Gauche : un sursaut nécessaire

Un col­lec­tif de mili­tants, intel­lec­tuels et syn­di­ca­listes exhorte à refon­der la gauche, déplo­rant que les «logiques d’affirmation des iden­ti­tés par­ti­sanes» aient pris le des­sus, «rédui­sant dra­ma­ti­que­ment le poids de la gauche dans la vie poli­tique». Soutenant des listes dif­fé­rentes aux élec­tions, ils appellent néan­moins à «construire du com­mun» par les luttes. Ensemble! 28 se recon­nait dans cet appel qui cor­res­pond à sa démarche depuis la créa­tion du col­lec­tif dépar­te­men­tal en 2015.

Publié le 20 mais 2019 sur le blog Médiapart

 

 À la veille des élec­tions euro­péennes, rare­ment la gauche n’a été en aus­si mau­vais état. Les logiques d’affirmation des “iden­ti­tés” par­ti­sanes qui ont pris le des­sus se sont com­bi­nées avec l’incapacité à pro­po­ser une pers­pec­tive d’espoir.

La consé­quence est un poids dra­ma­ti­que­ment réduit de la gauche dans la vie politique.

Sortir de la spi­rale de l’éclatement, refon­der une pers­pec­tive d’espoir pour le XXIème siècle : voi­là l’urgence.

C’est d’autant plus néces­saire que le petit monde qui dirige l’Union euro­péenne sous l’autorité des gou­ver­ne­ments est gla­çant : une seule dis­ci­pline éco­no­mique, une seule poli­tique de plus en plus auto­ri­taire. Pas de choix démo­cra­tique pos­sible contre les trai­tés, a dit le Président de la Commission. Résultats : la tra­gé­die grecque, l’explosion du Brexit, les mil­liers de morts en Méditerranée, la mon­tée des inéga­li­tés, le chô­mage et la misère, la pous­sée des natio­na­lismes et de l’extrême droite avec des dis­cours sim­plistes basés sur le men­songe, la haine et le rejet de l’autre.

Pourquoi choi­sir les uns plus que les autres, se demandent nombre d’électeurs et d’électrices ? En effet, plu­sieurs listes à gauche com­battent la dérive ultra-libé­rale de l’Union euro­péenne avec des argu­ments conver­gents. La ten­ta­tion de l’abstention, qu’il faut com­battre, est plus forte que jamais.

Alors que les aspi­ra­tions sociales, éco­lo­giques et démo­cra­tiques n’ont jamais été aus­si fortes, la Gauche s’est révé­lée inca­pable d’élargir son audience et de pro­po­ser une alter­na­tive poli­tique cré­dible. De plus, nous assis­tons à un écla­te­ment poli­tique total. Et pour­tant, nos forces mili­tantes agissent sou­vent en com­mun. Et plu­sieurs élu·es tra­vaillent ensemble au Parlement euro­péen ! Pour beau­coup de nos concitoyen·es, le mot même de gauche a per­du son sens après que des gou­ver­ne­ments s’en récla­mant ont mis en œuvre des poli­tiques néo­li­bé­rales et autoritaires.

Un mou­ve­ment social qui appelle à faire du neuf et à converger

En France, la cam­pagne élec­to­rale se déroule alors que le pays est secoué par un mou­ve­ment social qui a fait vaciller les ins­ti­tu­tions, le gou­ver­ne­ment et le Président de la République. Le mou­ve­ment des Gilets jaunes a fait tré­bu­cher Macron sur sa base élec­to­rale étroite de 2017. Va-t-on le lais­ser se rele­ver et conti­nuer sa révo­lu­tion ultra­li­bé­rale, en réa­li­té un capi­ta­lisme très autoritaire ?

Cette conver­gence d’action est encore plus néces­saire avec l’irruption de mobi­li­sa­tions  de cen­taines de mil­liers de per­sonnes sur l’urgence cli­ma­tique. Les gou­ver­nants euro­péens font sem­blant de saluer ces mobi­li­sa­tions alors qu’ils ne rem­plissent même pas les enga­ge­ments de l’Accord de Paris.

