Tribune : ”Faire émerger une candidature de rassemblement à gauche”
Parce qu’« aucun des candidats annoncés à gauche ne peut gagner seul », une grande primaire est nécessaire, alerte, dans une tribune au « Monde » du 7 janvier, un collectif réunissant des artistes, écrivains, universitaires, membres du milieu associatif, emmenés par le réalisateur Cyril Dion.
Cyril Dion, Charles Berling, Emily Loizeau, Dominique Méda, Thomas Piketty… Une trentaine de personnalités appellent « à faire émerger une candidature de rassemblement à gauche »
Les discours de haine semblent gagner tous les jours du terrain. Ils nous rappellent les heures les plus sombres de l’histoire de France et nous font craindre un avenir proche semé de divisions, de violences et d’exclusions. Faire barrage à la haine, c’est encore possible, mais c’est urgent : en avril il sera trop tard.
Tout aussi urgent : le bouleversement climatique fait chaque année des milliers de morts, annonçant un avenir invivable, fait de sécheresses, d’inondations toujours plus fréquentes et plus violentes, et d’ouragans plus puissants…
Pourtant nous connaissons les solutions pour gagner la bataille du climat. Mais notre seule chance d’y arriver demande un sérieux changement de cap. Avec cinq candidatures qui disent, chacune, « ma priorité, c’est le climat et la justice sociale », on est certains que ces priorités cruciales n’ont aucune chance de l’emporter en avril.
Eviter un second tour Macron-Zemmour
« Notre système politique est bloqué. Chaque jour, nos institutions, inadaptées et sclérosées, s’enfoncent un peu plus dans la crise. Faute de propositions satisfaisantes, de perspectives claires et de résultats tangibles, nos concitoyens sont nombreux à s’abstenir aux élections, quand ils ne s’abandonnent pas aux promesses insensées et au discours de haine du Rassemblement national et de l’extrême droite. Trop souvent, nous nous contentons de voter “contre”, pour éliminer l’“autre” candidat. Pire, nous ne votons pas, atterrés par la médiocrité de l’offre politique et son incapacité à se renouveler. »
« Nous sommes des millions à trouver ridicules et suicidaires les cinq candidatures annoncées qui se donnent toutes pour priorités “le climat et la justice sociale” »
C’est par ces mots que commençait l’« Appel pour une primaire à gauche » signé il y a six ans par Yannick Jadot et plusieurs d’entre nous (Libération, 10 janvier 2016). Six ans plus tard, la nécessité d’une grande primaire est encore plus évidente : 70 % des Français ne veulent pas d’un second tour Macron-Le Pen, selon un sondage IFOP publié en février 2021. Et nous sommes des millions à vouloir éviter à tout prix un second tour Macron-Zemmour ou Macron-Pécresse.
Nous sommes également des millions à vouloir rompre avec quarante ans d’accroissement des inégalités et des discriminations. Des millions à constater qu’Emmanuel Macron n’a vraiment pas été à la hauteur dans la lutte contre le dérèglement climatique et contre les inégalités. Des millions à trouver ridicules et suicidaires les cinq candidatures annoncées qui se donnent toutes pour priorités « le climat et la justice sociale ».
Macron a mis de la violence partout
Sans un sursaut imposé par les citoyens, le pire est aujourd’hui devenu le plus probable. En 2002, pour la première fois dans l’histoire de la République, Jean-Marie Le Pen arrivait au second tour de la présidentielle. Vingt ans après, on risque pire : une victoire de l’extrême droite. « Impossible », disent certains. Ils sous-estiment la colère dans notre pays. Sondage après sondage, le pronostic reste le même, si Marine Le Pen ou Eric Zemmour atteignent le second tour, ils pourraient rassembler 45 % des voix, voire 48 % !
