Inégalité patrimoniale : Succès de la première conférence de la Collective féministe du Perche

La pre­mière confé­rence-débat orga­ni­sée par la Collective fémi­niste du Perche, en genèse depuis 2020 et deve­nue asso­cia­tion en mars der­nier, a connu un franc suc­cès. C’est près de 80 per­sonnes qui se sont retrou­vées à Préaux-du-Perche, le 3 décembre, pour écou­ter Sibylle Gollac, socio­logue au CNRS, co-rédac­trice de Le Genre du capi­tal. Comment la famille repro­duit les inéga­li­tés, paru aux édi­tions La Découverte en 2020.

Le Genre du capital [couverture du livre]La réunion était divi­sée en deux temps. D’abord des ques­tions posées par Line Morelli et Marie-Sophie Richard de la Collective, puis des ques­tions et des témoi­gnages venus des audi­trices, très nom­breuses dans la salle, et des auditeurs.

Il est hors de ques­tion de retrans­crire ici la richesse  des infor­ma­tions et des ana­lyses trans­mises par Sibylle Gollac au cours de cette soi­rée. Bornons-nous à rap­por­ter un aspect  du méca­nisme des inéga­li­tés patri­mo­niales, ce qu’elle appelle, avec sa co-autrice Céline Bessière, la comp­ta­bi­li­té inver­sée.

La comp­ta­bi­li­té inversée

Préaux 02-02-2022 Collective-féministe-du-Perche Gollac Genre-du-capital

Sibylle Gollac et Line Morelli

Elle explique en sub­stance : Un acte nota­rié, au moment d’une suc­ces­sion ou d’une sépa­ra­tion, c’est une liste de biens avec en face de chaque bien une valeur en euros ; puis des addi­tions pour avoir le total du patri­moine, une divi­sion pour avoir la valeur de la part qui revient à chacun·e puis une répar­ti­tion des biens conforme à cette valeur. Comme on ne peut pas divi­ser tous les biens en parts égales, il y a des com­pen­sa­tions : « si je garde l’appartement et toi la voi­ture, comme l’appartement vaut plus, je dois te payer un cer­tain mon­tant pour équi­li­brer ». Logiquement, ce mon­tant résulte des cal­culs pré­cé­dents. Mais en pra­tique, ça se passe dans l’autre sens : la dis­tri­bu­tion est pre­mière, on décide qui aura quoi, et ensuite on voit com­ment mettre des prix et faire le cal­cul pour arri­ver à une com­pen­sa­tion que celui qui doit payer peut payer.

Préaux 02-02-2022 Collective-féministe-du-Perche Gollac Genre-du-capital

Une audi­trice prend la parole

Les éva­lua­tions des biens qu’on observe, ce n’est pas le prix du mar­ché, qui théo­ri­que­ment ne dépend pas des liens entre les co-contractant∙e·s. Mais ce ne sont pas non plus des valeurs pure­ment sen­ti­men­tales, c’est le résul­tat de rap­ports de pou­voir. Les enjeux affec­tifs et éco­no­miques des rela­tions fami­liales qui se jouent là sont étroi­te­ment liés. L’évaluation des biens dépend des liens dans la famille, des rap­ports de domi­na­tion qui s’y jouent. Le notaire aide à construire ces éva­lua­tions pour rédi­ger des actes qui légi­ti­ment la dis­tri­bu­tion de biens, en jouant sur plu­sieurs défi­ni­tions pos­sibles de la valeur (prix de mar­ché, coût de construc­tion, ren­ta­bi­li­té, etc.). Ce qu’on montre dans le livre c’est que ces comp­ta­bi­li­tés inver­sées sont le méca­nisme qui per­met, dis­crè­te­ment et en toute léga­li­té, de favo­ri­ser les hommes aux dépens des femmes, tant en matière d’héritage que de divorce.

Les hommes sont favo­ri­sés lors d’un héri­tage ou d’un divorce

Préaux 02-02-2022 Collective-féministe-du-Perche Gollac Genre-du-capital

Marie-Sophie Richard, Sibylle Gollac et Line Morelli

Un moment émou­vant a été lorsqu’une femme a pris la parole pour dire que la lec­ture du livre lui avait per­mis de com­prendre la dis­cri­mi­na­tion dont elle avait été vic­time et de trou­ver la force d’écrire à ses frères, lettre qu’elle a lue à haute voix.

Après cette confé­rence, une ‘’troi­sième mi-temps’’, a per­mis de col­lec­ter  des finances de sou­tien pour l’association qui vient en aide  aux femmes du Perche vic­times de vio­lences, soit par la cagnotte, soit par les consom­ma­tions au bar. Des publi­ca­tions fémi­nistes étaient dis­po­nibles ain­si que le livre objet de la réunion.