Biennale de Mosaïque 2024 : Un parcours politique

Comme à chaque fois, la Biennale de la Mosaïque (jusqu’au 26 octobre), qui s’expose en octobre dans la cha­pelle du Lycée Fulbert à Chartres, émer­veille nos yeux. Pour la plu­part des œuvres pré­sen­tées en 2024, l’artiste a livré un petit com­men­taire qui indique ses inten­tions et/ou explique sa tech­nique. Beaucoup de mosaïstes font réfé­rence à leur propre sen­si­bi­li­té, à l’empathie, au par­tage, à l’amour de la vie que ce soit celle des humains ou des ani­maux et des végé­taux. Parfois, ils/elles s’interrogent sur le mys­tère de cette vie et sur l’univers qui reste lar­ge­ment incon­nu. Cela donne, du point de vue de la forme, de très belles mosaïques, telle ce ‘’Printemps’’ de Marie-Claude Bouret mani­fes­te­ment ins­pi­ré d’Arcimboldo.

 

 

Bouret Marie-Claude — Printemps

 

Mais ce compte ren­du de visite se foca­li­se­ra sur des œuvres qui assument un regard, sinon poli­tique, au moins citoyen (de citoyen·ne·s  du monde). Cette forme d’engagement a été faci­li­tée par le thème de cette année qui est ‘’La Ville’’.

Quoi de plus emblé­ma­tique que l’automobile pour évo­quer la ville ! Catherine Boyer avec ‘’Pschitt urbain’’ sous-titré ‘’Recyclage auto­mo­bile’’ ose ver­si­fier pour accom­pa­gner son œuvre : ‘’Allons enfants des zones urbaines / Qu’attendons-nous pour nous éle­ver / Contre la tyran­nie sou­ve­raine / Qui pousse à tou­jours consommer […]’’

 

Boyer Catherine — Pschitt urbain

 

Mais la ville c’est aus­si la concen­tra­tion des habi­ta­tions et par­ti­cu­liè­re­ment pour les ruraux venus en ville ‘’en quête d’une vie meilleure qui […] n’ont d’autres choix que de s’établir en masse en péri­phé­rie des grands centres urbains’’ nous dit Dominique Beaudry en nous mon­trant un bidon­ville  avec sa mosaïque ‘’Densité humaine’’.

 

Beaudry Dominique — Densité humaine

 

Ce contraste  n’a pas échap­pé à Catherine Donet-Porcher qui  nous pré­sente ‘’un chaos urbain où se côtoient sans tran­si­tion richesse, pro­fit, pré­ca­ri­té, into­lé­rance et rési­lience’’ et où la pol­lu­tion est omniprésente.

 

Donet-Porcher Catherine — Chaos

 

Pour sa part, Sandrine Kerbiriou dénonce la ‘’ville gigan­tesque qui s’étend à l’infini […] reflet de la déme­sure d’un monde tour­né vers le sur­dé­ve­lop­pe­ment […] Qui sait si cet élan vers le ciel [les gratte-ciels] ne cache pas la pro­messe d’un effon­dre­ment à venir’’ interroge-t-elle.

 

Kerbiriou Sandrine — Mégapole

 

’Nature, arme-toi contre le béton’’ sou­haite Virgine Plisson, plus opti­miste, qui dit ‘’pro­po­ser une mosaïque mes­sa­gère afin de choi­sir la nature avant le béton dans les futurs pro­jets de ville.’’

 

Plisson Virgine — Laisse béton

 

On peut se deman­der si la pan­carte ‘’Attention  Nature’’ de Chrystèle Albertini suf­fi­ra à pro­té­ger la bio­di­ver­si­té du sac­cage actuel.

 

Albertini Chrystèle — Attention Nature

 

Sarah Berry, veut nous faire ‘’réflé­chir à notre véri­table empreinte car­bone et aux moyens de la réduire, ensemble […] ouvrons la pos­si­bi­li­té d’une empreinte flo­rale […] et si chaque pas phy­sique que nous fai­sons lais­sait der­rière lui une graine d’herbe ou de fleur ?’’

