Paroles de manifestant•e•s :
‘’Tout augmente, sauf nos salaires’’

Lors de la mani­fes­ta­tion inter­pro­fes­sion­nelle, à Chartres, le 27 jan­vier, nous avons inter­ro­gé des manifestant·e·s. Toutes les per­sonnes ont répon­du à nos demandes sans hési­ter, avec un dyna­misme récon­for­tant, les mécon­ten­te­ments sont nom­breux et conver­gents ; il serait temps que le pou­voir ouvre les yeux sur les consé­quences d’une poli­tique sociale inique dont il va devoir répondre.

 

Chartres 27-01-2022 Manifestation Interprofessionnelle SalairesLa demande d’augmentation des salaires et des pen­sions est géné­rale : du retrai­té de l’industrie au jeune ensei­gnant en pas­sant par l’ouvrier dans l’Education natio­nale. Les salarié·e·s de la san­té et du social le savent aus­si : plu­sieurs caté­go­ries, pour­tant jugées indis­pen­sables dans cette période dif­fi­cile par temps de Covid, sont rému­né­rées sans consi­dé­ra­tion des ser­vices ren­dus à la socié­té et des besoins réels. « Un grand mépris pour les tra­vailleurs, et les tra­vailleuses en par­ti­cu­lier » dit avec amer­tume une sala­riée qui tra­vaille dans le sec­teur social.

Les oublié·e·s du Ségur de la santé

Dans ce sec­teur et le médi­co-social et la san­té, il y a les oublié·e·s du Ségur : les 183 € accor­dés à cer­taines caté­go­ries doivent reve­nir à toutes et tous les per­son­nels, insistent plu­sieurs per­sonnes inter­ro­gées qui se mobi­li­se­ront de nou­veau mar­di 1er février à Chartres.

Chartres 27-01-2022 Manifestation Interprofessionnelle SalairesPlusieurs salarié·e·s  qui nous ont par­lé de leur salaire insuf­fi­sant n’ont pas omis d’évoquer les hausses des prix : pro­duits de consom­ma­tion cou­rante, fac­tures, essence, un scan­dale qui a fait se battre les Gilets Jaunes durant deux années « mais que le gou­ver­ne­ment a réus­si à décou­ra­ger avec quelques miettes puis le silence »  ana­lyse Jacques.

Les ensei­gnants ‘’à bout’’

Deux ensei­gnantes de mater­nelle mettent au pre­mier plan la pro­tec­tion de leur san­té. Elles se disent « à bout ». Les enfants sont là, ils sont par­fois tou­chés par le Covid ain­si que des maî­tresses et d’autres per­son­nels de l’école, obligé·e·s de s’absenter, si bien que leurs col­lègues doivent assu­rer les acti­vi­tés dans des condi­tions encore plus dif­fi­ciles. « Sans masques adap­tés — pro­mis mais pas arri­vé s‑, sans rem­pla­çants, avec l’angoisse en per­ma­nence. » Pour d’autres pro­fes­seurs d’école ou du second degré ce sont les salaires bas qui exigent une reva­lo­ri­sa­tion urgente. En effet, selon l’OCDE1, les salaires des ensei­gnants fran­çais sont à la 8ème place du clas­se­ment européen.

Joël Silly, res­pon­sable de la sec­tion Retraités de la FSU28, estime qu’il y a urgence à aug­men­ter les salaires et le niveau des pen­sions de retraite. Sans oublier les besoins en matière de san­té et de dépendance.

Protocole ’’déli­rant’’

Chartres 27-01-2022 Manifestation Interprofessionnelle SalairesUn direc­teur d’école explique que le pro­to­cole Covid est « déli­rant », prend la majo­ri­té du temps. Ce temps qui lui manque pour le sui­vi des élèves et la ges­tion de l’école. Il fau­drait davan­tage d’heures de décharge ou du per­son­nel sup­plé­men­taire comme on en trouve dans les col­lèges, « Le tra­vail des direc­teurs est épui­sant. Le Covid exa­cerbe ces dif­fi­cul­tés ». Et les salaires ne sont pas à la hau­teur du niveau Bac+5, niveau d’un ingénieur.

Cyril, ensei­gnant-édu­ca­teur spé­cia­li­sé, qui tra­vaille avec des élèves en dif­fi­cul­té sco­laire, demande des rem­pla­çants (une pro­fes­seure absente n’est pas rem­pla­cée depuis plus de deux mois), des aug­men­ta­tions de salaires.  Il insiste sur la situa­tion des AED2 qui tra­vaillent 42 h. par semaine pour envi­ron 1200 € et qui passent des nuits en inter­nat. Il ajoute le besoin de vraies for­ma­tions pour tous les per­son­nels qui doivent être for­més pour des élèves en difficulté.

’Qu’est-ce que cela dit de notre République ?’’

Chartres 27-01-2022 Manifestation Interprofessionnelle SalairesMathieu, pro­fes­seur de musique en col­lège, se plaint du nombre d’élèves par classe : « On fait des éco­no­mies sur le dos de nos enfants en met­tant 30 élèves par classe ». Il cri­tique l’anonymat des déci­deurs de l’administration. Il aime­rait « ren­con­trer ces gens-là ». « Qu’est-ce qu’on donne comme ave­nir à nos élèves ? » Ces condi­tions de tra­vail, ces déci­sions prises par des ano­nymes le mettent en colère : « C’est une grande claque pour nous et qu’est-ce que cela dit de notre République ? »

Un couple de retrai­tés qui, l’un et l’autre, ont tra­vaillé dans une grande entre­prise de Chartres — où l’homme a été res­pon­sable syn­di­cal — placent les salaires et les pen­sions de retraite en prio­ri­té. « La Carsat va aug­men­ter nos pen­sions de 1,1%,  on est loin du compte. Ce sera vite consom­mé vu l’augmentation des prix ». Et le retrai­té évoque aus­si les prix exor­bi­tants des mai­sons de retraite «  qui, elles, s’enrichissent. »

’Le niveau de nos salaires est deve­nu catastrophique’’

Thomas est ensei­gnant en col­lège dans le nord du dépar­te­ment, il a 28 ans. Il fait un paral­lèle avec les pro­fes­sions repré­sen­tées dans cette mani­fes­ta­tion inter­pro­fes­sion­nelle : « On est mal consi­dé­rés, trai­tés avec peu de digni­té ». Il est deman­dé aux ensei­gnants de tra­vailler plus avec moins de moyens, ce qui est deman­dé aus­si aux che­mi­nots, aux infir­miers, aux pos­tiers. « On fait par­tie des ser­vices publics qui ne sont pas consi­dé­rés comme ren­tables. » Il aime son métier et n’envisage pas de démis­sion­ner, il veut conti­nuer d’être utile aux enfants : « Mon ave­nir, je l’imagine com­ba­tif » dit-il. Quant au salaire : « On n’est pas rému­né­rés à la hau­teur de nos 5 ou 6 années d’études, en 20 ans le niveau de nos salaires est deve­nu catastrophique ».

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  1. Organisation de coopé­ra­tion et de déve­lop­pe­ment économiques.
  2. Assistants d’Éducation.