De même, de plus en plus de citoyen·nes et de villes sont soli­daires et se lèvent aux côtés des migrant·es et des réfugié·es pour dénon­cer la carence des États et leurs poli­tiques racistes, fer­mant les portes aux plus vulnérables.

Les femmes, plus de la moi­tié de la popu­la­tion, ont déclen­ché une révo­lu­tion inter­na­tio­nale des rap­ports de domi­na­tion trop sou­vent tolé­rés, et consi­dé­rés comme naturels.

Les salarié·es font preuve d’imagination contre le tra­vail sur­ex­ploi­té, ubé­ri­sé, pres­crit et subor­don­né, l’automatisation, les fer­me­tures d’entreprises.

De nou­velles formes d’antiracisme se développent.

Progressisme/nationalisme : le faux duel

La droite macro­nienne essaie d’installer en France un faux duel entre pro­gres­sisme et natio­na­lisme. En réa­li­té ce qui se pro­file est une défaite morale et poli­tique devant le dan­ger de la droite extrême, sous toutes ses formes, qui gan­grène les sociétés.

Construire une alter­na­tive pour le XXIe siècle sup­pose de rompre avec toutes les poli­tiques néo­li­bé­rales, quels que soient les gou­ver­ne­ments qui les ont por­tées. Et, de ce point de vue, le bilan de la gauche qui a gou­ver­né est lourd. Mais ce n’est pas suf­fi­sant car il y a aus­si échec à faire vivre un nou­vel ima­gi­naire émancipateur.

Le pays est assez riche pour réa­li­ser d’autres poli­tiques. C’est ce qu’ont mon­tré les luttes de 2016 contre la loi Travail « et son monde », celles pour défendre la SNCF…, et bien d’autres moins spec­ta­cu­laires. Les Gilets jaunes posent aujourd’hui des urgences dont les réponses ne peuvent attendre ; de même que les enseignant·es, les parents, la jeu­nesse, les retraité·es.

Les mobi­li­sa­tions popu­laires sont plu­rielles, et pro­duisent du sens poli­tique. Osons asso­cier la poli­tique issue des luttes avec l’expérience revi­si­tée des forces et mou­ve­ments poli­tiques dans leur diver­si­té et richesse.

Rejetons la ten­ta­tion de res­ter tou­jours sur les modèles his­to­riques immuables. Il ne s’agit pas de faire table rase. Mais de s’appuyer sur les expé­riences qui nour­rissent la réflexion com­mune. Le « vieux » et le « neuf » s’interpénètrent pour aller de l’avant. Les peuples font par­tout bou­ger les anciennes cer­ti­tudes et tâtonnent avec les nou­velles. Ils inventent sans cesse, notam­ment la jeunesse.

Construisons !

L’espérance d’émancipation vient de loin, des grandes révo­lu­tions popu­laires, des expé­riences du sala­riat et des luttes sociales entre­croi­sées. Elle vit tou­jours. Intégrons les don­nées nou­velles de notre temps. Un sur­saut géné­ral est indispensable.

Même si nous sou­te­nons des listes dif­fé­rentes pour les élec­tions euro­péennes, nous pro­po­sons de construire du com­mun pour l’émancipation col­lec­tive. C’est un chan­tier où toutes les bonnes volon­tés sont requises. La lutte des classes n’a pas dis­pa­ru, ni le cli­vage gauche/droite. Les rap­ports de domi­na­tion sociale, de sexe et d’origine se com­binent avec l’exploitation éco­no­mique. L’imaginaire éco­lo­giste doit impré­gner les luttes sociales et inver­se­ment. La demande démo­cra­tique gran­dit par­tout, contre un pou­voir auto­ri­taire et violent. La gauche n’est pas un acquis qu’il suf­fit d’afficher. Son sens a été dévoyé. Il faut la recons­truire dans les luttes, la refonder.

