La Commune de Paris : 14 — 20 mai 1871

Commune de Paris

Éphéméride 14 — 20 mai 1871

 

1871

Mai

Le 14 : Thiers refuse la pro­po­si­tion d’échanger les 74 otages de la Commune contre le seul Auguste Blanqui empri­son­né à Morlaix.

Note de Vaillant afin de mettre fin aux acti­vi­tés des jésuites.

Dans l’église Saint Sulpice, Paule Mink et Ladoïska Kawecka, polo­naises, prennent une part très active aux débats du club qui s’installe. Après la semaine san­glante, elles s’exileront, l’une en Suisse, l’autre en Angleterre.

La comé­dienne Florence Agar récite entre autres, aux Tuileries, les Châtiments de Victor Hugo au pro­fit des bles­sés et des veuves et orphe­lins des gardes natio­naux tués.

Matinée « musi­cale et dra­ma­tique », au théâtre des Délassements Comiques, pour les mêmes rai­sons. À l’affiche : « Garçon l’Addition », vau­de­ville de Davanne.

Le 15 : Le Figaro reproche à Florence Agar d’être deve­nue socié­taire de la Comédie-Française grâce à la prin­cesse Mathilde : « Je suis prête à aller à Cayenne. J’attends pour cela une nou­velle dénon­cia­tion de vous. Je ne crains pas plus vos attaques à Versailles que je ne crains la Commune à Paris. » Ces attaques l’obligeront à quit­ter la Comédie-Française en 1872.

Dissolution du bataillon des « bar­ri­ca­diers », démis­sion de Gaillard.

À l’assemblée, les élus de la majo­ri­té étant absents, les mino­ri­taires rédigent une décla­ra­tion accu­sant la Commune de Paris d’avoir « abdi­qué son pou­voir entre les mains d’une dic­ta­ture à laquelle elle a don­né le nom de Salut public » et démis­sionnent. Versailles applaudit.

Une affiche adres­sée aux grandes villes de France a été envoyée dans tous les dépar­te­ments : « Qu’attendez-vous donc pour vous lever ? Le temps est aux actes, quand la parole est au canon. Vous avez des fusils et des muni­tions. Aux armes ! Debout les villes de France ! »

Au nom de la Société des Amis de l’Enseignement, Marie Verdure et Élie Ducoudray pré­sentent à la Commission Vaillant un pro­jet de créa­tion et d’organisation des crèches.

Francisco Salvador-Daniel, natif de Bourges, musi­cien, est nom­mé à la direc­tion du conser­va­toire de musique. On lui dit “Vous savez que vous ris­quez votre vie”, Salvador répond : “Je sais que je risque d’être fusillé, mais j’agis selon mes convic­tions”. Le 24, arrê­té par les Versaillais à son domi­cile (“le bouge de ce san­glier féroce” écrit Le Figaro ) il sera traî­né dans la rue et fusillé sans juge­ment ni condam­na­tion. « Vous vise­rez là », dit-il aux sol­dats en mon­trant son cou.

Les tirailleurs du corps-franc les Enfants Perdus, « presque tous enfants de quinze à dix-huit ans », des­cendent des rem­parts de Paris à l’aide d’échelles, se rendent dans le bois de Boulogne et rap­portent des chas­se­pots qu’ils ont enle­vés à des gendarmes.

Le 16 : Report du paie­ment des dettes et des loyers.

Destruction de la colonne Vendôme sous le contrôle de l’in­gé­nieur Ismaël Abadie. Dans Le Vengeur, « Point de gloire pour l’esclave que le jour où il abat le tyran. Ce tro­phée de sa gloire et de notre honte […], nous l’avons bif­fé de notre sol. » écrit Félix Pyat. Bruno Braquehais, natif de Dieppe, un des rares pho­to­graphes à ne pas s’être enfui, pho­to­gra­phie toutes les étapes de la scène : ce furent les pré­mices du « pho­to­jour­na­lisme ». L’ensemble des 150 pho­tos de cet artiste sourd et muet sont « les seules à s’in­té­res­ser réel­le­ment à ce peuple de Paris en insur­rec­tion, et à en trans­mettre une image joyeuse ». Il pho­to­gra­phie gra­tui­te­ment les Communards et ne vend aucun de ses clichés.

La mai­rie du 14^e arron­dis­se­ment orga­nise une cam­pagne de vac­ci­na­tion gra­tuite contre la variole, la seule connue. L’épidémie sévit en Europe depuis 1869, sa noci­vi­té aggra­vée par les mou­ve­ments des troupes.

Le 17 : Retour de 15 mino­ri­taires ayant été convain­cus d’avoir affai­bli la Commune par leur départ.

Le sculp­teur Jules Dalou, admi­nis­tra­teur adjoint au Louvre, avec pour mis­sion de pro­té­ger les col­lec­tions du van­da­lisme, s’installe dans le musée avec sa famille pour le protéger.

