Après le désastre, comment
reconstruire à gauche ?
Les résultats des partis de gauche aux élections européennes sont un désastre :
- LFI : 6,3%
- Génération.s : 3,2%
- PCF : 2,4%
- LO : 0,7%
- et aussi pour le parti social-libéral PS : 6,19%.
EÉLV reconverti au “ni droite, ni gauche” obtient 13,4%.
Dans le même temps, et alors que la droite traditionnelle s’effondre (LR : 8,4%), le duel mis en scène par Macron tourne à l’avantage de l’extrême-droite (LREM : 22,4%, RN : 23,3%).
Le tout, avec l’abstention d’une moitié des électeurs…
Ce paysage dévasté interpelle le camp de l’émancipation. Allons-nous, sans réagir, laisser faire ? Des appels se sont fait jour qui proposent d’entamer une réflexion ouverte qui permette de rassembler sans uniformiser les forces politiques, syndicales, associatives mais surtout les citoyens qui souhaitent proposer une alternative au capitalisme libéralisé ravageur.
Ensemble! 28, qui, depuis sa création a toujours recherché, d’abord dans le Front de Gauche (volonté d’adhésion directe des citoyens, notamment), puis en autonomie (création de collectifs sans hégémonies partidaires, démarche d’unité aux élections) regarde ces appels avec intérêt et sympathie, souhaitant qu’ils convergent et se concrétisent.
Sur ce site, nous alimenterons régulièrement ces démarches en publiant ou relayant des contributions que chacun peut nous adresser par l’intermédiaire notre adresse de courriel (en haut de cette page).
Nous avons déjà publié un appel avant le scrutin : Gauche un sursaut nécessaire.
Nous publions sur cette page :
et
Il est minuit moins deux.
L’urgence nous oblige.
Où sont passés la colère sociale et l’esprit critique qui s’aiguisent depuis des mois dans notre pays ? Ils demeurent dans les têtes, dans les cœurs et dans la rue. Mais la situation politique est catastrophique. Au lendemain des élections européennes, le bon résultat de l’écologie politique ne peut masquer le fait que la gauche est en miettes, désertée par une très grande partie des classes populaires. La gauche et l’écologie politique sont loin de pouvoir constituer une alternative alors même que le pouvoir en place et la droite fascisante dominent la scène politique dans un face à face menaçant où chacun se nourrit du rejet de l’autre et le renforce. Le pire peut désormais arriver. Nous n’acceptons pas ce scénario. Nous devons, nous pouvons proposer un nouvel horizon.
La raison essentielle de ce désastre est l’absence d’une perspective émancipatrice qui puisse fédérer les colères et les aspirations autour d’un projet politique de profonde transformation de la société. Un big bang est nécessaire pour construire une espérance capable de rassembler et de mobiliser.
Il y a du pain sur la planche : réinventer nos modèles et nos imaginaires, rompre avec le productivisme et le consumérisme qui nous mènent au chaos climatique, à la disparition des espèces et à une dramatique déshumanisation, substituer le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs aux lois de la finance et de la compétitivité. L’enjeu, c’est aussi d’articuler les différents combats émancipateurs pour dégager une cohérence nouvelle qui s’attache aux exigences sociales comme écologiques, à la liberté des femmes comme à la fin de toutes les formes de racisme, aux conditions et au sens du travail comme au droit à la ville, à la maîtrise de la révolution numérique comme à l’égalité dans l’accès à l’éducation et à la culture, à la promotion des services publics comme au développement de la gratuité. Nous n’y parviendrons qu’en assumant des ruptures franches avec les normes et les logiques capitalistes. Ce qui suppose de nous affranchir des logiques néolibérales et autoritaires qu’organisent les traités européens et de donner à nos combats une dimension internationaliste.
Et pour cela, ce big-bang doit aussi toucher aux formes de l’engagement. La politique est en crise globale. La défiance est massive à l’égard des représentants et des partis politiques, et plus généralement à l’égard de toutes les formes délégataires de représentation. Il est impératif d’inventer la façon de permettre, à toutes celles et ceux désireux de s’engager, de vivre ensemble et d’agir avec des courants politiques constitués qui doivent intégrer dans leurs orientations les expériences alternatives en cours. Et cela suppose de repenser les lieux et les modalités du militantisme autant que les rouages de la délibération collective. L’exigence démocratique se trouve dans toutes les luttes de notre époque, sociales, écologistes, féministes, antiracistes…, des nuits debout aux gilets jaunes. Elle implique de penser les médiations, de favoriser des liens respectueux, loin de toute logique de mise au pas, avec les espaces politiques, sociaux, culturels qui visent l’émancipation humaine. Puisque nous prônons une nouvelle République, la façon dont nous allons nous fédérer dira notre crédibilité à porter cette exigence pour la société toute entière.
