Un article de ”Reporterre” sur l’A154

Chartres 07-10-2023 Rassemblement Non à l'A154

Chartres 07-10-2023, Rassemblement Non à l’A154

Au cœur de la vaste plaine de la Beauce, entre Dreux et Chartres (Eure-et-Loir), ondées et soleil se dis­putent le ciel en cette après-midi d’automne. C’est dans le vil­lage de Challet, dans le « gre­nier à blé de la France », qu’Amandine Dupuy a repris en 2017 la ferme de son père, où elle cultive des céréales en agri­cul­ture bio­lo­gique. Une démarche rare dans cette région acquise à la pro­duc­tion intensive.

Non loin de là, la N154, épine dor­sale de la région, file tout droit au milieu des champs. Pourtant, d’ici quelques années, cette 2x2 voies, vitale pour les habi­tants de la région faute d’alternative fer­ro­viaire, doit être pri­va­ti­sée pour deve­nir l’A154, une auto­route payante.

Dans le même temps, 61 kilo­mètres d’autoroute et trois via­ducs devraient aus­si être construits. Selon les oppo­sants au pro­jet, ce sont 660 hec­tares de terres agri­coles et 90 hec­tares de forêt qui devraient être arti­fi­cia­li­sés le long de la future autoroute.

« Les auto­routes ne créent jamais d’emploi : elles les déplacent ou les annulent »

Chartres 07-10-2023 Rassemblement Non à l'A154

Chartres, 7octobre 2023 : Grégoire Bailleux (St-Prest-Environnement) au micro

Pour Amandine, cette sur­face ne serait pour­tant que la par­tie émer­gée de l’iceberg. « L’artificialisation ne va pas tou­cher 700 hec­tares, mais bien plus, affirme-t-elle, citant dif­fé­rents pro­jets qui devraient accom­pa­gner l’autoroute, comme un nou­veau parc des expo­si­tions ou une zone d’activités éco­no­miques près de Chartres. Ce qui est fou, c’est que les argu­ments des col­lec­ti­vi­tés sont tou­jours éco­no­miques, alors que les auto­routes ne créent jamais d’emploi : elles les déplacent ou les annulent. Chez nous, on a des zones arti­sa­nales qui ne sont même pas uti­li­sées, mais on veut encore en créer d’autres. »

À l’image de cette agri­cul­trice, ce pro­jet est loin de faire l’unanimité dans la région. D’après une enquête publique menée en 2016, 70 % des 2 000 per­sonnes inter­ro­gées s’y étaient même décla­rées hostiles.

Alors que les annu­la­tions de pro­jets rou­tiers pro­mises en sep­tembre par le ministre délé­gué char­gé des Transports, Clément Beaune, se font attendre, la dési­gna­tion du conces­sion­naire de l’A154 serait imminente.

Ainsi, le 17 sep­tembre, le ministre délé­gué char­gé des Outre-mer et ancien dépu­té d’Eure-et-Loir, Philippe Vigier, annon­çait sur France 3 Centre Val-de-Loire la dési­gna­tion du conces­sion­naire avant la fin 2023. Une pro­messe qua­li­fiée par Amandine et d’autres oppo­sants de « pur men­songe ».

Rachat de terres agricoles

Vernouillet 21-06-2023 Rond-point LEO Contre A154

Vernouillet, 21juin 2023, action au rond-point LEO contre l’A154

Même si cette auto­route n’est encore qu’hypothétique, les grandes manœuvres ouvrant la voie à sa réa­li­sa­tion ont déjà com­men­cé. « On a deman­dé aux agri­cul­teurs de mettre à dis­po­si­tion les puits d’irrigation afin que le conces­sion­naire puisse avoir de l’eau pour construire la route, alors que les quo­tas d’eau ont bais­sé de 35 % en six ans en Eure-et-Loir », dénonce Amandine, évo­quant une récente réunion avec la chambre d’agriculture du département.

De leur côté, les agglo­mé­ra­tions de Dreux, de Chartres et le dépar­te­ment d’Eure-et-Loir rachètent depuis plu­sieurs années des terres agri­coles, par­fois loin du tra­cé pré­vu de l’autoroute, afin de sim­pli­fier les négo­cia­tions fon­cières une fois le pro­jet lan­cé, notam­ment par la réa­li­sa­tion d’échanges avec les agri­cul­teurs. « À mon avis, il n’y a pas encore 600 hec­tares en stock, mais pro­ba­ble­ment la moi­tié », estime Gilles Menou, porte-parole de la Confédération pay­sanne d’Eure-et-Loir.

Vernouillet 21-06-2023 Rond-point LEO Contre A154

Amandine Dupuy, au rond-point LEO, à Vernouillet, le 21 juin 2023

La résis­tance qui s’organise depuis des années pour­rait bien prendre de l’ampleur avec la concré­ti­sa­tion du pro­jet. Début octobre, une mani­fes­ta­tion était d’ailleurs orga­ni­sée à Chartres.

« Les ani­maux et les arbres ne peuvent pas par­ler, mais on est en train de les tuer, par­tout, cer­ti­fie Caroline Duvelle, porte-parole du col­lec­tif Non A154/A120, qui milite depuis 2022 aux côtés de la fédé­ra­tion d’associations his­to­rique de cette lutte. Des pays ont com­pris qu’il ne fal­lait plus arti­fi­cia­li­ser les sols, ils essayent de déve­lop­per l’existant et ne détruisent plus de sur­face fer­tile. » Visiblement pas la France.

 

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