Dusciana Bravura à Chartres :
regard masculin — regard féminin

L’artiste ita­lienne Dusciana Bravura est mosaïste… mais pas seule­ment et ce ne sont pas des mosaïques qu’elle pré­sente à la cha­pelle Saint-Éman* mais des œuvres à ‘’tech­niques mixtes’’. Pour autant, les agran­dis­se­ments  pho­to­gra­phiques qui servent de base à ses tableaux pré­sentent sou­vent une pixel­li­sa­tion dont les petits rec­tangles ne sont pas sans rap­pe­ler les tes­selles traditionnelles.

 

Dusciana Bravura a inti­tu­lé son expo­si­tion « Prénom Vénus » et pla­cé en regard de ses œuvres accro­chées aux cimaises des phal­lus mul­ti­co­lores et étin­ce­lants (à base de verre et mur­rine1 de Murano) comme pour en sou­li­gner la pré­do­mi­nance… « J’ai vou­lu dénon­cer une vision des orien­ta­tions du mâle et son pou­voir »2 dit-elle, « Le regard mas­cu­lin domi­nant condi­tionne les actions, les modes de vie »3 conti­nue-t-elle, repre­nant les écrits de la jour­na­liste et fémi­niste Jennifer Guerra plu­sieurs fois cités dans l’exposition. « Pour nous libé­rer du regard mas­cu­lin, nous devons créer un regard féminin. »

 

C’est à quoi s’attache l’artiste. Sur les murs, des por­traits de femmes qui ont agi pour leur éman­ci­pa­tion ou ont été des pion­nières dans tel ou tel domaine. Les images de ces femmes sont impri­mées sur un feutre ce qui donne l’impression qu’elles sont recou­vertes d’un voile qui  en atté­nue le ren­du, les efface. On pour­rait dire, en osant le jeu de mots, qu’elles sont ren­voyées dans les brumes de l’Histoire par une gaze, ce tis­su de fils écar­tés ; en fait par le ‘’male gaze’’, le regard mas­cu­lin, notion déve­lop­pée à par­tir de 1975 par la cri­tique de ciné­ma bri­tan­nique Laura Mulvey. Ou, inter­pré­ta­tion plus opti­miste, que les images de ces femmes se révèlent len­te­ment comme dans un bain photographique.

 

Mais Dusciana Bravura  n’est pas une fémi­niste conflic­tuelle « Je ne vou­lais pas contra­rier vos regards »2 affirme-t-elle. C’est sans doute pour­quoi, mal­gré le mou­ve­ment mon­dial Me too, on ne trouve dans son expo­si­tion que la figure de Greta Thunberg comme figure fémi­nine vrai­ment contem­po­raine. Cela n’empêche pas de saluer cette expo­si­tion qui ne peut pas lais­ser indifférent·e !

J.C.

* L’exposition est visible jusqu’au 5 sep­tembre du mar­di au dimanche de 14 à 18 h. à la cha­pelle Saint-Éman, 11 rue Saint-Éman à Chartres.

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  1. Images faites dans une canne en verre qui se révèlent lors­qu’elles sont taillées en coupe transversale.
  2. L’Écho répu­bli­cain, 23-07-2021 p. 7.
  3. Présentation de l’exposition.