Paroles de manifestant•e•s :
‘’Tout augmente, sauf nos salaires’’
Lors de la manifestation interprofessionnelle, à Chartres, le 27 janvier, nous avons interrogé des manifestant·e·s. Toutes les personnes ont répondu à nos demandes sans hésiter, avec un dynamisme réconfortant, les mécontentements sont nombreux et convergents ; il serait temps que le pouvoir ouvre les yeux sur les conséquences d’une politique sociale inique dont il va devoir répondre.
La demande d’augmentation des salaires et des pensions est générale : du retraité de l’industrie au jeune enseignant en passant par l’ouvrier dans l’Education nationale. Les salarié·e·s de la santé et du social le savent aussi : plusieurs catégories, pourtant jugées indispensables dans cette période difficile par temps de Covid, sont rémunérées sans considération des services rendus à la société et des besoins réels. « Un grand mépris pour les travailleurs, et les travailleuses en particulier » dit avec amertume une salariée qui travaille dans le secteur social.
Les oublié·e·s du Ségur de la santé
Dans ce secteur et le médico-social et la santé, il y a les oublié·e·s du Ségur : les 183 € accordés à certaines catégories doivent revenir à toutes et tous les personnels, insistent plusieurs personnes interrogées qui se mobiliseront de nouveau mardi 1er février à Chartres.
Plusieurs salarié·e·s qui nous ont parlé de leur salaire insuffisant n’ont pas omis d’évoquer les hausses des prix : produits de consommation courante, factures, essence, un scandale qui a fait se battre les Gilets Jaunes durant deux années « mais que le gouvernement a réussi à décourager avec quelques miettes puis le silence » analyse Jacques.
Les enseignants ‘’à bout’’
Deux enseignantes de maternelle mettent au premier plan la protection de leur santé. Elles se disent « à bout ». Les enfants sont là, ils sont parfois touchés par le Covid ainsi que des maîtresses et d’autres personnels de l’école, obligé·e·s de s’absenter, si bien que leurs collègues doivent assurer les activités dans des conditions encore plus difficiles. « Sans masques adaptés — promis mais pas arrivé s‑, sans remplaçants, avec l’angoisse en permanence. » Pour d’autres professeurs d’école ou du second degré ce sont les salaires bas qui exigent une revalorisation urgente. En effet, selon l’OCDE1, les salaires des enseignants français sont à la 8ème place du classement européen.
Joël Silly, responsable de la section Retraités de la FSU28, estime qu’il y a urgence à augmenter les salaires et le niveau des pensions de retraite. Sans oublier les besoins en matière de santé et de dépendance.
Protocole ’’délirant’’
Un directeur d’école explique que le protocole Covid est « délirant », prend la majorité du temps. Ce temps qui lui manque pour le suivi des élèves et la gestion de l’école. Il faudrait davantage d’heures de décharge ou du personnel supplémentaire comme on en trouve dans les collèges, « Le travail des directeurs est épuisant. Le Covid exacerbe ces difficultés ». Et les salaires ne sont pas à la hauteur du niveau Bac+5, niveau d’un ingénieur.
Cyril, enseignant-éducateur spécialisé, qui travaille avec des élèves en difficulté scolaire, demande des remplaçants (une professeure absente n’est pas remplacée depuis plus de deux mois), des augmentations de salaires. Il insiste sur la situation des AED2 qui travaillent 42 h. par semaine pour environ 1200 € et qui passent des nuits en internat. Il ajoute le besoin de vraies formations pour tous les personnels qui doivent être formés pour des élèves en difficulté.
‘’Qu’est-ce que cela dit de notre République ?’’
Mathieu, professeur de musique en collège, se plaint du nombre d’élèves par classe : « On fait des économies sur le dos de nos enfants en mettant 30 élèves par classe ». Il critique l’anonymat des décideurs de l’administration. Il aimerait « rencontrer ces gens-là ». « Qu’est-ce qu’on donne comme avenir à nos élèves ? » Ces conditions de travail, ces décisions prises par des anonymes le mettent en colère : « C’est une grande claque pour nous et qu’est-ce que cela dit de notre République ? »
Un couple de retraités qui, l’un et l’autre, ont travaillé dans une grande entreprise de Chartres — où l’homme a été responsable syndical — placent les salaires et les pensions de retraite en priorité. « La Carsat va augmenter nos pensions de 1,1%, on est loin du compte. Ce sera vite consommé vu l’augmentation des prix ». Et le retraité évoque aussi les prix exorbitants des maisons de retraite « qui, elles, s’enrichissent. »
‘’Le niveau de nos salaires est devenu catastrophique’’
Thomas est enseignant en collège dans le nord du département, il a 28 ans. Il fait un parallèle avec les professions représentées dans cette manifestation interprofessionnelle : « On est mal considérés, traités avec peu de dignité ». Il est demandé aux enseignants de travailler plus avec moins de moyens, ce qui est demandé aussi aux cheminots, aux infirmiers, aux postiers. « On fait partie des services publics qui ne sont pas considérés comme rentables. » Il aime son métier et n’envisage pas de démissionner, il veut continuer d’être utile aux enfants : « Mon avenir, je l’imagine combatif » dit-il. Quant au salaire : « On n’est pas rémunérés à la hauteur de nos 5 ou 6 années d’études, en 20 ans le niveau de nos salaires est devenu catastrophique ».
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- Organisation de coopération et de développement économiques.
- Assistants d’Éducation.