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Arts et utopie au pays des soviets

https://ensemble28.forum28.net/wp-content/uploads/2019/06/Exposition-Rouge-art-et-utopie-au-pays-des-soviets-Catalogue.jpgIl reste peu de temps pour voir cette expo­si­tion au Grand Palais à Paris (jusqu’au 1er juillet) mais elle vaut le dépla­ce­ment. À notre époque où il est de bon ton de vili­pen­der la révo­lu­tion russe et de jeter impu­né­ment le bébé avec l’eau du bain, il est pas­sion­nant de par­cou­rir le che­min des arts en Russie et URSS entre 1917 et la mort de Staline et de consta­ter qu’elle a été, dans sa pre­mière décen­nie, extrê­me­ment féconde.

La plu­part des artistes russes d’avant-garde (appe­lés « artistes de gauche ») sou­tiennent la révo­lu­tion et s’engagent  avec les bol­ché­viques pour mobi­li­ser le peuple dans la période de la guerre civile (1918–1921), par exemple avec les affiches infor­ma­tives et à slo­gans révo­lu­tion­naires des­si­nées pour l’agence télé­gra­phique Rosta, dites ‘’fenêtres Rosta’’. Ils veulent sor­tir l’art de son envi­ron­ne­ment bour­geois pour qu’il se dif­fuse par­tout dans la vie.  En fait, ils veulent contri­buer à  construire une nou­velle société.

Dans les années 1920, cette envie se décline de manières dif­fé­rentes. Les pro­duc­ti­vistes pré­co­nisent la « créa­tion de nou­veaux objets d’usage pour le pro­lé­ta­riat » (tex­tiles de Stepanova, par exemple). Au théâtre, Meyerhold révo­lu­tionne aus­si bien l’espace (les spec­ta­teurs sont inclus dans l’espace scé­nique) que la scé­no­gra­phie (struc­tures mobiles non figu­ra­tives ima­gi­née par des construc­ti­vistes). Vertov (Kino-Glaz, ciné­ma œil), Eisenstein (La Grève), Poudovkine (La Fin de Saint-Pétersbourg) inventent une nou­velle écri­ture ciné­ma­to­gra­phique (plans brefs, cadrages excen­trés). Le pho­to­mon­tage connaît son heure de gloire avec  des artistes comme Rodtchenko qui met ses créa­tions au ser­vice de la poli­tique sovié­tique mais aus­si d’un recueil du poète Maïakowski.

Ce der­nier se sui­ci­de­ra quand, au tour­nant des années 1920–1930, Staline devient l’homme fort du régime. Dès 1920, les bol­ché­viques se méfiaient des avant-gardes artis­tiques pré­fé­rant un art faci­le­ment acces­sible aux masses. En 1934, le réa­lisme socia­liste devient la doc­trine offi­cielle. L’Association des artistes de la Russie révo­lu­tion­naire regrou­pant des artistes tra­di­tion­na­listes orga­nisent des expo­si­tions à la gloire du socia­lisme. Leur pein­ture, peu inven­tive, célèbre l’ouvrier ou l’instituteur… Beaucoup des artistes les plus créa­tifs sont mar­gi­na­li­sés ou même, comme Meyerhold, vic­times de pro­cès et exécutés.

Ce trop bref compte ren­du ne sau­rait rendre compte ni le la richesse de l’exposition qui se déploie sur deux étages, ni de la com­plexi­té des cou­rants artis­tiques à l’œuvre dans ces années. Son but est sim­ple­ment de don­ner envie d’y aller voir ou, en cas d’impossibilité, de consul­ter le cata­logue.