Sucrerie de Toury : L’AG de Cristal
Union sous pression à Pithiviers
Jeudi 16 mai, c’était l’assemblée générale de la coopérative sucrière Cristal Union pour les sites de Pithiviers, où elle se tenait, et de Toury, dont la direction vient d’annoncer un projet de fermeture (voir notre article ici). Donc avec la participation des agriculteurs (planteurs) locaux et de la direction du groupe Cristal Union dont son directeur général, Alain Commissaire. La CGT avait prévu un comité d’accueil et d’accompagnement. Dès 9 h30, une centaine de personnes était réunie devant la salle où les salariés du site de Toury dominaient largement mais où s’étaient aussi rassemblées des délégations CGT des autres sites du groupe (Pithiviers, Corbeilles-en-Gâtinais, Arcis-sur-Aube, Bourdon) ou d’entreprises de la ville (Brossard, conseil départemental, hôpital). À noter aussi, la présence des unions locale (Pithiviers) et départementale (Loiret) CGT, des retraités de la sucrerie de Toury et d’une bonne dizaine de Gilets Jaunes, « Les revendications sont les mêmes : pour les salariés, pour le pouvoir d’achat, pour les emplois ! » affirme Frédéric Rebyffé, secrétaire de la CGT de la sucrerie de Toury.
Le fin des quotas
Le rassemblement commence par son intervention. Tout au long, ses paroles sont ponctuées de bruyantes réactions, hostiles à la direction de Cristal Union ou favorables à la lutte pour le maintien de l’activité. « L’industrie sucrière traverse une crise majeure, une crise provoquée par la fin des quotas décidée par l’Union européenne, par la surproduction mondiale, par les groupes sucriers français qui ont poussé à la fin des quotas […] Ils n’ont pas vu venir la surproduction… Ils avaient leur stratégie : inonder de leur sucre le monde entier. Ils ont découvert que dans des pays comme l’Inde et la Thaïlande, il y avait des moyens modernes de production. »
150 familles de Toury frappées
Remarquant que tous les groupes sucriers affichent de mauvais résultats, F.Rebyffé pointe les conséquences « Cristal Union a annoncé la fermeture de deux sucreries, Toury et Bourdon et de 80% du conditionnement d’Erstein. Plus de 300 emplois directs menacés. […] C’est des secteurs betteraviers, économiques qui vont être sinistrés. Pour Toury, au niveau de la ComCom, ça représente 600 000 euros par an, l’équivalent du budget voué à la jeunesse et à l’emploi. Plus de 500 emplois chez les sous-traitants, les artisans, les restaurateur, etc. sont menacés. Aujourd’hui, c’est toute une industrie qui est menacée en France et en Europe, c’est des usines qui vont être fermées, des salariés qui sont méprisés depuis le début, des communes et des territoires qui vont être sinistrés, des agriculteurs qui ont été truandés… et aussi des patrons qui se sont bien gavés. Ils n’admettent pas leurs erreurs de stratégie, de gestion de l’entreprise. S’ils continuent comme ça, ils vont droit dans le mur. […] Les patrons ne font pas comme les syndicats qui ont pris leurs responsabilités au mois d’avril et ont refusé les augmentations de salaires de 2019 […] nos dirigeants n’ont pas fait la proposition de baisser leurs rémunérations. [..] C’est à eux de partir, c’est pas à nous, c’est nous qui subissons les conséquences ! 150 familles sur Toury, 80 sur Erstein et 90 à Bourdon vont se retrouver à Pôle Emploi. On veut pas, comme des millions de Français, se retrouver dans un pays désindustrialisé. »
Mêmes catastrophes à Erstein et Bourdon
La parole est donnée ensuite aux représentants de deux sites présents : pour Erstein, c’est FO qui parle : « Chez nous, on va fermer le conditionnement… Catastrophe pour Erstein. On a une fête du sucre. J’ai interpellé le maire. Il nous soutient. On va faire quelque chose, certainement le 28 juin. On vous invitera. »
Le délégué CGT de Bourdon décrit la situation sur son site : « Il y a un projet de reprise, mais on n’y croit pas trop. S’il arrivait à se monter, Cristal ferait tout pour le démonter. Ils ont l’habitude de faire comme ça. Si on en est arrivés là c’est qu’il y a des dirigeants qui ont pris des décisions… et quand ça va pas, la moindre des choses, c’est de démissionner. Nous, on n’a pas la possibilité de les mettre dehors. Les agriculteurs peuvent le faire, s’ils le voulaient. On n’en est pas encore là… La bataille va se mener pendant la campagne [de récolte des betteraves], ça va être quelque chose… »
La matinée se poursuit au son des chants de lutte diffusés par la sono qui s’interrompent quand une information arrive de l’AG : quelques planteurs se sont affublés d’affiches « Non à la fermeture de Toury ! ». Mais à l’intérieur on n’entend pas assez les manifestants. Aussitôt, on décide de faire le tour du complexe pour se rapprocher du lieu et on crie sous les fenêtres… où les rideaux ont été tirés « Cristal Union ? Hooooou ! » « Salariés en colère » « Tous ensemble ! » « Dirigeants dehors ! »
“Les planteurs avec nous !”
Quand de premiers coopérateurs planteurs sortent de l’AG au compte-gouttes, ils sont accueillis par « Les planteurs avec nous ! » La plupart font profil bas, mais trois acceptent de s’exprimer au micro. Le premier : « Je compatis car c’est dur à accepter. Ça fait des générations… mon grand-père, mon père, moi. … » Lui est entré à la coopérative en 2017 en versant un fort droit d’entrée… et depuis le prix payé pour les betteraves n’a cessé de baisser. Le deuxième a 80 ha et doit avoir une deuxième activité (espaces verts) pour avoir assez de revenus : « Je suis depuis trois générations sur Artenay. On fait des betteraves pour Toury. Ce qui se passe là-haut, c’est un peu lamentable. Il faut se battre tous ensemble pour que notre usine, qui fait le meilleur rendement de France, tourne. Je ne comprends pas pourquoi elle ferme. » Le troisième évoque les 150 futures familles et les sous-traitants touchés et renseigne : « Ça, là-haut, on n’en parle pas. »
Il est 12 h. 30, sans doute l’heure du champagne et des petits fours dans la salle du 1er étage (les camions du traiteur sont garés à proximité depuis longtemps). F. Rebyffé conclut « Pendant que eux, ils se gavent de champagne, nous on va se demander comment remplir les frigos. […] S’il y a un plan social, ça va être pendant la campagne… Il va falloir se préparer à faire des mouvements pendant, le mouvement sera national Tereos, Saint-Louis et Cristal (voir notre précédent article). On ne peut pas laisser partir notre industrie sucrière. »