 

Berry Sarah — Floral footprint,what if…

 

Renée Malaval voit aus­si des rai­sons d’espérer chez ‘’la ministre de l’Environnement aus­tra­lienne [qui] a jus­ti­fié sa déci­sion de s’opposer à l’ouverture de deux nou­velles mines de char­bon à ciel ouvert, situées à seule­ment dix kilo­mètres de la Grand Barrière de corail.’’

 

Malval Renée — Charbon et corail en Australie

 

Cri d’alarme aus­si de Martine Constans-Robert avec ‘’Polar extinc­tion !’’ qui se foca­lise sur les périls encou­rus par l’ours polaire mena­cé : ‘’L’archipel du Svalbard [Norvège sep­ten­trion­nale] a connu une exploi­ta­tion déme­su­rée du char­bon et du pétrole et se pré­pare à d’autres exac­tions car son sous-sol recèle de métaux rares.’’

 

Constans Robert Martine — Polar extinction

 

Dominique Soyez, quant à elle, convoque le pas­sé : ‘’Insouciance’’ m’a sem­blé être un mes­sage d’espoir quant aux menaces qui nous entourent […] Peace and Love […] vous amè­ne­ra […] à une époque de plein emploi et de non violence.’’

 

Soyez Dominique — Insouciance

 

Mais la ville est pré­gnante et pro­pice à l’enfermement, ce que Sarah Decoene montre dans une œuvre ins­pi­rée du Sitting Kid de Jef Aérosol : ‘’Art-Mur comme réflexion sur nos pri­sons inté­rieures et comme invi­ta­tion à ren­con­trer l’autre’’ dit la mosaïste.

 

Decoene Sarah — Art-mur

 

La ville est aus­si le lieu de toutes les vio­lences, par­fois entre com­mu­nau­tés, déplore Ahmed Ibrahim. Avec ‘’The Aftermath’’ (œuvre rec­to-ver­so), il ‘’dresse le por­trait d’un corps bles­sé […] avec pour toile de fond des teintes royales et vibrantes sym­bo­li­sant le pro­ces­sus de guérison.’’

 

Ibrahim Ahmed — The Aftermath

 

Acceptons l’augure de cette gué­ri­son et de cette récon­ci­lia­tion avec la ‘’Colombe Phoenix – La Paix renaît’’ d’Isabelle Bernard.

 

Bernard Isabelle — Colombe Phoenix-La paix renait

 

Mais les dis­cri­mi­na­tions et le rejet de l’autre viennent de loin. Marianne Fiette nous le rap­pelle avec ‘’Sapho in a bus’’ qui mêle  ‘’une double réfé­rence […] Sapho, poé­tesse [de la Grèce ancienne] indé­pen­dante d’esprit […] Rosa Parks, jeune femme noire qui avait refu­sé de céder sa place à un blanc.’’

 

Fiette Marianne — Sapho in a bus

 

Valérie Lougrada sonne l’ ‘’Alarme du cœur’’ en abor­dant la brû­lante ques­tion des migrants et de leur rejet par de nom­breux pays. En regard d’une palis­sade où sont accro­chées des mosaïques dont une ‘’Défense d’entrer’’, elle accroche un car­ton repro­dui­sant la chan­son de HK et des Saltimbanks Refugee.

 

Lougrada Valérie — Alarme du cœur

 

Terminons ce par­cours par Alexandra Reuss la seule artiste de cette expo­si­tion qui assume clai­re­ment son enga­ge­ment dans le texte d’accompagnement : ‘’Le graf­fi­ti dans mon cas est une décla­ra­tion poli­tique, donc un choix des cou­leurs ain­si que des sym­boles que j’ai caché, de l’antifascisme.’’ En pro­lon­ge­ment de l’œuvre pré­cé­dente, on peut y lire ‘’Personne n’est illégal’’.

 

Reuss Alexandra — Nightshift