Beauce et Perche en ‘bonne’ position
pour l’achat de pesticides

Médiapart a dévoi­lé le 4 juillet une base de don­nées inédite sur les achats de pro­duits phy­to­sa­ni­taires en France. Cette base consti­tuée par l’Agence fran­çaise pour la bio­di­ver­si­té est res­tée long­temps confi­den­tielle. Une ver­sion car­viar­dée, selon le site d’investigation, a été publiée le 1er juillet sur la plate-forme Eaufrance qui est sen­sée don­ner accès à toute la docu­men­ta­tion publique sur l’eau et la bio­di­ver­si­té. Nous rete­nons ici les ensei­gne­ments géné­raux de cette étude, puis les don­nées rela­tives à notre région et  à notre dépar­te­ment. Nous vous recom­man­dons de vous repor­ter à l’article com­plet de Médiapart (1) pour plus d’informations.

56 650 tonnes de pro­duits phy­to­sa­ni­taires ache­tés en France en 2017

Carte Achats Pesticides par codes postaux en 2017 [Médiapart]

Cette carte est inter­ac­tive sur le site Médiapart

Les achats de pes­ti­cides sont réper­to­riés selon le code pos­tal de leurs acqué­reurs. Selon les chiffres, en 2017, les agri­cul­teurs de France métro­po­li­taine ont acquis 56 650 tonnes (2) de pro­duits phy­to­sa­ni­taires. Arrivent en tête ceux des com­munes de Chablis (Yonne, avec 199 tonnes),  Lézignan-Corbières (Aude, 181 tonnes), Sancerre (Cher, 160 tonnes) et Segonzac (Charente, 150 tonnes). Point com­mun frap­pant entre ces quatre loca­li­tés : on y exploite prin­ci­pa­le­ment de la vigne, une culture pour laquelle on uti­lise beau­coup de traitements.

Néanmoins, il est essen­tiel de rap­por­ter les quan­ti­tés de pes­ti­cides ache­tées à d’autres para­mètres, notam­ment la super­fi­cie agri­cole uti­li­sée (SAU) qui dif­fère selon les régions. Si l’Auvergne-Rhône-Alpes se pro­cure onze fois plus de pro­duits phy­to­sa­ni­taires (2 608,88 tonnes) que la Corse (233,86 tonnes), c’est aus­si parce qu’elle pos­sède 17 fois plus de sur­faces agri­coles (2 863 440 hec­tares en 2010) que l’île de Beauté (167 904 hectares).

Notre région au 5ème rang des meilleurs acheteurs !

Le Centre-Val de Loire se situe au 5ème rang des régions fran­çaises avec 5943,45 tonnes ache­tées, alors qu’elle n’est qu’au 6ème rang pour la sur­face agri­cole utile (SAU) avec 2 309 750 ha.  Cela la place au 5ème rang pour la quan­ti­té ache­tée par hec­tare : 2,57 kg/ha.

Sur le podium des pes­ti­cides les plus uti­li­sés en Centre-Val de Loire, on trouve dans l’ordre le gly­pho­sate (865,67 tonnes), le pro­sul­fo­carbe (756,65 t) et le Chlorméquat chlo­rure (320,61 t). [voir encadrés]

Beauce et Perche en « bonne » position

Carte Achats Pesticides par codes postaux en 2017 Zoom sur la Beauce et le Perche [Médiapart]

Beauce et le Perche, cou­leurs fon­cées = gros achats de pesticides

Si l’on s’intéresse à l’achat de pes­ti­cides par l’ensemble des com­munes d’un même code pos­tal, il faut avoir en tête l’imprécision due au fait que les codes pos­taux peuvent cou­vrir des grou­pe­ments dont l’importance en habi­tants ou en SAU sont très dif­fé­rents. Néanmoins, la carte fait clai­re­ment appa­raître une tache bleu marine pour les com­munes de la Beauce euré­lienne (voir exemple du code pos­tal 28140) qui sont dans le pelo­ton de tête des plus gros ache­teurs. Et des grou­pe­ments de com­munes du Perche sont aus­si dans un fort achat de pes­ti­cides (voir exemple du code pos­tal 28160).

 

Propriétés et dan­gers des trois pes­ti­cides les plus ache­tés en Centre-Val de Loire

Le gly­pho­sate

Le gly­pho­sate est une molé­cule appar­te­nant à la famille des her­bi­cides. Essentiellement uti­li­sé dans l’agriculture pour la pré­pa­ra­tion des sols, il occa­sionne un gain de temps pour les agri­cul­teurs qui ne sont plus contraints de labou­rer. Cette molé­cule fait l’objet de nom­breux débats entre scien­ti­fiques. Selon le Centre inter­na­tio­nal de recherche sur le can­cer, le gly­pho­sate est can­cé­ro­gène pour l’homme, ce que réfutent l’Agence natio­nale de sécu­ri­té sani­taire de l’alimentation, de l’environnement et du tra­vail et l’Agence euro­péenne de sécu­ri­té des ali­ments. Certaines études ont mon­tré que des pro­duits de la vie quo­ti­dienne en contiennent des traces : céréales, couches pour bébé, bières, pâtes, vin, hari­cots verts, tam­pons, ser­viettes hygiéniques.

Le pro­sul­fo­carbe

Le pro­sul­fo­carbe est un her­bi­cide uti­li­sé pour trai­ter les gra­mi­nées, les céréales d’hiver et la pomme de terre. La sub­stance est recon­nue comme pré­oc­cu­pante à cause de sa vola­ti­li­té, et peut cau­ser des pro­blèmes de fer­ti­li­té (repro­toxi­ci­té).

