AESH : Pour la reconnaissance d’une profession méprisée
Comme dans la plupart des grandes villes de France, une action de mobilisation s’est déroulée le jeudi 3 juin à Chartres pour porter les revendications des Accompagnant·es d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) :
- Pour une revalorisation des salaires et la création d’un véritable statut de la profession,
- Contre les Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés (PIAL) et la précarité.
Cette action a été lancée à l’appel de l’intersyndicale nationale CGT éduc’action, FNEC-FP-FO, FSU, SUD éducation, SNALC et SNCL-FAEN, relayée en Eure-&-Loir par les quatre premières organisations devant les locaux de la DSDEN1 à Chartres.
La mobilisation fait suite à la journée nationale d’action du 8 avril dernier qui, par son ampleur et en lien avec d’autres luttes – notamment celles des intermittents des Arts vivants – a permis d’alerter sur la situation subie par ces personnels.
Invisibilité de la profession
Selon le tract intersyndical, cette action se place dans un contexte d’invisibilité totale de la profession doublée d’une totale non prise en compte par le gouvernement du rôle crucial tenu par les AESH.
D’après l’intersyndicale, « aujourd’hui un‑e agent‑e de l’Éducation nationale sur dix est AESH ». Les AESH sont indispensables tant auprès des élèves que dans les équipes pluri-professionnelles. Selon la FSU, « 118.000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en 2006, ils étaient 340.000 en 2018 », soit presqu’un triplement en 12 ans. « 26.000 étaient accompagnés, ils sont aujourd’hui plus de 166.000 », soit 6,4 fois plus !
Le SNES-FSU souligne que « ces progrès ont été accomplis grâce au travail des AESH, qui permettent à l’école de progresser vers une inclusion plus ambitieuse. Il reste cependant beaucoup à faire pour que le métier d’AESH soit reconnu à sa juste valeur ». Le syndicat demande à ce que les AESH bénéficient d’un statut de fonctionnaire et d’une rémunération plus juste. La création d’un diplôme doit venir sanctionner leur formation. Par ailleurs, face à des situations d’épuisement, il est nécessaire de tenir compte de la pénibilité du travail des AESH.
Une pénibilité non reconnue
Cette pénibilité est édifiante. « Le travail consiste à aider les élèves sans déranger le cours ». A titre indicatif, cela concerne en particulier les tâches suivantes : être assis à côté d’eux, leur chuchoter les consignes, échanger le matériel, les aider dans les gestes quotidiens (manteaux, toilettes etc.), pousser leurs fauteuils, gérer des crises, rassurer avec des gestes réconfortants, les aider à manger, à écrire, à lire, à comprendre les autres. Un AESH présent au rassemblement souligne qu’il passe les dizaines de missions supplémentaires accomplies dans la plus parfaite invisibilité « bref, notre travail n’a AUCUN sens sans contact rapproché ».
« Nous accompagnons leurs élèves dans une grande promiscuité. Comment, dans ces conditions, respecter et faire respecter les gestes barrières ? ». Par temps ordinaire, c’est déjà très dur. Par temps de Covid, c’est pire.
Concernant les PIAL, la CGT déclare qu’« en généralisant ces PIAL sans évaluation préalable, l’Éducation nationale nous vante une meilleure utilisation des ressources AESH pour accompagner vos enfants. Sur le terrain, le constat est sans appel : les PIAL sont un outil de gestion purement comptable, déconnectée et déshumanisée ».
PIAL : Un outil de gestion de la pénurie
Ce constat est partagé par SUD éducation : « cette réorganisation de notre travail est présentée par le ministère de l’Éducation nationale comme un atout. En fait, il compense les difficultés de recrutement sur le dos des AESH, les réduisant ainsi à une variable d’ajustement des politiques de l’école inclusive ».
De son côté, FO ne dit pas autre chose : « Les PIAL sont un outil de gestion de la pénurie des ressources. Ils se combinent avec l’objectif de réduire le nombre de places et de personnels dans les établissements spécialisés. Derrière la mutualisation de l’accompagnement, c’est une dégradation insupportable des conditions de travail et de vie pour les personnels AESH. (…) Lorsque l’enfant n’a pas d’accompagnant, le professeur se retrouve démuni, avec des classes dont les effectifs sont de plus en plus lourds ».
