”L’Établi” : La question du travail et celle de l’engagement au cœur du film
Le réalisateur Mathias Gokalp était présent à la projection de son film initiée par Ciné-Clap aux Enfants du Paradis à Chartres, le 3 mai. Comme Dominique Beaufort l’a indiqué en introduction, ce cinéaste n’est pas un inconnu à Chartres puisqu’il y a tourné son premier long métrage, Rien de personnel, en 2009.
Adaptation du récit de Robert Linhart
Basé sur le livre-témoignage L’Établi de Robert Linhart qui relate l’expérience d’un intellectuel (professeur de philosophie) maoïste qui se fait engager, après Mai 1968, dans une usine Citroën pour aider à faire advenir la Révolution. Il est alors confronté à la brutalité des méthodes patronales, à la réalité concrète de la condition ouvrière et à la difficulté d’organiser une grève.
Très marqué par ce livre, Mathias Gokalp pensait qu’il ‘’n’était pas adaptable’’. Ce sont ses producteurs qui l’ont convaincu. La question qui s’est posée pour l’adaptation fut le choix de l’époque, transposition aujourd’hui ou pas ? ‘’Trop de choses ont changé’’ donc le choix a été fait de conserver la date réelle mais, à l’écriture et au tournage, ‘’le rapport à la société d’aujourd’hui est devenu un des enjeux importants’’.
Beaucoup perdent leur vie à la gagner
Après la projection, au cours de l’échange avec la salle, le cinéaste a précisé son intention en réalisant ce film : ‘’Notre société donne une place centrale au travail […] on vit dans des sociétés de plus en plus productivistes, on a besoin de moins en moins de gens pour produire des choses. Le chômage va devenir de plus en plus massif et pourtant, il est culpabilisé. […] Beaucoup perdent leur vie à la gagner […] j’essaie de le dire d’une manière documentée et fictionnelle.’’
Pendant les quatre ans d’écriture du film, Mathias Gokalp et ses deux scénaristes ont rencontré plusieurs fois Robert Linhart pour se renseigner et se documenter. Ce dernier, devant la nécessité, pour une fiction, d’inventer a simplement affirmé ‘’Il faut respecter l’esprit mais pas la lettre’’.
Des intentions de départ justes
Le réalisateur déclare que ‘’ le film n’est pas une analyse’’ et assume son projet : ‘’J’ai essayé de dire les choses les plus importantes sans reprendre la phraséologie maoïste de l’époque […] j’ai essayé de retirer un peu une couche de discours parce qu’elle est assez problématique : elle a occasionné une forme de discrédit du mouvement alors que pour moi leurs intentions de départ étaient très justes.’’
Le prix de l’engagement
‘’Pendant longtemps les établis n’ont pas parlé, selon moi, par une forme de gêne en raison de l’ambigüité de la position et qu’ils ne l’ont probablement pas résolue et en raison aussi du folklore maoïste un peu sectaire dans le quel ils ont pu donner dans leur jeunesse et qui, avec l’âge, leur apparaît désuet voire un peu ridicule. Après, peut venir un sentiment d’échec… en 2023, vous ne pouvez pas dire que la Révolution a eu lieu.’’ Pour autant, si ‘’dans les années 1968, une partie des maoïstes ont retourné leur veste […] beaucoup d’établis sont restés toute leur vie dans les luttes sociales.’’
Concernant la répression chez Citroën, le metteur en scène affirme ‘’le texte est beaucoup plus sévère que le film sur la question des contremaîtres, mais, pour moi, mon sujet c’était le temps que les ouvriers passent à la chaîne et la question du prix de l’engagement.’’
À nouveau programmé aux Enfants du Paradis à Chartres dans la semaine du 17 au 21 mai :
Réservations : https://enfantsparadis.cineparadis.fr/FR/fiche-film-cinema/MYLF05/l‑etabli.html