Chinon : Rejets radioactifs
dans la Loire
La centrale nucléaire de Chinon (Centre-Val de Loire) a déclaré fin septembre 2020 un évènement significatif pour l’environnement. Dans un communiqué lissé et peu détaillé, elle explique qu’en raison d’une erreur d’analyse, un réservoir d’effluents liquides radioactifs a été déversé dans la Loire alors qu’il n’aurait pas dû.
Comme tous les industriels, les installations nucléaires d’EDF ont obtenu du gouvernement le droit de rejeter régulièrement des substances polluantes (chimiquement et radiologiquement) dans l’air et dans l’eau. Ces rejets sont donc légaux, pour peu qu’ils respectent certaines conditions. Le but est de jouer sur la dilution des matières radioactives dans l’environnement, ce qui permet de réduire leur concentration. Encore faut-il que ce que rejette EDF respecte les limites fixées et que les débits des fleuves soient suffisant quand les rejets se font dans l’eau. Pour cela, des analyses sont faites avant les rejets, afin de déterminer le niveau de radioactivité des effluents dont EDF veut se débarrasser — les capacités de stockage étant limitées, ces rejets d’effluents représentent un enjeu industriel important pour l’exploitant nucléaire.
Le 19 septembre 2020, EDF ouvre les vannes et déverse ses effluents liquides dans la Loire. Trois jours plus tard, le 22 septembre, des mesures dans l’eau en aval de la centrale révèlent une radioactivité anormale, bien supérieure à ce qu’elle est habituellement (la dilution n’efface pas la présence de substances radioactives dans l’eau). Si le communiqué d’EDF ne livre aucune notion quantitative sur les rejets (le volume total rejeté dans la nature, le type de radionucléides déversées et le niveau de radioactivité mesuré), une réunion de la Commission locale d’information (CLI) le 6 octobre a permis d’obtenir quelques éléments chiffrés permettant de mieux se figurer l’ampleur de l’incident causé par cette “erreur d’analyse” d’EDF : 600 mètres cubes d’effluents liquides radioactifs déversés en 48h, à un débit ayant une (radio)activité de 60 Bq/l/h au lieu de 20 Bq/l/h (soit trois fois supérieur à la “normale”) et des mesures dans l’eau de la Loire relevant des concentrations de 140 Bq/l au lieu des 20 à 50 Bq/l attendus et habituels pendant de tels rejets. La limite réglementaire est justement de 140 Bq/l, ce qui permet à EDF de dire — très clairement — dans son communiqué que l’activité calculée dans l’eau de la Loire est conforme aux limites réglementaires. Des limites réglementaires qui pourraient être remises en question, au vu de la dégradation environnementale globale.

Lors du passage de l’Atomik Tour, en 2019, l’ACRO a prélevé de l’eau en aval de la centrale de Dampierre-en-Burly
Le Collectif Chinonais Environnement, qui siège à la CLI, et l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), qui réalise des prélèvements et des analyses indépendants, alertent d’ailleurs depuis des mois sur la présence de tritium dans la Loire et dans l’eau potable, puisée à Saumur, en aval de la centrale de Chinon. Les prélèvements réalisés par l’ACRO remettent en question les méthodes utilisées par les autorités pour surveiller l’impact des rejets dans l’environnement. L’ASN et l’IRSN doivent d’ailleurs entamer des mesures quotidiennes des niveaux de tritium à partir de novembre, afin d’approfondir leurs modélisations concernant le rejet de cet élément radioactif dans les eaux fluviales nous dit La Nouvelle République dans un article du 14 octobre signé Baptiste Decharme.
Quoiqu’il en soit, même en respectant la limite autorisée, il y a bien eu rejets de substances trop radioactives dans un cours d’eau. Et l’erreur d’EDF n’a été découverte qu’après coup, une fois que les rejets terminés. Ce nouvel incident démontre une nouvelle fois que c’est l’environnement, et avec lui tous ses habitants, qui paie(nt) directement les conséquences du fonctionnement de l’industrie atomique et qui encaisse régulièrement les surcoûts dus aux erreurs de l’exploitant.
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