Le président du Conseil départemental
encourage le rejet xénophobe
Dans le département comme au niveau national, certaines forces politiques voudraient faire des « migrants », un enjeu majeur des futures élections européennes. Les mêmes défendent un système économique qui veut avant tout pérenniser la circulation planétaire des marchandises et de la finance au détriment des droits de tous les êtres humains.
Que des habitants des pays pauvres ou appauvris par les guerres, le réchauffement climatique, les accords commerciaux internationaux ou par des régimes corrompus cherchent un avenir meilleur en Europe, voilà qui autorise nos dirigeants à crier à l’invasion. En l’occurrence les lecteurs de l’Écho républicain du 22 septembre dernier ont eu confirmation des pensées profondes de M. Térouinard, Président du Conseil départemental, au sujet des mineurs étrangers non accompagnés (MNA). À la question « Comment expliquez-vous la montée des partis nationalistes », il répond en quatre mots : « La crise des migrants ». Non pas l’accentuation de la précarité de l’emploi, la destruction des protections sociales, la défiance à l’égard de l’Union européenne… Non, une seule explication : « les migrants » !
Les mineurs isolés étrangers sont avant tout des enfants !
La réponse suivante nous permet de comprendre quels migrants doivent être évacués le plus tôt possible du département : les mineurs isolés. « Ce n’est pas notre boulot [de les accueillir] » affirme le Président. Depuis les textes de 2016, une clé de répartition nationale entre les départements a été mise en place. Selon la loi, ces jeunes ne sont pas soumis aux règles de séjour des étrangers, ils relèvent de la protection de l’enfance qui est de la responsabilité départementale. Renvoyer ces jeunes à une gestion par l’État, parce qu’ils sont étrangers, est une proposition discriminatoire inacceptable aux yeux de la loi (article 225–1 du Code pénal).
En Eure-et-Loir comme ailleurs, les associations veillent à ce que ces jeunes ne soient pas hébergés dans des conditions indignes comme ce fut le cas dans un hôtel chartrain, ou à la rue. Cet été des jeunes erraient sous la canicule et dormaient dehors dans Chartres. Sans état d’âme, le Conseil départemental attribue aux MNA une somme très inférieure à celle destinée aux jeunes en Maisons d’enfants à caractère social : 58,42 € par jeune et par jour pour un MNA, 189,45 € pour un jeune en maison d’enfants à caractère social selon le directeur de l’ADSEA28 (1) (L’Écho du 19-07-2018).
Ces jeunes, qui ont fui leur pays, parfois perdu leurs parents, qui, presque tous, ont risqué la mort dans le désert, en Libye, en Méditerranée, manifestent leur soulagement et leurs espoirs en arrivant en France. Comment peut-on froidement les priver d’une assistance matérielle et psychologique, mettre souvent en doute leur récit de vie, leurs documents d’identité, être indifférent à leur sort quand ils ont déposé un recours pour prouver leur minorité et que l’ASE (2) les renvoie à la rue pour des mois, ou quand ils atteignent leurs 18 ans ? Pourquoi les mineurs étrangers doivent-ils subir des examens osseux alors que ceux-ci ont été contestés par le Haut Conseil de la Santé publique en 2014 et condamnés par le Défenseur des droits en 2016 comme « inadaptés, inefficaces et indignes » ?
Il ne fait aucun doute que les capacités d’accueil des départements, peu soutenus par l’État, sont insuffisantes. Selon un récent rapport de la Cour des Comptes, l’augmentation de certaines dépenses sociales est réelle mais elle concerne le RSA, à cause de la précarité, les aides aux personnes handicapées et aux personnes âgées, mais bien peu l’aide sociale à l’enfance.
Une attitude politicienne dangereuse
Les collectifs de défense du département, sont mobilisés pour aider les plus vulnérables, expliquer ce qui est volontairement soustrait au débat public, dénoncer les carences du Département et de l’État qui comptent sur le bénévolat. Ils doivent aussi faire savoir que, contrairement aux rumeurs que les autorités laissent courir, le nombre des entrées dans notre pays a décru de 60% en 2017 (3), le droit d’asile est très limité, et les conditions de régularisation sont encore durcies par la loi sur les étrangers votée cet été.
Dans cette interview, dont la visée politique est assumée, le président du Conseil départemental explique que L.Wauquiez, président de L.R. « essaie de ramener au bercail des anciens de chez nous passés au FN ». Au lieu de fournir des données établies qui montrent que les peurs sont infondées, M. Térouinard encourage le rejet xénophobe !
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- Association départementale pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte d’Eure-&-Loir.
- Aide Sociale à l’Enfance, service du Conseil départemental dont la mission est de venir en aide aux enfants et à leur famille par des actions de prévention individuelle ou collective, de protection et de lutte contre la maltraitance.
- Plus des trois quarts des réfugiés s’installent dans des pays du Tiers Monde, chez leurs voisins et non en Europe.