Rachid Khimoune à Dreux
La Peau du Monde
Il y a un an Gérard Rancinan, dans son exposition Le Destin des Hommes à Chartres, posait des questions aux humains sur leur devenir, alors que notre présent est rongé par la violence, la guerre et la pollution. Il nous présentait une vision « pas extrêmement optimiste » comme nous l’écrivions alors.
L’œuvre de Rachid Khimoune, qui expose à l’Ar[T]senal à Dreux, part de constats identiques. À propos de ses 1000 tortues de la Paix, le livret de visite indique « Chaque année, le reptile disparaît pour hiberner puis ressort au printemps, comme les conflits armés qui reviennent invariablement alimenter la souffrance des peuples ». De même, la question écologique et un possible anéantissement de notre monde « taraude le sculpteur : les pluies acides ne permettant plus la fossilisation, que pourrait-on laisser de notre civilisation ? La plaque d’égout survivrait aux catastrophes ». Mais, à la différence de celle de Rancinan, l’œuvre de Khimoune bascule plutôt du côté de l’optimisme.
Des empreintes de plaques d’égouts collectées dans les villes sur toute la planète, il fait le matériau de nombre de ses compositions comme dans la série Les Enfants du Monde où il donne une image joyeuse et féconde de la diversité. De même, les totems et les masques qu’il crée à partir de déchets métalliques de notre civilisation contemporaine : chaînes mécaniques, compteurs à eau, bidons, instruments de musique… plaident contre le gaspillage en un clin d’œil humoristique à Picasso et aux arts premiers d’Afrique, continent dont ses parents sont originaires et dont il souligne ainsi l’indispensable contribution au patrimoine universel.
Des moulages qu’il a aussi recueillis sur l’asphalte ou les pavés des cités de la Terre, il tire, cette peau du monde une fois redressée contre les murs de la salle d’exposition, d’énigmatiques images, comme autant de portraits d’amis connus ou inconnus. Les plus célèbres étant les quatre Beattles se dessinant comme des spectres évanescents dans les zébrures d’Abbey Road devenues des ‘’vitraux’’ consacrés à ces idoles modernes.
Mais la gravité et l’inquiétude reviennent dans la salle, sombre comme la nuit des crimes, où l’artiste à rassemblé, en vis-à-vis, d’autres zébrures de passages piétons affutées en pointe, percées d’yeux terrifiants et un arbre où sont pendus quelques uns de ses masques africains, faisant ressurgir de notre mémoire les rituels sanglants du Ku Klux Klan.
Que ce soit vers l’empathie d’un monde fraternel ou vers la vigilance face à un passé-devenir aux taches sombres, cette exposition ne cesse de stimuler notre réflexion.
J.C.
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On peut voir quelques unes des œuvres de Rachid Khimoune exposées à Dreux sur le site Lucilius.
L’exposition est ouverte jusqu’au 1er avril 2018 [Informations pratiques dans les Événements].