Place de l’arbre à Chartres : Six conseillers municipaux écrivent à J.-P. Gorges

Cactus Press a publié une lettre adres­sée par les six conseillers muni­ci­paux d’op­po­si­tion au maire de Chartres, Jean-Pierre Gorges, sur ses décla­ra­tions cli­ma­tos­cep­tiques et sa poli­tique de l’arbre en ville. Nous la repro­dui­sons ici. Vous pou­vez la retrou­ver sur le site de Cactus Press ain­si qu’une autre lettre adres­sée à Georges Fetermen, pré­sident de l’as­so­cia­tion ARBRES.

 

Chartres Marronniers Chambre des métiers et de l'artisanat

Les trois mar­ron­niers de la Courtille

Monsieur le Maire,

Nous tenons, par ce cour­rier, à vous expri­mer, avec une pro­fonde convic­tion, la vive désap­pro­ba­tion et la révolte que nous éprou­vons face à vos décla­ra­tions lors du der­nier conseil muni­ci­pal de Chartres le 11 mai dernier.

Ainsi, après une inter­ven­tion de notre groupe vous pro­po­sant d’adopter une poli­tique pour le déve­lop­pe­ment et la pro­tec­tion de l’arbre en ville, comme l’ont fait de très nom­breuses villes de tous bords poli­tiques, vous expri­miez une oppo­si­tion de prin­cipe a l’intérêt d’une telle poli­tique, jus­ti­fiant ain­si votre désaccord :

« En 20 ans, 5% de l’espace consa­cré aux arbres s’est recons­ti­tué sur la terre (…) En 25 ans, il y a eu 2 mil­lions de km2 sup­plé­men­taires, l’équivalent de toute l’Amazonie. »

Et pour­tant, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la super­fi­cie mon­diale des forêts a dimi­nué d’environ 178 mil­lions d’hectares dans les 30 der­nières années, entre 1990 et 2020 (1). Quant à la forêt ama­zo­nienne, elle repré­sente entre 5 et 6 mil­lions d’hectares de forêt (2).

Lors de la séance du conseil muni­ci­pal du 11 mai der­nier, vous avez éga­le­ment vou­lu rap­pe­ler votre posi­tion concer­nant le réchauf­fe­ment climatique :

« Je ne suis pas cli­ma­tos­cep­tique, j’ai bien vu que la Terre avait des cycles (…) dire que tout ça est de la faute de l’Homme, c’est n’importe quoi, c’est dans un objec­tif de décrois­sance, c’est l’écologie puni­tive, vous vou­lez empê­cher les humains de vivre et de se déve­lop­per natu­rel­le­ment. » « Je ne dis pas que le cli­mat ne se modi­fie pas, mais l’impact de l’Homme n’est pas celui que vous dites, vous l’utilisez à des fins poli­tiques. » (3)

Cependant, selon le dic­tion­naire Larousse, “cli­ma­tos­cep­tique se dit d’une per­sonne qui nie ou mini­mise l’origine anthro­pique du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, voire le réchauf­fe­ment lui-même. » Les pro­pos, que vous per­sis­tez à tenir depuis trois ans (4), témoignent d’un déni pré­oc­cu­pant de la réa­li­té scien­ti­fique du réchauf­fe­ment climatique.

Votre refus d’ad­mettre l’im­pact de l’ac­ti­vi­té humaine sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique du der­nier siècle n’est pas seule­ment en désac­cord fla­grant avec les conclu­sions de la com­mu­nau­té scien­ti­fique inter­na­tio­nale, mais consti­tue éga­le­ment une véri­table tra­hi­son de notre res­pon­sa­bi­li­té envers notre ville, nos conci­toyens et notre pla­nète. Il est décon­cer­tant de consta­ter que l’en­semble des élus de la majo­ri­té sou­tient une posi­tion aus­si erro­née et dangereuse.

Dans son der­nier rap­port, le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) a conclu sans équi­voque que l’ac­ti­vi­té humaine est le prin­ci­pal fac­teur du réchauf­fe­ment cli­ma­tique actuel. Nous vous encou­ra­geons vive­ment à lire ce rap­port, que vous sem­blez mécon­naitre, et qui est le fruit d’une ana­lyse rigou­reuse de mil­liers d’é­tudes scien­ti­fiques. Il n’y a pas de place pour le doute ou le déni dans ces conclu­sions (5) (6).

Permettez-nous de vous rap­pe­ler que le GIEC est une orga­ni­sa­tion com­po­sée de mil­liers de scien­ti­fiques du monde entier, recon­nus dans leurs domaines res­pec­tifs. Ils consacrent leur car­rière à l’é­tude et à la com­pré­hen­sion du cli­mat, et leurs conclu­sions ne sont ni par­ti­sanes, ni orien­tées. Le GIEC est une réfé­rence mon­diale incon­tes­tée et ses tra­vaux consti­tuent la base sur laquelle reposent les poli­tiques cli­ma­tiques internationales.

Nous tenons éga­le­ment à expri­mer notre conster­na­tion face à votre poli­tique d’ur­ba­ni­sa­tion et d’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion des sols à Chartres et dans l’agglomération. Les arbres en milieu urbain ne se résument pas à de simples élé­ments déco­ra­tifs comme vous le dites régu­liè­re­ment. Ils revêtent un rôle vital dans l’at­té­nua­tion du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, la puri­fi­ca­tion de l’air, la pré­ser­va­tion de la bio­di­ver­si­té et l’a­mé­lio­ra­tion du bien-être humain. L’artificialisation des sols accen­tue les effets néfastes du réchauf­fe­ment climatique.

Monsieur le Maire, en tant qu’é­lus, notre res­pon­sa­bi­li­té est d’a­gir sur la base de preuves scien­ti­fiques solides et de pro­té­ger notre patri­moine natu­rel. Il est temps de recon­si­dé­rer vos posi­tions et d’a­dop­ter une approche qui tienne compte des défis envi­ron­ne­men­taux aux­quels nous sommes confron­tés. Chaque minute compte pour adap­ter notre ter­ri­toire afin d’atténuer les effets des chan­ge­ments climatiques.

Nous vous prions d’a­gréer, Monsieur le Maire, l’ex­pres­sion de notre haute considération.

 

Le 17 juin 2023

 

M. Quentin GUILLEMAIN, Mme Brigitte COTTEREAU, M. Olivier MAUPU, conseillers muni­ci­paux Chartres Écologie, M. Jean-François BRIDET, conseiller muni­ci­pal Chartres Écologie, vice-Président de la Région Centre-Val-de-Loire en charge du Vivant. M. Boris PROVOST,
Mme Jacqueline MARRE, conseillers muni­ci­paux Chartres à Gauche.

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1. https://www.fao.org/forest-resources-assessment/2020/fr/
2. https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/amazonie-ecosysteme-evolution-permanente/
3. Extrait conseil muni­ci­pal de Chartres – 2’45’00 – 11 mai 2023 – dis­po­nible sur chartres.fr
4. https://www.youtube.com/watch?v=yvnrcpi_Zt0 – Extrait conseil muni­ci­pal de Chartres — mars 2021
5. https://lejournal.cnrs.fr/articles/lorigine-humaine-du-rechauffement-fait-officiellement-consensus-depuis-au-moins-15-ans
6. https://report.ipcc.ch/ar6syr/pdf/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf