Ukraine : La guerre va durer, la solidarité aussi

Les pluies d’automne vont com­men­cer, avec elles la ras­pou­tit­sa comme on dit dans la région, quand la boue entrave les mou­ve­ments de troupes, avant que vienne l’hiver. Et donc l’abandon des grandes percées offen­sives qu’espéraient les troupes ukrai­niennes ? … Si jamais elles l’ont espéré un jour, car il est appa­ru très vite que la « contre-offen­sive » ukrai­nienne, annoncée offi­ciel­le­ment en juin 2023 n’était pas, ou ne pou­vait pas être, simi­laire aux mou­ve­ments de l’été 2022 à l’est du Kharkiv puis dans la région de Kherson. La guerre est aujourd’hui d’abord une guerre d’usure (d’« attri­tion », disent ceux qui veulent avoir l’air savant).

Cela signi­fie en tout cas, et on pou­vait mal­heu­reu­se­ment le prévoir, que la guerre va durer encore très long­temps. N’a‑t-elle pas com­mencé en 2014, puis après l’échec de la Blitzkrieg pou­ti­nienne visant à prendre Kyiv, elle a évolué vers un remake de 14–18 (et une peu de 39–45 avec les bom­bar­de­ments russes des villes de l’arrière…).

Dans cette confi­gu­ra­tion à qui pro­fite le temps ?

Poutine compte sur l’épuisement des Ukrainiens, et c’est vrai que la popu­la­tion ukrai­nienne est fatiguée, que le nombre de vic­times est élevé… pour­tant sa détermination reste intacte et per­sonne en Ukraine n’imagine renon­cer à la libération des ter­ri­toires occupés. Poutine compte sans doute bien plus sur la las­si­tude des Occidentaux, alors que ceux-ci conti­nuent, pour des rai­sons diverses, de contin­gen­ter ou limi­ter leurs livrai­sons d’armes. Il attend sur­tout beau­coup de la montée en puis­sance des forces popu­listes et d’extrême droite en Europe et aux États-Unis, de leurs succès lors des pro­chaines échéances électorales. Il compte aus­si sur l’appui matériel des Chinois et des Coréens du Nord, et pro­fite de la réticence de pays du Sud à suivre les injonc­tions arro­gantes des Occidentaux si prompts à défendre l’Ukraine agressé mais tout aus­si prompt à lais­ser tom­ber d’autres peuples agressés, voire à contri­buer à leur mettre la tête sous l’eau, par exemple en Palestine…

Mais le temps joue-t-il vrai­ment en faveur du dic­ta­teur russe ?

Les pertes dans l’armée sont considérables et le moral des troupes n’est pas au beau fixe. Si le Kremlin est par­ve­nu à atténuer l’effet des sanc­tions occi­den­tales et main­te­nir l’économie à flot (d’hydrocarbures), le pays s’appauvrit économiquement et plus encore intel­lec­tuel­le­ment. Le régime se dur­cit dans une fuite en avant tsa­riste-sta­li­no-fas­ciste, mais la répression ne fait pas disparaître les réseaux et groupes anti­guerre, et ne convainc pas des masses réticentes et sans enthousiasme.

Et la soli­da­ri­té avec l’Ukraine résistante ?

Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine logo

Logo du RESU

En tout cas, la soli­da­rité doit s’adapter au fait que nous sommes, mal­heu­reu­se­ment, embarqués dans une tragédie qui va durer long­temps. À l’échelle inter­na­tio­nale, européenne et française, le RESU (Réseau de sou­tien à l’Ukraine) a pour objec­tif de sou­te­nir la résistance du peuple ukrai­nien et les anti- guerre russes dans leur diver­sité, et comme spécificité d’aider tout particulièrement les mou­ve­ments pro­gres­sistes en Russie et au Bélarus, et bien sûr en Ukraine : syn­di­ca­listes, poli­tiques, féministes, écologistes, défenseurs des droits, etc. Cela d’autant plus qu’ils sont sou­mis à une répression constante et crois­sante en Russie et au Belarus. Dans le contexte Ukrainien, qui reste plus démocratique malgré l’état de guerre, ces mou­ve­ments doivent aus­si faire face aux effets délétères de poli­tiques néolibérales initiées par le gou­ver­ne­ment ukrai­nien ou imposées par les gou­ver­ne­ments ou les ins­tances occi­den­tales concer­nant les poli­tiques de santé, d’éducation, de droit du tra­vail, d’environnement…

Certains mou­ve­ments pro­gres­sistes européens ou inter­na­tio­naux ignorent tou­jours osten­si­ble­ment ces mou­ve­ments ukrai­niens d’une part, russes et biélorusses d’autre part, préférant se can­ton­ner, au nom du « paci­fisme » ou du « non-ali­gne­ment », au refus de la soli­da­rité et même sou­vent adop­ter une atti­tude compréhensive vis‑à-vis du dis­cours de l’État russe. Heureusement, même si c’est lent, les choses changent comme le montrent, par exemple, le vote d’une motion de soli­da­rité au der­nier congrès de la Centrale syn­di­cale bri­tan­nique TUC ou les mul­tiples ini­tia­tives ou prise de posi­tions locales, de syn­di­cats, d’associations, de collectivités, dans de nom­breux pays, et pas seule­ment en Europe, loin du regard des médias domi­nants, loin aus­si des mâles déclarations et des petits renon­ce­ments des gouvernants.

Bernard Dréano
Membre du col­lec­tif français du RESU, mili­tant du Centre d’études et d’initiatives de soli­da­rité inter­na­tio­nale CEDETIM et de l’Assemblée européenne des citoyens AEC.

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