre la Grèce olympique et Paris car Dionysos, ou plutôt Denis, est le père de Sequana. Ainsi, cette grande table est un festin des Dieux, qui devient le podium d’un défilé de mode déjanté.’’
La fraternité, vraiment ?
Grand Continent pose cette question à l’historien : ‘’Vous avez dit que vous ne vouliez pas faire une ode à la puissance, mais une forme de paradoxe apparaît. Vous avez mis en scène un spectacle qui promouvait l’olympisme, donc la paix, la fraternité… Mais pour rendre ce spectacle possible, il a fallu ériger des barrières dans tout Paris. Il a fallu déployer des dizaines de milliers de soldats… »
Pour découvrir la réponse et les autres explications de Patrick Boucheron sur qui a enthousiasmé, surpris, intrigué ou déplu suivez le lien : https://legrandcontinent.eu/…/oui-ca-ira-une…/
Et maintenant ?
Bien-sûr, il va falloir remettre les pieds sur terre : les inégalités, le renvoi des étrangers en prémisse aux J.O., les atteintes à l‘environnement, la hausse des prix, et autres injustices ont été mis entre parenthèses durant cette trêve arrangeante pour le pouvoir contesté il y a un mois. Le risque de basculement vers l’inverse des valeurs de tolérance n’est un mystère pour personne dans le pays. Alors, soyons là, les pieds sur terre, sans abandonner les grands idéaux.