Les Communes de Province : Lyon

Après, une pre­mière chro­nique consa­crée à la Commune de Paris qui explique la genèse de cet évé­ne­ment, nous avons sui­vi les péri­pé­ties semaine après semaine.

Pendant quelques semaines, nous nous pro­po­sons de faire un retour en arrière pour évo­quer les Communes pro­vin­ciales… qui ont par­fois pré­cé­dé celle de Paris. Aujourd’hui, nous évo­quons la Commune de Lyon qui a connu trois temps dont le pre­mier en sep­tembre 1870.

Retrouvez les liens vers toutes les éphé­mé­rides parues et tous les articles sur la page Nos articles sur la Commune.

 

Les mou­ve­ments com­mu­na­listes en dehors de Paris

Communes de Lyon Paris Marseille, par Moloch

Communes de Lyon Paris Marseille, par Moloch

 

La pro­vince n’était pas com­plè­te­ment réac­tion­naire et hos­tile à la Commune de Paris. Certes, de nom­breux notables sont acquis aux idées légi­ti­mistes mais il existe, dans plu­sieurs régions, des défen­seurs de la République démo­cra­tique et sociale. S’imaginer un Paris cou­pé de la pro­vince, seul contre les « ruraux » de Versailles est faux. En fait, les com­mu­ni­ca­tions se fai­saient, un grand nombre de sym­pa­thies pour la Commune dans les vil­lages et les cam­pagnes s’est expri­mé et même un peu au-delà, en Belgique et en Suisse, telles qu’elles appa­raissent dans les bio­gra­phies du dic­tion­naire Maitron [https://maitron.fr/pro­vince] : plus de 800 bio­gra­phies sont concernées. 

À La Charité-sur-Loire, Cosne-sur-Loire, Voiron, Forcalquier, Foix, Périgueux, Le Mans, La Ferté-Bernard, Rouen, Grenoble, Bordeaux, ten­ta­tives de mani­fes­ta­tions, affi­chages clan­des­tins, sor­tie du dra­peau rouge sont rap­por­tés par les pré­fets, des listes « rouges » gagnent aux élec­tions. Beaucoup réclament plus de pou­voir pour les municipalités.

En mars 1871, des Communes sont proclamées :

Le 23 : pro­cla­ma­tion des Communes de Marseille et de Lyon.

Le 24 : pro­cla­ma­tion des Communes de Narbonne et de Saint Étienne.

Le 25 : pro­cla­ma­tion de la Commune de Toulouse.

Le 26 : pro­cla­ma­tion de la Commune du Creusot.

Le 28 : fin des Communes de Saint-Étienne et de Toulouse.

 

De la Croix-Rousse à la Guillotière :

La Commune à  Lyon en trois épisodes

Michel Bakounine [portrait]

Michel Bakounine

 

Depuis les luttes des canuts, la ville a été mise sous tutelle (police d’État et sup­pres­sion du maire). La concen­tra­tion ouvrière y est très forte.

Six mois avant la Commune de Paris, le tout neuf « Comité de Salut public  » décrète la « Commune de Lyon » ain­si que des élec­tions muni­ci­pales. Le dra­peau rouge flotte sur l’hôtel de ville le 4 sep­tembre 1870. Mais le conseil élu est modéré.

Le 28 sep­tembre, à midi, une colonne de plu­sieurs mil­liers d’ouvriers non armés débou­cha sur la place des Terreaux. Le plâ­trier Eugène Saignes pénètre avec un groupe de mani­fes­tants déci­dés com­pre­nant, entre autres, Michel Bakounine, et André Bastelica, à l’intérieur de l’hôtel-de-ville. Depuis le bal­con, Saignes pro­clame quelques minutes plus tard la déchéance des auto­ri­tés. Alertés les bataillons de l’ordre arrivent. Le face à face mena­çant de tour­ner au bain de sang le Comité du salut de la France se refuse à mar­cher à l’affrontement. Vers 18 heures, tout est terminé.

Affiche_seconde_Commune_de_Lyon,

Affiche de la deuxième Commune de Lyon

Le 22 mars 1871, devant le refus du maire de sou­te­nir Paris et la Commune, le comi­té cen­tral de la garde natio­nale  enva­hit l’hôtel de ville, hisse à nou­veau le dra­peau rouge, et pro­clame une nou­velle Commune mais démis­sionne le 25, se refu­sant à une inter­ven­tion san­glante. 67 per­sonnes sont arrê­tées, le conseil muni­ci­pal modé­ré rap­pelle son atta­che­ment à la répu­blique, et à l’autonomie muni­ci­pale pour Paris et les grandes villes.

Le 30 avril sui­vant, un petit groupe pré­pare et déclenche une émeute dans la quar­tier de la Guillotière : les gardes natio­naux inter­disent l’accès aux urnes avec la com­pli­ci­té de la majo­ri­té de la popu­la­tion pour pro­tes­ter contre la loi du 16 avril sur les muni­ci­pales, impo­sées par le gou­ver­ne­ment. Des bar­ri­cades sont dres­sées Grand — Rue de la Guillotière et cours des Brosses (actuel cours Gambetta). L’armée arrive face à une foule de 20 000 à 25 000 per­sonnes qui crie « Ne tirez pas ! Crosse en l’air ! On vous fait mar­cher contre le peuple ! ». elles sont dis­per­sées par la cava­le­rie. Les insur­gés ripos­tant de der­rière les bar­ri­cades, la bataille dure jusqu’à 23h, moment où les mili­taires font don­ner l’artillerie pour enfon­cer les portes de la Mairie. On compte plu­sieurs dizaines de morts, 339 arres­ta­tions, 156 pour­suites. Les gardes sont désar­més, des jour­naux fermés.

Commission provisoire de la Commune de Lyon [Archives-municipales-Lyon]

Commission pro­vi­soire de la Commune de Lyon

La Commune de Lyon est consi­dé­rée comme un pas­sage de relais en matière d’opposition entre les ouvriers de la soie de la Croix-Rousse et les nou­veaux métiers de la métal­lur­gie de la Guillotière , com­po­sés d’ouvriers moins formés.

___________

Sources :

Quentin Deluermoz : Commune(s), 1870–1871, une tra­ver­sée des mondes au XIXe siècle, Éditions du Seuil, 2019.

Michelle Zancarini-Fournel : Les luttes et les rêves, Une his­toire popu­laire de la France de 1685 à nos jours, Zones / La Découverte, 2016

https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/dossier-thematique/les-communes-en-province