Paroles de manifestant·e·s
Voir aussi notre article Retraites : Plus de 4 000 à Chartres !
Sur le parcours de la manifestation intersyndicale du 5 décembre à Chartres, les échanges vont bon train, même couverts par les sifflets, les explosions des pétards d’alerte des pompiers, les chansons impertinentes ou programmatiques à l’adresse des responsables politiques. Les grévistes des hôpitaux sont là, en particulier les manipulateurs en radiologie qui font signer leur pétition : ils s’estiment peu entendus car seulement 35 000 en France. Ils s’adressent à la ministre Agnès Buzyn. En sous-effectifs à Chartres comme ailleurs, ils et elles sont souvent aux Urgences, néanmoins la ministre leur refuse la prime destinée aux infirmiers explique Stéphanie. Ils demandent la revalorisation de leurs salaires, évoquent la pénibilité et leur responsabilité qui ne sont pas assez reconnues. « Les manipulateurs français sont les moins bien payés d’Europe » affirme Stéphanie.
Manif historique
Les syndicalistes s’expriment volontiers par des chansons. Céline et ses camarades enseignantes, micro en main chantent avec entrain sur l’air d’En passant par la Lorraine :
60 ans pour la retraite, ce n’est pas trop tôt (2)
Il faut qu’on puisse partir
Bien avant d’se voir mourir,
Oh ! oh ! oh ! car la r’traite c’est beau.
60 ans pour la retraite, ce n’est pas trop tôt (2)
Y’a qu’à voir comme on nous traite
On en a ras la casquette
Oh ! oh ! oh ! la retraite c’est beau !
« Moi elle me plaît bien celle-là, elle est jolie et puis j’sais l’air ! », « On n’a qu’à faire que celle-là » échangent-elles avec humour.
Manif historique est-il dit dans le cortège, optimisme garanti. On apprend qu’il y avait 100 participants à l’AG FSU du matin.
“On assiste à la précarisation de tout le système”
Pour Franck R., psychopédagogue, le problème est plus global. Dix de ses collègues manifestent aujourd’hui, c’est exceptionnel. « On assiste à la précarisation de tout le système, les collègues sont dynamiques mais commencent à fatiguer, ils se découragent ». Il dénonce les salaires bloqués, le manque de personnels enseignants et d’AVS (Auxiliaires de vie scolaire) pour les enfants handicapés, ce qui épuise les personnels, contraints de se démultiplier. De plus, les enseignants seront les grands perdants de ce système à points. Le gouvernement tente déjà de les amadouer en promettant une prime ou d’augmenter leurs salaires ce qui pourrait contribuer à diviser les salariés et les syndicats. « On attend davantage que ça, des postes, des AVS, de meilleures conditions de travail » insiste Franck R.
Ghislain est content de voir autant de monde. Il comprend l’exaspération car les réformes se font à marche forcée. Il craint cependant que la précarité, les difficultés des fins de mois décourage. L’exemple des Algériens et d’autres peuples inspirent.
La vaisselle de l’Élysée
À l’heure de la pause, trois étudiants infirmiers regardent passer le cortège. Pensent-ils à leur retraite ? Comme on l’entend souvent ils s’interrogent : « Ça nous concerne quand même. On n’en aura peut-être pas, ça devient préoccupant ». Ils évoquent leurs grands-parents : « La pension de ma grand-mère est trop faible, elle s’excuse de ne pas pouvoir m’aider ». « Les personnes âgées doivent payer la maison de retraite 2000 € pour une personne alors que ça devrait être gratuit ». C’est injuste disent-ils. La future infirmière dénonce les dépenses de Mme Macron « qui change la vaisselle de l’Élysée alors que l’argent pourrait être redistribué pour la population française ». Ils pensent que les luttes des anciens pour vivre mieux sont oubliées.
“Macron démission !”
Derrière les grilles de l’école voisine un grand groupe d’élèves s’est agglutiné pour regarder passer les manifestants et sans hésitation ils scandent « Macron démission ! »
Un peu plus loin on retrouve les salariés des Finances publiques dont le responsable de Solidaires F.P. et ses collègues qui doivent ajouter la défense des retraites au maintien d’un vrai service public.
À l’approche de la Préfecture, quatre jeunes gens se disent eux aussi concernés, l’un a un emploi, les autres non ou en tant qu’intermittents, statut précaire qui ne laisse pas imaginer un avenir facile.
La manifestation se termine devant la Préfecture, mais beaucoup restent à échanger avec les amis, les collègues, les voisins du cortège. Quelques enseignants d’un Collectif des Stylos rouges en colère de l’Essonne dansent, un stylo rouge géant dressé dans leur main comme une immense bougie. Leur chorégraphie attire l’attention sur leur pancarte qui affiche : Liberté de pensée, (In)Egalité des retraités, Fraternité dans l’adversité et un constat en rouge : Paupérisation de l’éducation.
Une dizaine de Gilets jaunes de Nogent-le-Rotrou ont disposé leur grande banderole bien en vue : « Qui sème la misère récolte la colère » et continuent de clamer leurs revendications. Cette journée fut une belle démonstration de force tranquille et déterminée. À renouveler la semaine prochaine, chacun en est conscient.
M.C.