Le pire serait de continuer comme avant, de croire que quelques micro-accords de sommet et de circonstances pourraient suffire à régénérer le camp de l’émancipation, que l’appel à une improbable « union de la gauche » à l’ancienne serait le sésame. Nous sommes animés par un sentiment d’urgence et par la nécessité de briser les murs qui se dressent au fur et à mesure que la situation produit des crispations et des raidissements. Il est temps de se parler et de s’écouter, de se respecter pour pouvoir avancer en combinant le combat pour les exigences sociales et écologiques. Nous pensons bien sûr aux forces politiques – insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme. Mais ce dialogue entre mouvements politiques constitués ne suffira pas à soulever les montagnes pour redonner confiance et espoir. C’est plus largement que les portes et les fenêtres doivent s’ouvrir aux citoyens, à la vitalité associative, au monde syndical, aux espaces culturels et intellectuels critiques, aux désobéissants du climat, à celles et ceux qui luttent au quotidien contre les oppressions et les violences policières.
Il y a urgence. Nous savons la disponibilité d’un grand nombre de citoyen.ne.s et de militant.e.s à unir leurs énergies pour ouvrir une perspective de progrès. Ces forces existent dans la société mais elles n’arrivent pas à se traduire dans l’espace politique. C’est ce décalage qu’il faut affronter et combler. Sans raccourci. Un travail patient autant qu’urgent de dialogue, d’ouverture, d’expérimentations est devant nous si nous voulons rassembler pour émettre une proposition politique propulsive. Il faut de la visée, du sens, de l’enthousiasme pour qu’une dynamique s’enclenche, pour qu’elle se fixe l’objectif d’être majoritaire. C’est d’une vision plus encore que d’une juxtaposition de colères et de propositions dont notre pays a aujourd’hui besoin. Loin du ressentiment et de la haine pour moteur, nous devons faire vivre un horizon commun de progrès pour l’humanité. La réussite de cette entreprise tient en grande partie à la capacité à assumer un pluralisme authentique tout en dégageant de nouvelles cohérences partagées. Toute logique de ralliement, de mise au pas derrière un seul des courants d’idées qui composent ce large espace à fédérer, se traduira par un échec à court ou moyen terme.
C’est pourquoi nous appelons au débat partout pour la construction d’un cadre de rassemblement politique et citoyen, avec l’objectif de participer activement à la réussite de cette invention à gauche que nous appelons de nos vœux. Nous savons la difficulté de l’entreprise. Mais elle est indispensable. Et beaucoup de voix s’élèvent pour en affirmer l’exigence. Faisons converger nos efforts. Engageons-la ensemble le 30 juin prochain au Cirque Romanès.
Parmi les premiers signataires :
Christophe Aguiton, sociologue, Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux, Jean-Loup Amselle, anthropologue, Paul Ariès, politologue, Ariane Ascaride, comédienne, Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory, Salah Amokrane, dirigeant associatif, Paul Ariès, politologue, Clémentine Autain, députée Seine-Saint-Denis, Étienne Balibar, philosophe, François Bégaudeau, écrivain, Patrick Chamoiseau, écrivain, Yves Contassot, conseiller de Paris, Gaël Brustier, politologue, Annick Coupé, syndicaliste et altermondialiste, Laurence Decocq, historienne, Pierre Dardot, philosophe, Rokhaya Diallo, journaliste et cinéaste, Cédric Durand, économiste, Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine, Jean-Marie Harribey, économiste, Annie Ernaux, écrivaine, Karl Ghazi, syndicaliste, Éva Husson, auteure et réalisatrice, Hugues Jallon, éditeur, Pierre Kalfa, co-président de la Fondation Copernic, Laurence Lyonnais, militante éco-socialiste, Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, Christian Laval, sociologue, Mathilde Larrère, historienne, Philippe Vilain, écrivain, Razmig Keucheyan, sociologue, Roger Martelli, historien et co-directeur de Regards, Corinne Morel-Darleux, auteure et conseillère régionale Rhônes-Alpes, Jean-Claude Petit, compositeur, Barbara Romagnan, militante féministe et politique, Roberto Romero, conseiller régional, Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis, Christian Salmon, écrivain, Aurélie Trouvé, militante associative, Denis Sieffert, journaliste, Dominique Vidal, journaliste et écrivain, Catherine Tricot, architecte, Philippe Vilain, écrivain, Arnaud Viviant, journaliste, Malika Zediri, militante pour le droit des chômeurs…
Site de l’appel : www.pourunbigbang.fr
CONVERGEONS
«Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat»
Louis Aragon, la Rose et le Réséda.
Les résultats des élections européennes confirment la poussée des forces nationalistes et d’extrême droite, un effondrement des partis sociaux-libéraux, ainsi que le recul important des forces de gauche de transformation. La responsabilité dans ces bouleversements du social-libéralisme au pouvoir, en avalisant et en encourageant toutes les politiques néolibérales et antiécologiques, est manifeste.
Par ailleurs les écologistes, comme dans plusieurs pays européens, réalisent une poussée significative. Ce résultat montre que l’enjeu écologique est devenu primordial et que le clivage productivisme libéral-écologisme social prend corps.
Pour autant, les écologistes doivent prendre garde au péché d’orgueil et d’isolement.