De son côté, par son incapacité à engager un véritable dialogue, Emmanuel Macron a mis de la violence partout. Il est passé en force pour la réforme du chômage comme pour la loi « sécurité globale », qui mine nos libertés fondamentales et notre démocratie. Il a réprimé violemment la contestation dans la rue, a exacerbé les inégalités, trahi son engagement vis-à-vis de la convention citoyenne pour le climat…
En février 2018, M. Macron affirmait devant la presse qu’il était arrivé au pouvoir « par effraction ». Pour reprendre en main notre avenir, ne faut-il pas que les citoyens fassent « effraction » dans le jeu politique ? Depuis trois ans, des milliers de jeunes descendent dans les rues pour le climat et contre les discriminations. Pour 2022, ils ont décidé, à leur tour, de s’inviter dans le jeu politique, et disent : « Stop. On ne vous laissera pas ruiner notre avenir avec vos vieilles querelles politiciennes. »
Un ambitieux programme social-écologique
Un certain nombre de ces jeunes ont lancé le projet de primaire populaire. Impliqués dans les combats sociaux et environnementaux, ils portent des solutions concrètes pour préserver notre planète et humaniser nos sociétés. Pour faire gagner ces solutions, ils proposent que les citoyens choisissent eux-mêmes une candidature unique et une équipe capable de porter un ambitieux programme social-écologique en 2022. C’est la meilleure manière de faire naître le futur que nous sommes des millions à espérer.
Après la crise financière de 2008, on avait dit qu’on allait tout changer. Pourtant rien n’a changé, ou si peu. Pendant le confinement, on rêvait à ce « monde d’après ». Mais c’est toujours le monde d’avant qui domine. Si rien n’est fait pour stabiliser le climat et réduire les inégalités, le monde de demain sera pire…
Climat, justice sociale, renouveau démocratique, c’est le cœur des dix solutions de rupture du « socle commun » construit par les jeunes qui ont dialogué longuement avec douze partis dont Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste, le Parti communiste et La France insoumise.
Une vraie loi « climat »
Imaginez une victoire de ce programme le 24 avril : dès le mois de mai, on organiserait un sommet pour transformer l’Europe. Dès l’été prochain, une vraie loi « climat » serait votée, qui reprendrait l’ensemble des propositions de la convention citoyenne. Un nouveau pacte social serait négocié, qui permettrait de sauver les retraites en créant massivement des emplois de qualité pendant qu’une conférence citoyenne pour le renouveau démocratique préparerait la naissance d’une VIe République…
Aucun des cinq candidats annoncés ne peut gagner seul. Ils le savent. À nous, citoyens, d’aider à faire émerger une candidature puissante, de rassemblement. Ce ne sont pas les sondages qui écrivent l’histoire, ce sont les femmes et les hommes qui se rassemblent pour agir. Le projet de primaire populaire n’est pas « à prendre ou à laisser », il peut être amélioré. Mais c’est la proposition d’union la plus aboutie et elle a déjà reçu le soutien de près de 300 000 personnes.
Signataires : Yann Arthus-Bertrand, photographe, reporter, réalisateur ; Charles Berling, acteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste, producteur ; Alice Brauns, coadministratrice d’Unis pour le climat ; Julia Cagé, économiste ; Agnès Catoire, membre de la convention citoyenne pour le climat ; Alain Coulombel, membre du bureau d’Europe Ecologie-Les Verts ; Cyril Dion, réalisateur, écrivain ; Camille Etienne, militante pour la justice sociale et climatique ; Michel Fugain, chanteur ; François Gèze, éditeur ; Anne Hessel, médecin, coprésidente du parti politique Nouvelle Donne ; Jean Jouzel, climatologue ; Noémie de Lattre, actrice ; Philippe Lemoine, entrepreneur et essayiste ; Denez L’Hostis, ancien président de France Nature Environnement ; Emily Loizeau, autrice-compositrice-interprète ; Lucie Lucas, actrice ; Dominique Méda, sociologue ; Philippe Meirieu, essayiste, politologue ; Roland Mérieux, retraité, membre de l’équipe d’animation nationale du mouvement Ensemble ! ; Stanislas Nordey, acteur et metteur en scène ; Thomas Piketty, économiste ; Marie-Monique Robin, réalisatrice et écrivaine ; Coline Serra, secrétaire nationale de la Primaire populaire ; François Soulage, ancien président du collectif Alerte ; Patrick Viveret, cofondateur du réseau Dialogues en humanité ; Gabriel Zucman, économiste.