Notre-Dame : Remettre du plomb dans la toiture, c’est sciemment continuer à polluer

Alors que la cathé­drale Notre-Dame de Paris rouvre ce 7 décembre, les alertes sur la conta­mi­na­tion au plomb conti­nuent. Avoir refait le toit et la flèche dans ce maté­riau est pré­oc­cu­pant, dénoncent le syn­di­cat CGT Paris et deux asso­cia­tions (asso­cia­tion des familles vic­times du satur­nisme,  asso­cia­tion Henri Pézerat). Nous repro­dui­sons des extraits de l’inter­view réa­li­sée par Reporterre de Annie Thébaud-Mony, pré­si­dente de cette der­nière association.

Notre-Dame de Paris Restauration 2024

Notre-Dame de Paris en cours de res­tau­ra­tion en 2024

Reporterre — Vous esti­mez que la réou­ver­ture de Notre-Dame est « une fuite en avant déli­bé­rée d’une conta­mi­na­tion conti­nue au plomb ». En quoi la cathé­drale pol­lue même après l’incendie ?

Annie Thébaud-Mony (AHP) — D’une part, la pol­lu­tion issue de l’incendie n’a abso­lu­ment pas dis­pa­ru. Il y a eu une décon­ta­mi­na­tion de l’intérieur de la cathé­drale, tar­dive, mais il est qua­si­ment impos­sible de tout enle­ver. Les abords de Notre-Dame, eux, sont encore pol­lués. Il y a eu un peu de décon­ta­mi­na­tion sur le par­vis, mais, là aus­si, ils n’ont pas réus­si à tout enle­ver. Et dans les abords qui n’ont pas été décon­ta­mi­nés, la pous­sière de plomb s’envole en per­ma­nence : c’est une source de conta­mi­na­tion non négli­geable qui va se pour­suivre. D’autre part, la toi­ture et la flèche ont été réno­vées avec du plomb.

En quoi est-ce pro­blé­ma­tique ?

Il s’agit de feuilles de plomb posées les unes sur les autres, du plomb lami­né. Cela relargue régu­liè­re­ment des pous­sières. Le Haut Conseil de la san­té publique a éva­lué que 21 kilos de plomb par an seront relar­gués dans les eaux de ruis­sel­le­ment à par­tir de la toi­ture et la flèche de Notre-Dame. Avoir remis du plomb sur la toi­ture et la flèche, c’est sciem­ment conti­nuer à polluer.

[…]

Il n’y a pas de seuil en des­sous duquel le plomb n’est pas toxique pour les reins et le sys­tème car­dio­vas­cu­laire. Il est neu­ro­toxique, can­cé­ro­gène et néfaste pour la repro­duc­tion. Chez une femme enceinte conta­mi­née, le plomb peut pas­ser dans le sang et atteindre l’enfant à naître.

Philippe Jost, pré­sident de l’établissement public char­gé de la conser­va­tion et de la res­tau­ra­tion de Notre-Dame de Paris, décla­rait il y a un an qu’ils « innover[aient] en ins­tal­lant un sys­tème de recueil et de fil­tra­tion des eaux de pluie qui [ruis­sel­le­raient] sur la toi­ture de la cathé­drale ». Qu’en pen­sez-vous ?

Toutes les pous­sières de plomb n’iront pas dans les gout­tières. Un coup de vent, et ça redes­cend sur le trot­toir. Cette toi­ture est énorme, il est impos­sible d’éviter tout envol de poussière.

Malgré les alertes sur le plomb, pour­quoi la toi­ture a‑t-elle quand même était refaite dans ce maté­riau ?

C’est une mau­vaise inter­pré­ta­tion de la charte de Venise sur la recons­truc­tion des monu­ments his­to­riques. Il n’y est pas du tout écrit qu’il faut faire une recons­truc­tion « à l’identique », comme a insis­té Emmanuel Macron. Son article 10 dit même que s’il y a des maté­riaux inadé­quats, il est alors pos­sible d’utiliser d’autres tech­niques. Sans comp­ter que la flèche et l’utilisation du plomb datent du XIXe siècle et de la res­tau­ra­tion de la cathé­drale par Viollet-le-Duc. À Chartres, Nantes, Reims, des réno­va­tions ont été faites dans le res­pect de l’esthétique, avec des maté­riaux moins dangereux.

 

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