Chaque élection est différente, nous le constaterons rapidement pour les élections municipales qui se profilent. Une hirondelle de 13,5% de voix ne fait pas le printemps de la transformation sociale et écologique et ne met personne en capacité de peser sérieusement dans le débat public et de représenter une alternative au capitalisme néolibéral.
Ce score confère au parti écologiste une responsabilité historique accrue. Aujourd’hui, il doit plus que jamais être à la hauteur des enjeux, participer activement à la reconstruction d’un grand mouvement populaire, écologiste et social, engager une démarche qui s’adresse aux forces politiques de la gauche d’émancipation et plus largement à toutes celles et ceux qui veulent s’engager dans un tel projet.
Alors que le mouvement des gilets jaunes et les marches pour le climat ont exprimé une volonté de changer de modèle de développement, de société et de vie politique, les forces politiques de l’écologie sociale, de la gauche d’émancipation, des mouvements citoyens et alternatifs, syndicaux et associatifs restent divisées, enfermées dans des habitudes usées, incapables de construire et défendre un projet commun.
Nous pensons que la division et la dispersion des forces qui se situent dans une perspective d’émancipation et qui font de l’écologie un point central de leur projet sont mortifères au moment où l’immense majorité des vivants est confrontée au réchauffement de la planète, à la perte de la biodiversité, à la sixième extinction des espèces, à la déforestation, au pillage des ressources de la planète, au creusement des inégalités sociales, à l’augmentation de la pauvreté dans le monde, à la souffrance animale, aux discriminations sous toutes leurs formes.
Plutôt que les méfiances, les rancœurs, nous devons confronter avec bienveillance nos points de vue et abandonner l’esprit de clocher ou d’hégémonie, dépasser nos «petites» différences qui ont fait tant de mal ces dernières années aux millions d’individus en colère qui cherchent une solution politique au désastre environnemental, social et démocratique.
Ecoutons-nous ! Trouvons les formes qui nous permettront de bâtir ensemble : assises, états généraux, constituante, archipels, actions communes ou autre fédération populaire autour de combats communs, à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne… Rien ne doit être par avance écarté. Mettons tout sur la table sans tabous, nos projets, nos analyses, les incompréhensions réciproques comme les combats partagés ces dernières années.
Faisons tomber nos murs pour construire une nouvelle maison commune !
La préparation des élections municipales peut être l’occasion d’inverser le cours des choses. Il faudra rassembler dès avant le premier tour le camp écologiste et social, construire ensemble listes et programmes, pour prétendre gagner des milliers de municipalités. En effet, les politiques qui seront menées par les collectivités territoriales représentent une formidable opportunité de recréer de la justice sociale et d’engager la transition écologique indispensable.
Nous avons plus à partager, nous avons plus de désirs et de projets qui nous rassemblent que de différends qui nous séparent. Ne laissons pas le fossé se creuser entre les forces écologistes, les forces de gauche et nos concitoyens, qui un peu partout expérimentent, cherchent de nouveaux chemins, œuvrent dans leurs engagements citoyens, associatifs, mouvementistes, syndicaux et politiques pour une société plus juste et plus résiliente construite autour d’un axe écologiste, féministe, populaire et social.
Parce que nous partageons l’essentiel du diagnostic, parce que nous en avons assez de la désunion des forces de gauche et écologistes, nous, signataires de ce texte, nous engageons à favoriser et à participer à toutes initiatives politiques, syndicales, altermondialistes, culturelles, citoyennes, allant dans le sens du rapprochement de nos forces autour de la responsabilité écologique, de la justice sociale et de l’exigence démocratique.
La multiplicité de nos engagements et de nos parcours politiques ne doit plus être un frein mais une ressource dans laquelle puiser pour bâtir la cité écologique, la cité sociale et des justices que toutes et tous nous voulons.
A toutes celles et ceux qui déclarent vouloir se battre pour la planète et l’humanité, nous disons :
Cela ne peut plus durer, écoutons-nous, bâtissons, convergeons !
Premiers signataires : Autain Clémentine (députée), Balas Guillaume (coordinateur Génération·s), Barles Sebastien (Marseille en commun), Bessac Patrick (maire de Montreuil), Boutault Jacques (maire de Paris 2e, EE-LV), Braouezec Patrick (membre honoraire du Parlement), Coulombel Alain (secrétaire national adjoint EE-LV), Darroussin Jean Pierre (acteur, réalisateur), Desplechin Marie (écrivaine), Guédiguian Robert (réalisateur), Hardy Hélène (coordinatrice des Assises de l’écologie et des solidarités, EE-LV), Mamère Noël (ex-député), Meirieu Philippe (professeur des universités), Ponchel Matthieu (Climat social), Rivasi Michèle (députée européenne, EE-LV), Robin Marie-Monique (cinéaste, écrivaine), Romagnan Barbara (Génération·s), Serreau Coline (réalisatrice), Trouvé Aurélie (économiste et militante altermondialiste), Viveret Patrick (philosophe, militant associatif).
Pour voir les 160 premiers signataires et pouvoir signer vous-même, c’est ici : https://framaforms.org/convergeons-1559741823