AESH : Pour la reconnaissance d’une profession méprisée

Chartres 03-06-2021 Rassemblement AESHComme dans la plu­part des grandes villes de France, une action de mobi­li­sa­tion s’est dérou­lée le jeu­di 3 juin à Chartres pour por­ter les reven­di­ca­tions des Accompagnant·es d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) :

  • Pour une reva­lo­ri­sa­tion des salaires et la créa­tion d’un véri­table sta­tut de la profession,
  • Contre les Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés (PIAL) et la précarité.

Cette action a été lan­cée à l’appel de l’intersyndicale natio­nale CGT éduc’action, FNEC-FP-FO, FSU, SUD édu­ca­tion, SNALC et SNCL-FAEN, relayée en Eure-&-Loir par les quatre pre­mières orga­ni­sa­tions devant les locaux de la DSDEN1 à Chartres.

La mobi­li­sa­tion fait suite à la jour­née natio­nale d’action du 8 avril der­nier qui, par son ampleur et en lien avec d’autres luttes – notam­ment celles des inter­mit­tents des Arts vivants – a per­mis d’alerter sur la situa­tion subie par ces personnels.

Invisibilité de la profession

Selon le tract inter­syn­di­cal, cette action se place dans un contexte d’invisibilité totale de la pro­fes­sion dou­blée d’une totale non prise en compte par le gou­ver­ne­ment du rôle cru­cial tenu par les AESH.

D’après l’intersyndicale, « aujourd’hui un‑e agent‑e de l’Éducation natio­nale sur dix est AESH ». Les AESH sont indis­pen­sables tant auprès des élèves que dans les équipes plu­ri-pro­fes­sion­nelles. Selon la FSU, « 118.000 élèves en situa­tion de han­di­cap étaient sco­la­ri­sés en 2006, ils étaient 340.000 en 2018 », soit presqu’un tri­ple­ment en 12 ans. « 26.000 étaient accom­pa­gnés, ils sont aujourd’hui plus de 166.000 », soit 6,4 fois plus !

Le SNES-FSU sou­ligne que « ces pro­grès ont été accom­plis grâce au tra­vail des AESH, qui per­mettent à l’école de pro­gres­ser vers une inclu­sion plus ambi­tieuse. Il reste cepen­dant beau­coup à faire pour que le métier d’AESH soit recon­nu à sa juste valeur ». Le syn­di­cat demande à ce que les AESH béné­fi­cient d’un sta­tut de fonc­tion­naire et d’une rému­né­ra­tion plus juste. La créa­tion d’un diplôme doit venir sanc­tion­ner leur for­ma­tion. Par ailleurs, face à des situa­tions d’épuisement, il est néces­saire de tenir compte de la péni­bi­li­té du tra­vail des AESH.

Une péni­bi­li­té non reconnue

Chartres 03-06-2021 Rassemblement AESHCette péni­bi­li­té est édi­fiante. « Le tra­vail consiste à aider les élèves sans déran­ger le cours ». A titre indi­ca­tif, cela concerne en par­ti­cu­lier les tâches sui­vantes : être assis à côté d’eux, leur chu­cho­ter les consignes, échan­ger le maté­riel, les aider dans les gestes quo­ti­diens (man­teaux, toi­lettes etc.), pous­ser leurs fau­teuils, gérer des crises, ras­su­rer avec des gestes récon­for­tants, les aider à man­ger, à écrire, à lire, à com­prendre les autres. Un AESH pré­sent au ras­sem­ble­ment sou­ligne qu’il passe les dizaines de mis­sions sup­plé­men­taires accom­plies dans la plus par­faite invi­si­bi­li­té « bref, notre tra­vail n’a AUCUN sens sans contact rapproché ».

« Nous accom­pa­gnons leurs élèves dans une grande pro­mis­cui­té. Comment, dans ces condi­tions, res­pec­ter et faire res­pec­ter les gestes bar­rières ? ». Par temps ordi­naire, c’est déjà très dur. Par temps de Covid, c’est pire.

Concernant les PIAL, la CGT déclare qu’« en géné­ra­li­sant ces PIAL sans éva­lua­tion préa­lable, l’Éducation natio­nale nous vante une meilleure uti­li­sa­tion des res­sources AESH pour accom­pa­gner vos enfants. Sur le ter­rain, le constat est sans appel : les PIAL sont un outil de ges­tion pure­ment comp­table, décon­nec­tée et déshumanisée ».

PIAL : Un outil de ges­tion de la pénurie

Ce constat est par­ta­gé par SUD édu­ca­tion : « cette réor­ga­ni­sa­tion de notre tra­vail est pré­sen­tée par le minis­tère de l’Éducation natio­nale comme un atout. En fait, il com­pense les dif­fi­cul­tés de recru­te­ment sur le dos des AESH, les rédui­sant ain­si à une variable d’ajustement des poli­tiques de l’é­cole inclusive ». 

De son côté, FO ne dit pas autre chose : « Les PIAL sont un outil de ges­tion de la pénu­rie des res­sources. Ils se com­binent avec l’objectif de réduire le nombre de places et de per­son­nels dans les éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés. Derrière la mutua­li­sa­tion de l’accompagnement, c’est une dégra­da­tion insup­por­table des condi­tions de tra­vail et de vie pour les per­son­nels AESH. (…) Lorsque l’enfant n’a pas d’accompagnant, le pro­fes­seur se retrouve dému­ni, avec des classes dont les effec­tifs sont de plus en plus lourds ».

