Notre-Dame : Remettre du plomb dans la toiture, c’est sciemment continuer à polluer
Alors que la cathédrale Notre-Dame de Paris rouvre ce 7 décembre, les alertes sur la contamination au plomb continuent. Avoir refait le toit et la flèche dans ce matériau est préoccupant, dénoncent le syndicat CGT Paris et deux associations (association des familles victimes du saturnisme, association Henri Pézerat). Nous reproduisons des extraits de l’interview réalisée par Reporterre de Annie Thébaud-Mony, présidente de cette dernière association.
Reporterre — Vous estimez que la réouverture de Notre-Dame est « une fuite en avant délibérée d’une contamination continue au plomb ». En quoi la cathédrale pollue même après l’incendie ?
Annie Thébaud-Mony (AHP) — D’une part, la pollution issue de l’incendie n’a absolument pas disparu. Il y a eu une décontamination de l’intérieur de la cathédrale, tardive, mais il est quasiment impossible de tout enlever. Les abords de Notre-Dame, eux, sont encore pollués. Il y a eu un peu de décontamination sur le parvis, mais, là aussi, ils n’ont pas réussi à tout enlever. Et dans les abords qui n’ont pas été décontaminés, la poussière de plomb s’envole en permanence : c’est une source de contamination non négligeable qui va se poursuivre. D’autre part, la toiture et la flèche ont été rénovées avec du plomb.
En quoi est-ce problématique ?
Il s’agit de feuilles de plomb posées les unes sur les autres, du plomb laminé. Cela relargue régulièrement des poussières. Le Haut Conseil de la santé publique a évalué que 21 kilos de plomb par an seront relargués dans les eaux de ruissellement à partir de la toiture et la flèche de Notre-Dame. Avoir remis du plomb sur la toiture et la flèche, c’est sciemment continuer à polluer.
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Il n’y a pas de seuil en dessous duquel le plomb n’est pas toxique pour les reins et le système cardiovasculaire. Il est neurotoxique, cancérogène et néfaste pour la reproduction. Chez une femme enceinte contaminée, le plomb peut passer dans le sang et atteindre l’enfant à naître.
Philippe Jost, président de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, déclarait il y a un an qu’ils « innover[aient] en installant un système de recueil et de filtration des eaux de pluie qui [ruisselleraient] sur la toiture de la cathédrale ». Qu’en pensez-vous ?
Toutes les poussières de plomb n’iront pas dans les gouttières. Un coup de vent, et ça redescend sur le trottoir. Cette toiture est énorme, il est impossible d’éviter tout envol de poussière.
Malgré les alertes sur le plomb, pourquoi la toiture a‑t-elle quand même était refaite dans ce matériau ?
C’est une mauvaise interprétation de la charte de Venise sur la reconstruction des monuments historiques. Il n’y est pas du tout écrit qu’il faut faire une reconstruction « à l’identique », comme a insisté Emmanuel Macron. Son article 10 dit même que s’il y a des matériaux inadéquats, il est alors possible d’utiliser d’autres techniques. Sans compter que la flèche et l’utilisation du plomb datent du XIXe siècle et de la restauration de la cathédrale par Viollet-le-Duc. À Chartres, Nantes, Reims, des rénovations ont été faites dans le respect de l’esthétique, avec des matériaux moins dangereux.
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