Agriculture en région : Enjeux de la méthanisation

Les uni­tés de métha­ni­sa­tion s’im­plantent dans les cam­pagnes de la région Centre-Val de Loire et, en Eure-et-Loir, 21 pro­jets sont en cours et deux fonc­tionnent déjà à Varize et à Marboué. La Confédération pay­sanne a fait le point des avan­tages et des incon­vé­nients lors d’une confé­rence à Châteaudun le 12 mai.

 

Gille Menou, Laurent Choplin et Thierry Ameslant

Le pre­mier inter­ve­nant, Thierry Ameslant, pay­san pen­dant 27 ans à la retraite, dans l’Orne, expert en métha­ni­sa­tion, s’in­té­resse aux ques­tions des éner­gies renou­ve­lables et éga­le­ment à l’acceptabilité de l’éo­lien, il fait l’his­to­rique de la métha­ni­sa­tion dans l’Orne.

 

En 2013, Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, lance le plan éner­gé­tique « auto­no­mie métha­ni­sa­tion azote ».

 

L’objectif  est de mieux gérer l’a­zote issue des effluents d’é­le­vage et de pas­ser de 90 uni­tés métha­ni­sa­tion à 1000 en 2020, à l’é­poque on par­lait sur­tout de cogé­né­ra­tion (pro­duc­tion de gaz et/ou d’électricité)

 

La métha­ni­sa­tion uti­lise un pro­ces­sus de dégra­da­tion de la matière orga­nique (fumiers, lisier, maïs, déchets agroa­li­men­taires…) par un ensemble de bac­té­ries en milieu sans oxy­gène qui entraîne la pro­duc­tion de gaz. Dans l’Orne ça fonc­tionne depuis 10 ans. La pre­mière région de France où la métha­ni­sa­tion est la plus déve­lop­pée est le Grand Est, la Normandie vient en deuxième posi­tion et la Bretagne en troisième

 

En des­sous de 30 tonnes d’in­trants jour­na­liers, une enquête publique n’est pas néces­saire

 

Développant le concept du « quoi qu’il en coûte », en juillet 2016 le pro­jet PPE1 va encore for­te­ment déve­lop­per cette indus­trie, encou­ra­gée par l’ADEME1 par laquelle vont pas­ser les finan­ce­ments à l’in­ves­tis­se­ment. Région, chambre d’a­gri­cul­ture, centres de ges­tions encou­ragent le déve­lop­pe­ment de la métha­ni­sa­tion avec ce mot d’ordre, « puisque les agri­cul­teurs ne vivent pas de leurs pro­duc­tions agri­coles, on va pro­duire de l’éner­gie [sub­ven­tion­née] » !

 

Il nous explique les dif­fé­rents élé­ments finan­ciers et la régle­men­ta­tion ICPE3 pour créer des ins­tal­la­tions qui se classent en trois caté­go­ries sui­vant le ton­nage d’in­trants jour­na­liers : Pour un ton­nage infé­rieur à 30 tonnes, seule une décla­ra­tion est néces­saire ; entre 30 et 100 tonnes l’installation doit être enre­gis­trée et, au des­sus de 100 tonnes, elle est sou­mise à enquête publique. Des pro­blèmes appa­raissent lorsque les métha­ni­seurs se trouvent à proxi­mi­té des habi­ta­tions en rai­son des odeurs et des nui­sances. Dans ce cas les com­munes sont mises devant le fait accom­pli en ce qui concerne les deux pre­mières caté­go­ries.

L’intervenant sou­lève les ques­tions concernant :

  • le plan d’épandage des diges­tats non réglementé,
  • la manière d’a­che­mi­ner le gaz au niveau des popu­la­tions (maillage par cana­li­sa­tions inexistant),
  • la pro­duc­tion crois­sante de méthane entraî­nant la mul­ti­pli­ca­tion des trans­ports rou­tiers (apport des intrants, livrai­son des diges­tats pour épan­dage, trans­port du gaz).
  • la mul­ti­pli­ca­tion des trans­ports par camion qui induit le concept d’ins­tal­la­tion de rebours.

Il sou­ligne la néces­si­té de créer une com­mis­sion de régu­la­tion de l’éner­gie dans laquelle inter­vien­draient dif­fé­rents acteurs.

Le deuxième inter­ve­nant, Laurent Choplin, concep­teur d’ins­tal­la­tions de métha­ni­sa­tion, à la genèse, vou­lait déve­lop­per des solu­tions pour résor­ber les odeurs de fumiers et de lisiers dans les fermes pra­ti­quant l’élevage.

Il retrace l’his­to­rique de ses recherches démar­rées en 1992 grâce à la confé­rence de Rio de Janeiro, le som­met de la terre consa­cré aux éner­gies renouvelables.

Contrairement à la forme indus­trielle du pro­ces­sus de métha­ni­sa­tion qui se répand par­tout en France, Laurent Choplin prône l’u­ti­li­sa­tion d’un métha­ni­seur adap­té aux dimen­sions de la ferme, à la quan­ti­té, à la nature des intrants dis­po­nibles (effluents et cultures inter­mé­diaires ou dédiées en appoint).

 

Une métha­ni­sa­tion accep­table et durable doit res­pec­ter cer­taines condi­tions

 

Cette solu­tion doit contri­buer à appor­ter un bilan éner­gé­tique posi­tif pour le pay­san et le mode agri­cole. Une métha­ni­sa­tion accep­table et durable doit res­pec­ter cer­taines condi­tions de fonc­tion­ne­ment et don­ner une excel­lente image de l’a­gri­cul­ture en tran­si­tion. Nous avons pu décou­vrir une nou­velle fois l’u­sur­pa­tion du terme « bio » : le gaz, les diges­tats ne seront bio que si l’on intro­duit dans le métha­ni­seur des matières non trai­tées, (ni pes­ti­cides ni déjec­tions d’a­ni­maux soi­gnés aux antibiotiques).

Sous jacentes — vu que l’Eure-et-Loir compte très peu d’é­le­vage — émer­geaient dans le débat trop court, les ques­tions rela­tives aux cultures « dédiées » pour ali­men­ter le métha­ni­seur détournant l’agriculteur de sa fonction.

Nous avons eu un expo­sé très détaillé démon­trant beau­coup d’al­ter­na­tives pos­sibles, fon­dées sur l’expérience et l’ex­per­tise. Mais cer­tains par­ti­ci­pants dont Gilles Menou, pré­sident de la Confédération Paysanne et ani­ma­teur de la confé­rence, ont vive­ment regret­té le temps limi­té réser­vé au débat.

Les tech­niques sont per­for­mantes ; ce sont les modèles éco­no­miques et l’é­chelle de valeurs qui ne le sont pas !

La nature du débat se situe dans l’op­po­si­tion entre deux types d’a­gri­cul­ture, l’une res­pec­tueuse de l’environnement pro­dui­sant une saine ali­men­ta­tion et l’autre, agro-indus­trielle, productiviste.

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  1. Programmation plu­ri­an­nuelle de l’énergie.
  2. Agence de l’en­vi­ron­ne­ment et de la maî­trise de l’énergie.
  3. Installation clas­sée pro­tec­tion environnement.