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Arts et utopie au pays des soviets
Il reste peu de temps pour voir cette exposition au Grand Palais à Paris (jusqu’au 1er juillet) mais elle vaut le déplacement. À notre époque où il est de bon ton de vilipender la révolution russe et de jeter impunément le bébé avec l’eau du bain, il est passionnant de parcourir le chemin des arts en Russie et URSS entre 1917 et la mort de Staline et de constater qu’elle a été, dans sa première décennie, extrêmement féconde.
La plupart des artistes russes d’avant-garde (appelés « artistes de gauche ») soutiennent la révolution et s’engagent avec les bolchéviques pour mobiliser le peuple dans la période de la guerre civile (1918–1921), par exemple avec les affiches informatives et à slogans révolutionnaires dessinées pour l’agence télégraphique Rosta, dites ‘’fenêtres Rosta’’. Ils veulent sortir l’art de son environnement bourgeois pour qu’il se diffuse partout dans la vie. En fait, ils veulent contribuer à construire une nouvelle société.
Dans les années 1920, cette envie se décline de manières différentes. Les productivistes préconisent la « création de nouveaux objets d’usage pour le prolétariat » (textiles de Stepanova, par exemple). Au théâtre, Meyerhold révolutionne aussi bien l’espace (les spectateurs sont inclus dans l’espace scénique) que la scénographie (structures mobiles non figuratives imaginée par des constructivistes). Vertov (Kino-Glaz, cinéma œil), Eisenstein (La Grève), Poudovkine (La Fin de Saint-Pétersbourg) inventent une nouvelle écriture cinématographique (plans brefs, cadrages excentrés). Le photomontage connaît son heure de gloire avec des artistes comme Rodtchenko qui met ses créations au service de la politique soviétique mais aussi d’un recueil du poète Maïakowski.
Ce dernier se suicidera quand, au tournant des années 1920–1930, Staline devient l’homme fort du régime. Dès 1920, les bolchéviques se méfiaient des avant-gardes artistiques préférant un art facilement accessible aux masses. En 1934, le réalisme socialiste devient la doctrine officielle. L’Association des artistes de la Russie révolutionnaire regroupant des artistes traditionnalistes organisent des expositions à la gloire du socialisme. Leur peinture, peu inventive, célèbre l’ouvrier ou l’instituteur… Beaucoup des artistes les plus créatifs sont marginalisés ou même, comme Meyerhold, victimes de procès et exécutés.
Ce trop bref compte rendu ne saurait rendre compte ni le la richesse de l’exposition qui se déploie sur deux étages, ni de la complexité des courants artistiques à l’œuvre dans ces années. Son but est simplement de donner envie d’y aller voir ou, en cas d’impossibilité, de consulter le catalogue.