Le chlo­rure de chlorméquat

Le chlo­rure de chlor­mé­quat per­met aux récoltes de céréales, de col­za et de légu­mi­neuses de mieux résis­ter aux intem­pé­ries et aux attaques para­si­taires. Il est clas­sé comme repro­toxique par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Il est éga­le­ment recon­nu comme per­tur­ba­teur endo­cri­nien par l’Agence de pro­tec­tion envi­ron­ne­men­tale des États-Unis.

 

 

Types de pesticides les plus utilisés en région Centre-Val de Loire [Médiapart]

Types de pes­ti­cides les plus ache­tés en région Centre-Val de Loire [Cliquez des­sus pour agrandir]

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En 2017, les com­munes du code pos­tal 28140 dans le dépar­te­ment Eure-et-Loir ont ache­té 125651.15 kg de pesticides

BAIGNEAUX, BAZOCHES-EN-DUNOIS, BAZOCHES-LES-HAUTES, CORMAINVILLE, COURBEHAYE, DAMBRON, FONTENAY-SUR-CONIE, GUILLONVILLE, LOIGNY-LA-BATAILLE, LUMEAU, NOTTONVILLE, ORGERES-EN-BEAUCE, PERONVILLE, POUPRY, TERMINIERS, TILLAY-LE-PENEUX, VARIZE

En 2017, les com­munes du code pos­tal 28160 dans le dépar­te­ment Eure-et-Loir ont ache­té 70123.92 kg de pesticides.

BROU, BULLOU, DAMPIERRE-SOUS-BROU, DANGEAU, FRAZE, GOHORY, MEZIERES-AU-PERCHE, MOTTEREAU, MOULHARD, UNVERRE, YEVRES

Axéréal, 3ème four­nis­seur natio­nal de pesticides

Autre élé­ment inté­res­sant, Axéréal, la coopé­ra­tive his­to­ri­que­ment beau­ce­ronne, qui rayonne sur une grande région du sud de Paris au nord de l’Auvergne et qui,  en 2014, a regrou­pé ses sièges de Bourges et Châteaudun en un lieu unique à Olivet, est le 3ème ven­deur hexa­go­nal de pro­duits phy­to­sa­ni­taires avec 1 542,59 tonnes en 2017.

Ces ‘’per­for­mances’’ ne sont pas éton­nantes quand on sait que le syn­di­ca­lisme agri­cole majo­ri­taire (FNSEA et sa branche Jeunes Agriculteurs) se bat bec et ongles pour le gly­pho­sate au nom de la com­pé­ti­ti­vi­té mon­diale dénon­çant les mili­tants de l’environnement et de la san­té accu­sés d’agri-bashing . Ainsi, en sep­tembre 2017, la FDSEA28 et les JA28 lan­çaient une opé­ra­tion  Hulot, laisse-nous le gly­pho en pei­gnant  sur les routes et ouvrages d’art de tout le dépar­te­ment le slo­gan (voir pho­tos) : Pas d’agri sans gly­pho.

E&L Bailleau-le-Pin 23-09-2017 FDSEA28 JA28 Pas d'agri sans glypho 1

Entrée de Bailleau-le-Pin, Pas d’a­gri sans gly­pho (23–09-2017)

Les dépu­tés de droite d’Eure-&-Loir à la rescousse

Lors de l’AG 2019 des Jeunes Agriculteurs d’Eure-et-Loir, son pré­sident, Rémi Rousseau, se van­tait d’avoir retar­dé l’interdiction du gly­pho­sate de 3 ans et féli­ci­tait les dépu­tés Marleix (LR) et Vigier (Libertés et Territoires) d’avoir voté contre la hausse de la rede­vance pour pol­lu­tion dif­fuse (3). Quant à La Raudière (Agir-Les Constructifs), elle a, lors de ses vœux 2019 à Courville, affir­mé « Il n’y a pas de traces de gly­pho­sate dans nos cultures. Nous avons la sécu­ri­té ali­men­taire la plus sûre au monde. » (4)

E&L Bailleau-le-Pin 23-09-2017 FDSEA28 JA28 Pas d'agri sans glypho 2

Entrée de Bailleau-le-Pin, signé FDSEA28 JA28 (23–09-2017)

Pourtant, un exemple par­mi d’autres, le pré­sident de l’Association des rive­rains pro­prié­taires de mou­lins d’E&L, Jacky Pigeard consta­tait, amer : « Les pol­lu­tions [des rivières] d’origines agri­coles ne s’atténuent pas. Entre 2009 et 2015, l’épandage a encore aug­men­té […]  Selon la com­mis­sion euro­péenne le gly­pho­sate n’est pas can­cé­ro­gène, donc il n’y a pas d’espoir d’amélioration à court terme. C’est bien dom­mage, il en va de la san­té des agri­cul­teurs et de la nôtre. » (5)

Ce triste constat doit nous inci­ter à nous battre pour la réduc­tion des pes­ti­cides en agri­cul­ture et l’interdiction du gly­pho­sate, notam­ment à l’occasion des ras­sem­ble­ments ini­tiés par le mou­ve­ment Nous vou­lons des coque­li­cots.

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  1. Pendant l’été, Médiapart pro­pose un abon­ne­ment de décou­verte de 1 € pour 3mois.
  2. Un employé du minis­tère de la tran­si­tion éco­lo­gique fait cepen­dant remar­quer qu’il peut y avoir un « effet de stock […] Des agri­cul­teurs ont com­men­cé à sto­cker du gly­pho­sate par pré­cau­tion [en vue de sa future inter­dic­tion – ndlr]. Ils achètent beau­coup plus de pro­duits qu’ils n’en consomment. »
  3. L’Écho répu­bli­cain du 21-01-2019 p. 4.
  4. L’Écho répu­bli­cain du 27-01-2019 p. 8.
  5. L’Écho répu­bli­cain du 04-04-2017 p. 21.