Dès à pré­sent, beau­coup de luttes, de ques­tions et de pro­po­si­tions nous rassemblent :

  • Justice sociale et cli­ma­tique, même combat !
  • Égalité femmes/hommes dans le tra­vail et toute la société !
  • Refus de toutes les formes de racisme et de toutes les discriminations !
  • Lutte contre le sexisme et les vio­lences faites aux femmes, et contre l’homophobie.
  • Solidarité inter­na­tio­nale et accueil des popu­la­tions migrantes ou réfugiées !
  • Arrêt des pri­va­ti­sa­tions en cas­cade ! Reconquête et déve­lop­pe­ment des ser­vices publics et de la fonc­tion publique !
  • Pas touche à la retraite par répartition !

Le temps presse.

Débattons ensemble de toutes les ques­tions à venir sans tabous et pré­pa­rons l’alternative majoritaire.

Nos luttes méritent de trou­ver une issue politique.

Nous n’avons plus de temps à perdre. C’est main­te­nant ! Retrouvons-nous vite en juin pour enta­mer ce pro­ces­sus de reconstruction.

Premiers signa­taires :

René Agarrat, citoyen mili­tant réin­ven­ter la gauche Marseille
Pouria Amirshahi, Président de Politis
Gérard Aschieri, syndicaliste
Etienne Balibar, phi­lo­sophe
Fatima Benomar, mili­tante féministe
Jean-Yves Billoré-Tennah, Maire de Tôtes (76), Génération.s, Candidat aux élec­tions euro­péennes sur la liste du Printemps Européen
Laurence Boffet, conseillère d’arrondissement Lyon 1er- Ensemble !
Jean-Claude Branchereau, syn­di­ca­liste
Patrick Brody, syn­di­ca­liste
Michel Cahen, direc­teur de recherche CNRS, Bordeaux.
Jean Combasteil, ancien dépu­té et ancien maire de Tulle
Armand Creus, Ensemble !
Christophe Delecourt, syn­di­ca­liste
Gilles Desseigne, syn­di­ca­liste
François Dubreuil, EELV, Unis pour le climat
Olivier Dupuis, syn­di­ca­liste
Michèle Ernis, Conseillère muni­ci­pale Saint-Etienne du Rouvray- Ensemble !
Emile Fabrol, NPA
Olivier Frachon, cadre
Frédéric Genevée, his­to­rien
Karl Ghazi, syndicaliste
Jean-Marie Harribey, éco­no­miste
Pierre Khalfa, éco­no­miste

 

 

 

Jean-Yves Lalanne, maire de Billère (64), GDS
Jacques Lerichomme, syn­di­ca­liste
Thierry Lescant, syn­di­ca­liste, féministe
Jean-Claude Mamet, mili­tant d’Ensemble !
Philippe Marlière, poli­tiste
Georges Martel, secré­taire géné­ral Cap à Gauche 19 — sec adj C6R — Animateur Cercle Jean Poperen
Christiane Marty, cher­cheuse
Gus Massiah, éco­no­miste, altermondialiste
Anne Mejias de Haro, syn­di­ca­liste
Jean Philippe Milesy, mili­tant de l’é­co­no­mie sociale
Franck Mouly, PCF
David Nakache, Président de Tous citoyens (Nice)
Willy Pelletier, socio­logue
Gérard Perrier, syn­di­ca­liste, club Réinventer la Gauche (Marseille)
Jacques Rigaudiat, éco­no­miste
Suzy Rojtman, mili­tante féministe
Eric Thouzeau, conseiller régio­nal GDS des Pays de la Loire
Aurélie Trouvé, alter­mon­dia­liste
Marie-Christine Vergiat, dépu­tée euro­péenne sor­tante, Gauche Unie Européenne
Jérôme Vérité, Syndicaliste Transports, can­di­dat sur la liste Génération.s
Denis Vicherat, édi­teur, Les Editions Utopia
Patrick Viveret, phi­lo­sophe, mili­tant associatif