Carte scolaire / Retraites :
Action FSU devant la DSDEN
Vendredi 24 janvier, par un froid piquant, plus de 80 enseignant·e·s en colère se sont retrouvé·e·s devant l’Inspection Académique (DSDEN)1, place de la République à Chartres. Des délégations sont venues des écoles, collèges et lycées de la région chartraine mais aussi de Maintenon, d’Epernon, de Nogent-le-Rotrou, de plusieurs Centres d’information et d’orientation (CIO). Au programme : faire du bruit pour faire connaître les multiples motifs de mécontentement des personnels enseignants, la colère grandissante.
Des bidons et une coupe
Du bruit, il y en eut : deux énormes bidons frappés avec force et les sifflets qui les ont accompagnés ont certainement été audibles dans toute la cité administrative, en particulier dans les étages de la Direction de l’Éducation nationale. Quatre tables et leurs chaises symbolisaient une classe. Sur une table trônait une sorte de seau transformé en coupe grâce à la magie d’un papier alu orné d’un ruban… aux couleurs de l’organisation syndicale. C’est dans cette coupe que vont être jetés les témoignages ou cris de colère des enseignants invités à rédiger le message de leur choix destiné à la direction de l’Éducation Nationale, au Président de la République ou à son ministre Blanquer.
Des délégations revendicatives
Parmi les professeurs grévistes, Marine, du Lycée Jehan-de-Beauce à Chartres et un professeur de Rémi-Belleau à Nogent-le-Rotrou font le constat que la réforme Blanquer, en faisant disparaître les anciennes séries, remplacées par le choix de spécialités par les élèves, permet de réduire le nombre des classes. C’est ce qui va se produire pour les classes de la filière technologique à la rentrée prochaine à Nogent-le-Rotrou. Le lycée gagnera une cinquantaine d’élèves au total, mais il est prévu une classe de moins dans cette filière. Le sort des Sciences économiques et sociales inquiète Marine qui voit disparaître les groupes dont l’effectif parfois acceptable permettait de faire progresser tous les élèves. Ce qu’elle considère comme étant la mission des enseignants.
Des professeurs des Écoles sont venus de l’école Charles-Péguy, de Maintenon. Ils sont menacés de perdre un enseignant sur huit alors que ce poste supplémentaire permet de mettre en œuvre leur projet pédagogique depuis 2013. De plus leur école n’est pas rattachée à un collège en REP1donc n’a pas droit au dédoublement des CP. « C’est la double peine » dit le directeur qui considère que le public de cette école a des similitudes avec le public en difficulté. Une logique économique et non pédagogique. Pour cette journée de mobilisation sur l’École et les retraites, Charles-Péguy est en grève à 100%.
Les prises de parole des responsables syndicaux de la FSU (SNUipp pour le primaire et les maternelles, SNES pour le second degré, SNEP pour l’Éducation physique, une responsable des Conseillers d’orientation) ont permis d’aborder les différents niveaux d’enseignements et les nombreuses raisons de la colère.
Après une salve tonitruante de batucada, Pierre Licout de la FSU28 prend la parole : « On est là pour faire du bruit parce qu’on est extrêmement mécontents et en colère. » Il enchaîne : « Le Ministre Blanquer est dans un déni complet de la réalité en annonçant hier… que les problèmes lors des épreuves anticipées du Baccalauréat sont le fait d’une minorité ». Christelle du Lycée Jehan-de-Beauce parle de désarroi des professeurs et de colère, les moyens manquent pour appliquer cette réforme, les programmes sont « fous, inapplicables », les sujets ont été fournis tardivement, les temps de correction sont « délirants, inacceptables ». Deux après-midi sont banalisés, elle-même a 89 copies, soit 25 heures de travail, très mal payées.
Marie-Claude du SNES exprime des inquiétudes concernant « le démantèlement des services d’orientation et leur dépendance du chef d’établissement » ce qui, en parallèle, va développer « la marchandisation de l’orientation ». À la demande de la région et avec le soutien de la Rectrice, est mise en place une « expérimentation », que la syndicaliste critique, d’un seul CIO par département, les conseillers sont relogés dans des locaux du Lycée J‑de-Beauce, 150m2 en moins. Les heures d’ouverture sont réduites du fait des périodes de vacances et des horaires du lycée, ne permettant plus de recevoir des personnes non scolarisées, ce qui était pourtant une mission des CIO.
Des hausses d’effectifs par classes
Ensuite est évoquée la préparation de la rentrée 2020 dans le second degré par Julien Jaffré, secrétaire départemental du SNES. En termes de postes il est prévu une hausse des effectifs par classe à 25 en Éducation prioritaire et à 30 dans les autres classes. Ce qui ne facilite pas le droit à une éducation de qualité, notamment pour les enfants de familles défavorisées. L’inverse de ce que les enseignants attendent.
Le premier degré : « Avant d’ouvrir une seule classe, il faudra en fermer 14 »
Céline Prier du SNUipp annonce que, pour le premier degré, il faudra attendre après les élections municipales pour connaître les projets détaillés de la DSDEN, mais on sait déjà que 13 postes seront supprimés. « En clair, cela veut dire qu’avant d’ouvrir une seule classe, il faut en fermer 14 ». En école maternelle, les conditions d’effectifs vont rester chargés l’an prochain, jusqu’à 30 élèves. Elle n’annonce pas davantage de remplaçants, « quand un collègue n’est pas remplacé », c’est l’ensemble des classes qui est « en péril ».
Formation continue en danger
Elle insiste sur les besoins énormes en matière de formation continue : « le Ministère de l’EN en charge de l’éducation des jeunes de ce pays n’assure pas le minimum de formation continue à ses enseignants et en particulier à ceux du 1er degré » et elle s’adresse au ministre Blanquer : « On n’est pas des répétiteurs, non Mr Blanquer. On a besoin pour concevoir nos enseignements de temps et de formation ». Applaudissements de l’assistance. Puis elle évoque la fonction de Directeur-trice d’école, et les tâches qui ne servent à rien : « Il faut du temps pour tous, le Conseil des maîtres et le directeur qui en fait partie, davantage de moyens humains ». Ces propos bien accueillis font écho sans le dire au suicide d’enseignant·e·s y compris dans les écoles primaires.
Retraites à points : projet qui cumule mensonges et mépris
Olivier du SNUipp, au sujet de la réforme des retraites, accuse le gouvernement de mentir sur au moins dix points. Il en présente trois et conclut : « Nous avons bien affaire à la République des bobards ». Son analyse en 10 points est placée dans la coupe.
Christian, le responsable du syndicat SNEP des professeurs d’Éducation physique, choisit lui aussi de parler du projet de réforme des retraites, autre préoccupation des enseignants. Il s’élève contre l’allongement de la durée d’activité en mimant le professeur âgé équipé d’une béquille. Il envisage le manque de postes pour des jeunes si la génération précédente reste dans les établissements. Il se demande, tout en gardant le sourire, dans quel état physique il sera à 67 ans.
La coupe remplie des doléances et des remarques acerbes des enseignants présents sera donnée à l’Inspectrice d’Académie lors de l’audience à laquelle devait se rendre la FSU28 à 16h.
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- Direction départementale des services de l’Éducation nationale, ex-Inspection académique.
- Réseau d’éducation prioritaire.