Pour un salaire moyen totalement indigne (800 euros par mois !), les conditions de travail sont tout autant révoltantes : changements incessants d’emploi du temps, réaffectations brutales (d’école primaire en lycée, collège ou école maternelle, contre leur gré), absence de formation préalable, affectations simultanément sur deux voire trois établissements ou écoles, recrutement indifféremment sur tous types de besoins spécifiques, accompagnement de plus en plus d’élèves sur des territoires géographiques de plus en plus étendus, multiplication des tracasseries administratives, absence d’interlocuteur unique, etc. Ce ne sont que des exemples de situations vécues, parmi bien d’autres…
De toute cette organisation totalement déstructurée et aliénante, il découle pour les AESH une totale impossibilité de faire le lien avec les équipes pédagogiques. Quant aux élèves, ils sont privés de plus en plus d’heures d’aide humaine, ce qui pénalise leur développement et se répercute négativement sur les familles, déjà elles-mêmes éprouvées et pour lesquelles le processus administratif préalable est déjà très long et fastidieux.
Salaires, abandon des PIAL, statut pour les AESH au cœur des revendications
Les syndicats ayant lancé l’appel à la grève du 3 juin sont unanimes pour souligner l’urgence à :
- engager l’augmentation des salaires et garantir la possibilité de contrats à temps complet pour permettre aux AESH de vivre dignement de leur travail ;
- abandonner les PIAL et la politique de mutualisation des moyens ;
- créer un véritable statut de la Fonction publique pour reconnaître le métier d’AESH ;
- recruter massivement des AESH pour permettre aux élèves en situation de handicap de bénéficier d’un accompagnement à la hauteur des notifications.
À l’occasion de cette mobilisation des AESH et de leur rassemblement devant la DSDEN à Chartres, c’est sur cette base qu’une délégation a été reçue en audience par Madame Julien-Titeux (Secrétaire générale), M. Le Drollec (de la DAFIG2) et M. Jannière représentant Mme Grimoin (IEN ASH3), portant sur l’évaluation annuelle, les PIAL , les recrutements et le temps de travail.
Une audience auprès des services départementaux de l’Éducation nationale
Selon Sandrine Leclerc et Arnaud Cochard-Prier, rédacteurs du compte rendu de l’audience, « nous ne retenons qu’un point positif qui est le passage de 10 collègues à temps plein. Nous sommes encore une fois dans l’attente de plusieurs réponses et de la mise en place d’annonces prometteuses (création d’un statut AESH, augmentation des salaires, recrutement à la hauteur des besoins). Nous continuerons à défendre les droits des AESH nationalement et localement ».
Dans cette perspective, il faut souligner une totale convergence de vues entre les centrales syndicales qui se sont mobilisées ce jeudi.
Il est important de faire entendre cette mobilisation qui s’est déroulée dans un climat très digne et qui par bien des aspects fait écho à toutes les luttes en cours, notamment dans le monde des arts vivants avec les actions menées en Eure et Loir, comme partout en France.
Ce combat concerne l’ensemble des citoyens, puisque nécessairement, la dégradation scandaleuse des conditions de travail et de rémunération des AESH n’est pas sans répercussions sur l’ensemble de la société, à commencer par les jeunes en situation de handicap et leurs familles.
A cet égard, en plus du total mépris du gouvernement envers les millions de personnes concernées directement ou indirectement par le handicap et la scolarité, il faut dénoncer le fait que dans de nombreux pays, les gouvernements ont fait le choix d’investir massivement dans l’Éducation. En France, le gouvernement fait plutôt le choix de continuer à supprimer des postes, à mépriser les personnels et en particulier les AESH – des femmes en très grande majorité – alors même que les effectifs augmentent et que la crise sanitaire nécessite un investissement conséquent dans l’Éducation, pour l’avenir de la jeunesse et de notre pays.
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- Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (ex-Inspection académique).
- Division des affaires financières et générales.
- Inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés.