Inégalité patrimoniale : Succès de la première conférence de la Collective féministe du Perche
La première conférence-débat organisée par la Collective féministe du Perche, en genèse depuis 2020 et devenue association en mars dernier, a connu un franc succès. C’est près de 80 personnes qui se sont retrouvées à Préaux-du-Perche, le 3 décembre, pour écouter Sibylle Gollac, sociologue au CNRS, co-rédactrice de Le Genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, paru aux éditions La Découverte en 2020.
La réunion était divisée en deux temps. D’abord des questions posées par Line Morelli et Marie-Sophie Richard de la Collective, puis des questions et des témoignages venus des auditrices, très nombreuses dans la salle, et des auditeurs.
Il est hors de question de retranscrire ici la richesse des informations et des analyses transmises par Sibylle Gollac au cours de cette soirée. Bornons-nous à rapporter un aspect du mécanisme des inégalités patrimoniales, ce qu’elle appelle, avec sa co-autrice Céline Bessière, la comptabilité inversée.
La comptabilité inversée
Elle explique en substance : Un acte notarié, au moment d’une succession ou d’une séparation, c’est une liste de biens avec en face de chaque bien une valeur en euros ; puis des additions pour avoir le total du patrimoine, une division pour avoir la valeur de la part qui revient à chacun·e puis une répartition des biens conforme à cette valeur. Comme on ne peut pas diviser tous les biens en parts égales, il y a des compensations : « si je garde l’appartement et toi la voiture, comme l’appartement vaut plus, je dois te payer un certain montant pour équilibrer ». Logiquement, ce montant résulte des calculs précédents. Mais en pratique, ça se passe dans l’autre sens : la distribution est première, on décide qui aura quoi, et ensuite on voit comment mettre des prix et faire le calcul pour arriver à une compensation que celui qui doit payer peut payer.
Les évaluations des biens qu’on observe, ce n’est pas le prix du marché, qui théoriquement ne dépend pas des liens entre les co-contractant∙e·s. Mais ce ne sont pas non plus des valeurs purement sentimentales, c’est le résultat de rapports de pouvoir. Les enjeux affectifs et économiques des relations familiales qui se jouent là sont étroitement liés. L’évaluation des biens dépend des liens dans la famille, des rapports de domination qui s’y jouent. Le notaire aide à construire ces évaluations pour rédiger des actes qui légitiment la distribution de biens, en jouant sur plusieurs définitions possibles de la valeur (prix de marché, coût de construction, rentabilité, etc.). Ce qu’on montre dans le livre c’est que ces comptabilités inversées sont le mécanisme qui permet, discrètement et en toute légalité, de favoriser les hommes aux dépens des femmes, tant en matière d’héritage que de divorce.
Les hommes sont favorisés lors d’un héritage ou d’un divorce
Un moment émouvant a été lorsqu’une femme a pris la parole pour dire que la lecture du livre lui avait permis de comprendre la discrimination dont elle avait été victime et de trouver la force d’écrire à ses frères, lettre qu’elle a lue à haute voix.
Après cette conférence, une ‘’troisième mi-temps’’, a permis de collecter des finances de soutien pour l’association qui vient en aide aux femmes du Perche victimes de violences, soit par la cagnotte, soit par les consommations au bar. Des publications féministes étaient disponibles ainsi que le livre objet de la réunion.