Édouard Vaillant, délé­gué à l’Instruction publique, dit que celle-ci doit assu­rer la base de l’égalité sociale et garan­tir une édu­ca­tion capable à la fois de « l’instruction scien­ti­fique et lit­té­raire  » et de « l’apprentissage d’une pro­fes­sion ». L’école ne peut se conten­ter de ser­vir un pro­jet répu­bli­cain, il faut que ce soit celui d’une répu­blique démo­cra­tique et sociale.

Décret sur l’égalité des enfants légi­times ou natu­rels, des épouses et des concu­bines pour la per­cep­tion des pen­sions. On recense à Paris 26 % de nais­sances illégitimes.

Gill André devient admi­nis­tra­teur pro­vi­soire du musée du Luxembourg. Il a le temps d’explorer les gre­niers du Luxembourg, d’en exhu­mer des toiles de valeur et de réor­ga­ni­ser son musée.

Nathalie Le Mel, Victor Delahaye, Faron, Aline Jacquier, Léon Martin, Jules Minet et Petit font par­tie de la com­mis­sion exé­cu­tive d’organisation du tra­vail créée pour ten­ter de regrou­per toutes les cor­po­ra­tions ouvrières de Paris.

Explosion en soi­rée de la car­tou­che­rie Rapp au Champ de Mars due à un sabo­tage, fai­sant tom­ber une pluie de balles sur Paris : 100 morts. Braquehais pho­to­gra­phie. L’atelier du sculp­teur Auguste Préault (auteur de la sta­tue de Marceau place des Épars et du bas-relief Tuerie, son chef d’œuvre, au musée à Chartres), est dévasté.

Le 18 : Interdiction de 9 jour­naux versaillais.

L’Assemblée Nationale à Versailles rati­fie le Traité de Francfort.

La com­mis­sion exé­cu­tive de l’Union des Femmes convoque une assem­blée de femmes afin de consti­tuer des chambres syn­di­cales.

L’AIT, en séance solen­nelle à la Corderie déclare que la mino­ri­té a bien agi, mais qu’elle est invi­tée à conti­nuer de défendre les idées socia­listes et inter­na­tio­nales à la Commune et par consé­quent à y reprendre ses sièges.

Soirée aux Tuileries : Burani accueille Florence Agar et Rosa Bordas (la ‘’Cigale rouge’’, la ‘’Rachel de la chan­son”) avec une délé­ga­tion des membres de la Commune et l’état-major des Fédérés. À la fin du réper­toire de Rosa, la salle reprend en chœur le refrain de La Canaille. Sa car­rière, à trente ans, en sera bri­sée. Quand elle revien­dra sur scène trois ans plus tard, elle sera immé­dia­te­ment dénon­cée par Le Gaulois comme “Muse du pétrole”.

Le 19 : Décret de laï­ci­sa­tion de l’enseignement gra­tuit et obli­ga­toire. Organisation des pre­mières can­tines sco­laires et élec­tion au suf­frage uni­ver­sel des fonc­tion­naires, y com­pris dans l’enseignement. À la charge des muni­ci­pa­li­tés, rému­né­ra­tion de 1 500 francs annuels pour les aide-ins­ti­tu­teurs et de 2 000 francs pour les direc­teurs, avec éga­li­té de trai­te­ment entre les hommes et les femmes.

Le prin­cipe d’un salaire mini­mum suf­fi­sant « pour assu­rer l’existence et la digni­té » du tra­vailleur est établi.

Édouard Vaillant socia­lise tous les théâtres, confiant leur ges­tion à l’association ouvrière des artistes du spectacle.

Dans Le Prolétaire, jour­nal du club Ambroise du XI^e arron­dis­se­ment : « Serviteurs du peuple, ne pre­nez pas de faux airs de sou­ve­rains (…) Ne vous pres­sez pas de juger et de déci­der au nom du Peuple. Restez dans votre rôle de simples com­mis (…). Le Peuple est las des sau­veurs ; il entend désor­mais dis­cu­ter leurs actes. »

Léo Meillet et Louis Lucipia arrêtent les 5 Dominicains de l’école d’Arcueil qui abrite une ambu­lance et 9 de leurs employés. Le 25, ils seront assas­si­nés pen­dant leur trans­fert à Paris, mal­gré les efforts de Lucipia — l’abbé Féron, pre­mier aumô­nier de Bicêtre, le confirme — pour les pro­té­ger contre l’exaspération de la foule. Meillet et Lucipia seront condam­nés à mort.

Le 20 : La Banque de France cache en l’ensablant dans ses caves tout ce qui peut l’être. Il y a pour 3 mil­liards de titres, créances, lin­gots, numé­raire, billets de banque, effets des inté­rêts des actions…

Au Théâtre lyrique, place Châtelet, 2 000 per­sonnes regrettent la scis­sion et demandent à la mino­ri­té de reprendre tous ses sièges.