Chronique d’une lutte
et d’une politisation
Le 9 mai aux Enfants du Paradis à Chartres, la productrice chartraine Fanny Chrétien (La Boîte à Songes) présentait en avant-première le documentaire de Niki Velissaropoulou Nous ne vendrons pas notre avenir en présence de la réalisatrice et des deux principales protagonistes Dimitra et Garifalia. Elle précise : « Ma maison de production n’a que quatre ans, c’est le temps qu’il faut pour produire un documentaire et, là, je viens d’en terminer trois. Mes choix partent d’une réalisatrice ou d’un réalisateur pour des films ouverts sur le monde. »
En l’occurrence, le documentaire présenté est l’œuvre d’une réalisatrice grecque qui vit en France depuis quelques années et qui, préoccupée par la situation désastreuse de son pays soumis aux diktats de l’Union Européenne, a ressenti la nécessité de lui consacrer un film. Et c’est en Chalcidique (région de Thessalonique), où elle a passé ses vacances d’enfance, qu’elle a posé sa caméra pour filmer la lutte contre l’implantation d’une mine d’or par une société d’exploitation canadienne (voir le synopsis et les photos du film), mine à ciel ouvert qui défigure la région et menace de polluer l’environnement par l’utilisation du cyanure et du mercure.
On suit les jeunes filles sur quatre années depuis 2012 jusqu’à l’obtention de leur bac en 2017, dans ce qui pourrait s’appeler une éducation politique, au rythme des discussions entre elles ou avec leurs familles, avec leurs camarades du lycée, de leur visites au site minier qui s’installe en éventrant la colline, des manifestations locales ou dans la grande ville. Niki Velissaropoulou a choisi de ne pas réaliser un documentaire de sociologue avec entretiens mais, réinvestissant sa formation de cinéaste de fiction, d’assembler des scènes spontanées de bavardages dans le quotidien pour en faire un récit. Elle confie :
« Il n’y a pas eu d’écriture avant de tourner les scènes mais je savais où je dirigeais les filles : un documentaire sur la situation liée à ce projet minier et sur la politisation. Je suggérais des sujets de discussion, par exemple sur l’engagement des parents, et je tournais pendant 45 minutes / 1 heure pour garder 4 ou 5 minutes dans le film. » Cependant, la productrice précise : « Le documentaire c’est filmer du réel. On peut imaginer ce qui va se passer et ça se passe comme ça… ou pas du tout ! Et on a eu ainsi de très belles surprises ».
La discussion qui a suivi la projection a permis de s’enquérir de la situation de cette lutte aujourd’hui. « La lutte continue. Il y a quelques jours, il y avait encore une manifestation contre le projet minier, un blocage du bureau de Syriza*, au pouvoir actuellement et qui a été élu, aussi, pour arrêter la compagnie minière. Beaucoup de métiers de la région étant liés au tourisme, à la pêche beaucoup se trouvent menacés, donc la lutte se poursuit avec cependant moins de participants » renseigne la réalisatrice.
Fanny Chrétien annonce que le film va bientôt passer sur France 3‑Corse** et qu’il intéresse des télévisions étrangères. « On va le montrer dans les festivals. La version anglaise vient juste d’être terminée. Le sujet peut avoir une résonnance universelle ». Dimitra enchaîne « Ce qu’on voudrait à travers la diffusion de ce film en Grèce [ce qui est prévu NDLR], c’est que ça éveille des consciences et ça aide cette lutte pour qu’elle ait, peut-être, une fin heureuse et d’autres luttes sociales qui sont nombreuses dans tous les domaines ». Et Niki Velissaropoulou exprime son souhait le plus cher : « J’aimerais que ce film soit projeté dans les écoles dans beaucoup de pays car ce sont les jeunes qui vont construire la société de demain. Il y a partout beaucoup de projets miniers***. Je voudrais que les jeunes prennent une conscience politique pour essayer de construire un monde meilleur ».
Il est dommage que cette avant-première, programmée au milieu des congés de printemps, n’ait pas attiré beaucoup de public. Peut-être sera-t-il possible de donner aux Chartrains une deuxième chance ? En tout cas, productrice et réalisatrice sont disponibles pour présenter, en France, leur documentaire à tous les publics : « Les filles ne pourront pas être physiquement présentes lors des projections mais ça peut se faire par visioconférences ».
J.C.
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Notes :
* Parti de l’actuel Premier Ministre Alexis Tsipras.
**La mission de service public de FR3 Corse Via Stella s’étend à la Méditerranée. La diffusion est prévue le 5 juin sur FR3 Corse (disponible sur internet et sur le canal 30 des box internet/tv).
*** Sur un projet de mine d’or en France :
https://reporterre.net/Une-action-est-en-cours-contre-le-projet-de-mine-d-or-au-Pays-basque