Rachid Khimoune à Dreux
La Peau du Monde

Rachid Khimoune devant ses 1000 tor­tues à Dreux le 17 février 2018
Les Croisés de Chartres réqui­si­tion­nés pour la cause éco­lo­gique en 2016

Il y a un an Gérard Rancinan, dans son expo­si­tion Le Destin des Hommes à Chartres, posait des ques­tions aux humains sur leur deve­nir, alors que notre pré­sent est ron­gé par la vio­lence, la guerre et la pol­lu­tion. Il nous pré­sen­tait une vision « pas extrê­me­ment opti­miste » comme nous l’écrivions alors.

L’œuvre de Rachid Khimoune, qui expose à l’Ar[T]senal à Dreux, part de constats iden­tiques. À pro­pos de ses 1000 tor­tues de la Paix, le livret de visite indique « Chaque année, le rep­tile dis­pa­raît pour hiber­ner puis res­sort au prin­temps, comme les conflits armés qui reviennent inva­ria­ble­ment ali­men­ter la souf­france des peuples ». De même, la ques­tion éco­lo­gique et un pos­sible anéan­tis­se­ment de notre monde « taraude le sculp­teur : les pluies acides ne per­met­tant plus la fos­si­li­sa­tion, que pour­rait-on lais­ser de notre civi­li­sa­tion ? La plaque d’égout sur­vi­vrait aux catas­trophes ». Mais, à la dif­fé­rence de celle de Rancinan, l’œuvre de Khimoune bas­cule plu­tôt du côté de l’optimisme.

Des empreintes de plaques d’égouts col­lec­tées dans les villes sur toute la pla­nète, il fait le maté­riau de nombre de ses com­po­si­tions comme dans la série Les Enfants du Monde où il donne une image joyeuse et féconde de la diver­si­té. De même, les totems et les masques qu’il crée à par­tir de déchets métal­liques de notre civi­li­sa­tion contem­po­raine : chaînes méca­niques, comp­teurs à eau, bidons, ins­tru­ments de musique… plaident contre le gas­pillage en un clin d’œil humo­ris­tique à Picasso et aux arts pre­miers d’Afrique, conti­nent dont ses parents sont ori­gi­naires et dont il sou­ligne ain­si l’indispensable contri­bu­tion au patri­moine universel.

Des mou­lages qu’il a aus­si recueillis sur l’asphalte ou les pavés des cités de la Terre, il tire, cette peau du monde une fois redres­sée contre les murs de la salle d’exposition, d’énigmatiques images, comme autant de por­traits d’amis connus ou incon­nus. Les plus célèbres étant les quatre Beattles se des­si­nant comme des spectres éva­nes­cents dans les zébrures d’Abbey Road deve­nues des  ‘’vitraux’’ consa­crés à ces idoles modernes.

Mais la gra­vi­té et l’inquiétude reviennent dans la salle, sombre comme la nuit des crimes, où l’artiste à ras­sem­blé, en vis-à-vis, d’autres zébrures de pas­sages pié­tons affu­tées en pointe, per­cées d’yeux ter­ri­fiants et un arbre où sont pen­dus quelques uns de ses masques afri­cains, fai­sant res­sur­gir de notre mémoire les rituels san­glants du Ku Klux Klan.

Que ce soit vers l’empathie d’un monde fra­ter­nel ou vers la vigi­lance face à un pas­sé-deve­nir aux taches sombres, cette expo­si­tion ne cesse de sti­mu­ler notre réflexion.

J.C.

________

On peut voir quelques unes des œuvres de Rachid Khimoune expo­sées à Dreux sur le site Lucilius.

L’exposition est ouverte jusqu’au 1er avril 2018 [Informations pra­tiques dans les Événements].

Les tor­tues sont sor­ties de l’Ar[T]senal…
Les sinistres ombres des pendus