Pour un salaire moyen tota­le­ment indigne (800 euros par mois !), les condi­tions de tra­vail sont tout autant révol­tantes : chan­ge­ments inces­sants d’emploi du temps, réaf­fec­ta­tions bru­tales (d’école pri­maire en lycée, col­lège ou école mater­nelle, contre leur gré), absence de for­ma­tion préa­lable, affec­ta­tions simul­ta­né­ment sur deux voire trois éta­blis­se­ments ou écoles, recru­te­ment indif­fé­rem­ment sur tous types de besoins spé­ci­fiques, accom­pa­gne­ment de plus en plus d’élèves sur des ter­ri­toires géo­gra­phiques de plus en plus éten­dus, mul­ti­pli­ca­tion des tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives, absence d’interlocuteur unique, etc. Ce ne sont que des exemples de situa­tions vécues, par­mi bien d’autres…

Chartres 03-06-2021 Rassemblement AESHDe toute cette orga­ni­sa­tion tota­le­ment déstruc­tu­rée et alié­nante, il découle pour les AESH une totale impos­si­bi­li­té de faire le lien avec les équipes péda­go­giques. Quant aux élèves, ils sont pri­vés de plus en plus d’heures d’aide humaine, ce qui péna­lise leur déve­lop­pe­ment et se réper­cute néga­ti­ve­ment sur les familles, déjà elles-mêmes éprou­vées et pour les­quelles le pro­ces­sus admi­nis­tra­tif préa­lable est déjà très long et fastidieux.

Salaires, aban­don des PIAL, sta­tut pour les AESH au cœur des revendications

Les syn­di­cats ayant lan­cé l’appel à la grève du 3 juin sont una­nimes pour sou­li­gner l’urgence à :

-       enga­ger l’augmentation des salaires et garan­tir la pos­si­bi­li­té de contrats à temps com­plet pour per­mettre aux AESH de vivre digne­ment de leur travail ;

-       aban­don­ner les PIAL et la poli­tique de mutua­li­sa­tion des moyens ;

-       créer un véri­table sta­tut de la Fonction publique pour recon­naître le métier d’AESH ;

-       recru­ter mas­si­ve­ment des AESH pour per­mettre aux élèves en situa­tion de han­di­cap de béné­fi­cier d’un accom­pa­gne­ment à la hau­teur des notifications.

À l’occasion de cette mobi­li­sa­tion des AESH et de leur ras­sem­ble­ment devant la DSDEN à Chartres, c’est sur cette base qu’une délé­ga­tion a été reçue en audience par Madame Julien-Titeux (Secrétaire géné­rale), M. Le Drollec (de la DAFIG2) et M. Jannière repré­sen­tant Mme Grimoin (IEN ASH3), por­tant sur l’évaluation annuelle, les PIAL , les recru­te­ments et le temps de travail.

Une audience auprès des ser­vices dépar­te­men­taux de l’Éducation nationale

Chartres 03-06-2021 Rassemblement AESHSelon Sandrine Leclerc et Arnaud Cochard-Prier, rédac­teurs du compte ren­du de l’audience, « nous ne rete­nons qu’un point posi­tif qui est le pas­sage de 10 col­lègues à temps plein. Nous sommes encore une fois dans l’attente de plu­sieurs réponses et de la mise en place d’annonces pro­met­teuses (créa­tion d’un sta­tut AESH, aug­men­ta­tion des salaires, recru­te­ment à la hau­teur des besoins). Nous conti­nue­rons à défendre les droits des AESH natio­na­le­ment et localement ».

Dans cette pers­pec­tive, il faut sou­li­gner une totale conver­gence de vues entre les cen­trales syn­di­cales qui se sont mobi­li­sées ce jeudi.

Il est impor­tant de faire entendre cette mobi­li­sa­tion qui s’est dérou­lée dans un cli­mat très digne et qui par bien des aspects fait écho à toutes les luttes en cours, notam­ment dans le monde des arts vivants avec les actions menées en Eure et Loir, comme par­tout en France.

Ce com­bat concerne l’ensemble des citoyens, puisque néces­sai­re­ment, la dégra­da­tion scan­da­leuse des condi­tions de tra­vail et de rému­né­ra­tion des AESH n’est pas sans réper­cus­sions sur l’ensemble de la socié­té, à com­men­cer par les jeunes en situa­tion de han­di­cap et leurs familles.

A cet égard, en plus du total mépris du gou­ver­ne­ment envers les mil­lions de per­sonnes concer­nées direc­te­ment ou indi­rec­te­ment par le han­di­cap et la sco­la­ri­té, il faut dénon­cer le fait que dans de nom­breux pays, les gou­ver­ne­ments ont fait le choix d’investir mas­si­ve­ment dans l’Éducation. En France, le gou­ver­ne­ment fait plu­tôt le choix de conti­nuer à sup­pri­mer des postes, à mépri­ser les per­son­nels et en par­ti­cu­lier les AESH – des femmes en très grande majo­ri­té – alors même que les effec­tifs aug­mentent et que la crise sani­taire néces­site un inves­tis­se­ment consé­quent dans l’Éducation, pour l’a­ve­nir de la jeu­nesse et de notre pays.

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  1. Direction des ser­vices dépar­te­men­taux de l’Éducation natio­nale (ex-Inspection académique).
  2. Division des affaires finan­cières et générales.
  3. Inspectrice de l’Éducation natio­nale char­gée de l’a­dap­ta­tion sco­laire et de la sco­la­ri­sa­tion des élèves handicapés.