L’Apostrophe ouvre le dimanche
mais les agents sont dans la rue
Le premier dimanche de septembre, la Médiathèque de Chartres a ouvert ses portes au public, de 14h à 18h, conformément à la volonté du maire, Jean-Pierre Gorges.
Comme l’Intersyndicale (1) et une grande majorité des salariés l’avaient souhaité en juin dernier, les agents de la Médiathèque ont exercé leur droit de grève ce dimanche. Devant l’immeuble de l’Apostrophe, ils ont distribué un flyer aux passants, assez nombreux du fait des animations liées à la deuxième journée du Salon des associations. Les drapeaux des syndicats et une sonorisation attiraient l’attention. Un mouvement bien suivi. Les salariés ont trouvé le soutien d’usagers solidaires, apparemment peu désireux qu’une ouverture du dimanche soit imposée dans des conditions contraignantes pour les agents. Finalement, il y avait plus de monde dehors qu’à l’intérieur.
Pas de négociation !
Le responsable de la section FO, Franck Geiger, explique qu’une rencontre a eu lieu avec la Mairie la semaine dernière dans le cadre du préavis de grève. « À nouveau il y a dialogue mais pas négociation » affirme-t-il. Pour Nicolas Alonso, responsable CFE-CGC pour la section Chartres- Métropole « on est face à un autisme de la direction depuis le début de l’année », c’est une « apparence de concertation, une coquille vide ».
Cette absence de prise en compte des revendications a donc entraîné la décision d’une 2ème journée d’action. Les revendications sont toujours les mêmes :
- des agents qualifiés,
- le service du dimanche sur la base du volontariat,
- une rémunération négociée, tenant compte des contraintes sur la vie personnelle et familiale inhérentes au travail du dimanche.
D’après la secrétaire de la section CFDT, Sylvie Dumas, les représentants de la Mairie « campent sur leurs positions ». Pour ce qui est des conditions de mise en œuvre de ce dimanche travaillé, il faut tenir compte non seulement des perturbations de la vie familiale, de la garde des enfants parfois nécessaire, mais aussi des activités associatives et sportives, argument mis en avant par d’autres personnels en grève. Tous insistent sur le fait qu’un travail de 4h en après-midi impacte la journée entière. Et rappelons que tous les agents travaillent le samedi et 40h par semaine.
Concernant les revendications de volontariat et de meilleure reconnaissance financière, Sylvie Dumas souligne que les statuts de bibliothécaires ou d’agents n’annonçaient pas aux futurs salariés le travail du dimanche, contrairement à d’autres professions qui l’intègrent dans le temps de travail hebdomadaire ou le rémunèrent correctement. Le représentant de FO, de son côté, prend pour exemple des entreprises privées où les rémunérations ont été négociées à 100% et davantage du taux de l’heure normale.
Une employée déplore, elle aussi l’absence totale d’écoute et la décision précipitée de la ville de Chartres, en six mois. D’autres villes ont organisé une véritable réflexion sur les objectifs et la mise en œuvre, avant de prendre une décision.
Une ouverture le dimanche pour quels publics ?
Les responsables syndicaux rencontrés sont tous d’accord pour considérer qu’ouvrir la médiathèque le dimanche peut se justifier, « culturellement c’est important » dit Franck Geiger, mais à condition que la qualité du service soit réelle. Or, pour permettre de mettre en place une rotation imposée aux bibliothécaires d’un dimanche sur cinq, la Mairie recrute des étudiants. Le responsable de la CFE-CGC tient à mettre en avant la qualification des personnels. Les remplacer par des étudiants non préparés lui semble être « une solution hasardeuse ». Des usagères pensent, elles aussi, que les étudiants doivent toujours être accompagnés par des professionnels. Elles ne souhaitent pas conseiller à leurs propres enfants étudiants de se proposer pour remplacer des professionnels.
Ce problème de qualification rejoint la question des finalités de l’opération. À Chartres, cette discussion n’a pas eu lieu avec les personnels. De « fidèles lectrices » interrogées ont répondu qu’elles n’avaient pas besoin que la Médiathèque fonctionne le dimanche, qu’elles ne soutenaient pas cette initiative lourde de conséquences pour le personnel. D’autres usagers ont été étonnés mais intéressés. Mais la question reste entière : à quels publics cette ouverture est-elle destinée ? Il semble qu’aucune étude n’ait été réalisée. S’il s’agit de s’adresser aux habitants du centre-ville, est-on sûr que ce seraient des usagers nouveaux ou veut-on offrir une journée supplémentaire qui aurait l’avantage d’augmenter l’animation du centre-ville, dans un but plus commercial que culturel ? Est-ce que cette ouverture pourrait permettre à des jeunes de venir plus régulièrement fréquenter l’Apostrophe ? Veut-on s’adresser à de nouveaux publics éloignés de la lecture tant par la distance (les quartiers populaires) que par les habitudes sociales ? Pour cela, il faudrait augmenter les moyens humains et définir une politique cohérente… Quand on sait que peu de bus circulent le dimanche (2) et que la bibliothèque Louis-Aragon de La Madeleine n’est pas intégrée dans la volonté du Maire (alors que ses bibliothécaires devront travailler le dimanche à l’Apostrophe), on peut penser que les motivations sont loin d’être claires.
En la circonstance, la décision pour dimanche prochain (9 septembre) sera, selon les responsables syndicaux, une probable reconduite de la grève au vu de la forte mobilisation de ce premier dimanche.
M.C.
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- CFDT, CFE-CGC, CGT, FO avec le soutien, lors du rassemblement, de la FSU et de Solidaires.
- Seuls trois circuits de Filibus parcourent l’agglomération chartraine le dimanche avec seulement deux possibilités pour un aller-retour… et beaucoup de quartiers non desservis.