Orléans : Les étudiants africains ayant fui l’Ukraine sont délaissés
Nous reproduisons des extraits d’un article de l’Humanité intitulé “Comme si la France ne voulait pas de nous” : à Orléans, le sort des étudiants africains ayant fui l’Ukraine. Vous pouvez retrouver l’intégralité de cet article sur le site du journal qui est en accès libre jusqu’au dimanche 1er mai 2022 à minuit.
« Comme si la France ne voulait pas de nous » :
à Orléans, le sort des étudiants africains ayant fui l’Ukraine
Mardi 26 Avril 2022, par Mourad Guichard.
Pour répondre à l’élan de fraternité national, la ville d’Orléans ne s’est pas fait prier, […] , des sommes importantes débloquées en conseil municipal […] par Serge Grouard, le maire LR de la ville.
Sur le campus, la vingtaine d’étudiantes ukrainiennes qui bénéficient, depuis lundi, de cours de français langue étrangère ne peuvent que confirmer cette incroyable générosité et s’en féliciter. Elles qui ont obtenu la protection temporaire libérant des aides financières, le potentiel accès aux repas à 1 euro, l’inscription à l’université, la possibilité de faire une demande de logement étudiant… […]
« La seule solution de régularisation, c’est le retour au pays »
Mais tous les étudiants ayant fui la guerre et les bombardements en Ukraine ne bénéficient pas d’une telle attention. Pas ceux dont l’origine et la couleur de peau ne correspondent pas aux critères visiblement retenus. En l’occurrence, une dizaine d’étudiants originaires du Congo. Eux sont considérés comme des victimes de guerre de seconde zone et n’ont reçu qu’un titre de séjour d’un mois à leur arrivée. […]
« Depuis plusieurs semaines, nous recevons de nombreuses demandes d’inscription provenant de la France entière. Mais la préfecture du Loiret est ferme, pour ne pas dire fermée. La seule solution de régularisation, c’est paradoxalement le retour au pays », déplore un agent de l’université, dépité. […]
« Par instinct de survie »
Pour Deyve (1), 31 ans, étudiant en médecine, le chemin a pourtant été long pour gagner Paris, puis Orléans. […] Quand la guerre éclate, le 24 février, il décide de rester. Mais très vite, les choses empirent. « Les bombes ont commencé à tomber. Par instinct de survie, j’ai quitté le pays à pied et marché des kilomètres. » Sur son parcours, il voit les taxis et les trains réservés en priorité « aux Blancs » et facturés 300 euros le trajet vers la Pologne. « Arrivé à la frontière, on m’a demandé de faire demi-tour au motif que j’avais perdu mon passeport durant le périple. Mais j’ai réussi à franchir la frontière en déposant mes empreintes », dit-il. Après avoir été placé dans un campement, il est orienté vers Paris du fait de sa culture francophone. […]
Nana (1), une étudiante en médecine de 26 ans, vit elle aussi très mal cette séquence.[…] [Elle] ne vit que par l’aide familiale et souhaite naturellement poursuivre ses études sur le sol français. « J’ai l’impression que la France ne veut pas de nous. À la préfecture, on nous laisse entendre que nous serions ici pour profiter de la situation, c’est traumatisant. » […]
« Pas pour des gens comme nous »
À Orléans, la plupart des étudiants africains ayant fui l’Ukraine sont logés par une association dans un foyer situé au milieu de nulle part, sans connexion Internet. Ils disent n’avoir aucun accompagnement social et bénéficient tout juste de plateaux-repas. « Je suis allé chercher une carte SIM offerte par un opérateur aux déplacés ukrainiens, mais on m’a clairement dit que ça n’était pas pour des gens comme nous », explique l’un d’eux. Au-delà du 30 avril, date d’expiration de leur titre de séjour, ils ne savent pas s’ils pourront rester ou s’ils devront partir. « Mais pour aller où ? » s’inquiète Nana.
Contactée par l’Humanité, la préfecture campe sur ses positions, s’appuyant sur le texte réglementaire qui exclut théoriquement les étudiants étrangers des dispositifs de protection temporaire. La gouvernance de l’université d’Orléans est, elle, aux abonnés absents.
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(1) Les prénoms ont été modifiés.