Autour du film ‘Olga’ :
L’histoire et le présent de l’Ukraine

Chartres 23-05-2022 Enfants-du-Paradis AERéSP Olga Goussef

De nom­breux jeunes Ukrainiens venus pour le film

La séance aux Enfants du Paradis de Chartres, le 23 mai, avec la pro­jec­tion du film « Olga » ini­tiée par l’AERéSP 28 et le groupe char­train d’Amnesty International a atti­ré 70 spec­ta­teurs et, par­mi  eux une ving­taine d’Ukrainien·ne·s dont beau­coup de jeunes et adolescents.

La révo­lu­tion Euromaïdan

Le débat qui a sui­vi était ani­mé par Catherine Goussef, his­to­rienne spé­cia­liste des migra­tions. D’entrée, elle pré­cise que la révo­lu­tion, dite Euromaïdan, sur la place cen­trale de Kiev (dont on voit des images d’archives dans le film), a duré trois mois (fin 2013-début 2014) et abou­ti à la fuite vers la Russie du pré­sident pro-Russe Ianoukovytch. Depuis cette date, l’Ukraine est en guerre suite à la pro­cla­ma­tion de deux répu­bliques sépa­ra­tistes sou­te­nues par la Russie dans le Donbass et à l’annexion de la Crimée par celle-ci. « C’est la genèse de la guerre actuelle », déduit-elle.

Olga [Photo 8]

Image de la place Maïdan en révolte [extrait du film]

Terre des marges”, terre disputée

Elle pour­suit « L’Ukraine, comme son nom l’indique ‘’terre des marges’’, a une his­toire d’une très grande diver­si­té liée à des ter­ri­toires qui ont beau­coup chan­gé de main » et elle cite l’exemple de la fron­tière ukrai­no-polo­naise fixée après la Deuxième Guerre mon­diale et entraî­nant le dépla­ce­ment de 2 mil­lions de per­sonnes « parce qu’il fal­lait faire des fron­tières eth­niques ». Avec la remise en cause de sa fron­tière Est à par­tir de 2014, « c’est un pays qui n’en finit pas d’être agres­sé, comme pié­gé dans l’Histoire dans une sorte de bor­dure d’empire qui  aujourd’hui clame sa renaissance. »

De nom­breux russophones

Mais Catherine Goussef affirme qu’ « il y a aus­si une très grande proxi­mi­té avec la Russie […] notam­ment lin­guis­tique. » Elle pré­cise que, dans le film, Olga, l’héroïne, parle en russe avec sa mère mais en ukrai­nien avec son amie sauf quand celle-ci se met à uti­li­ser le russe pour l’accuser d’être indif­fé­rente aux évé­ne­ments de Maïdan. L’intervenante rap­porte la teneur de pro­pos du réa­li­sa­teur ukrai­nien rus­so­phone Sergei Loznitsa qui estime que « le boy­cott de la culture russe est une façon aus­si de péna­li­ser les Ukrainiens. » L’historienne pense que « la réa­li­té des choses est tou­jours beau­coup plus com­plexe [que le rai­son­ne­ment] dans les termes étroits du natio­na­lisme. En ce qui concerne l’Ukraine, on n’a pas encore trou­vé le bon concept pour décrire cette diver­si­té qui n’empêche pas l’existence d’une com­mu­nau­té natio­nale […] au sens politique. »

Olga [Photo 7]

La place Maïdan à la lumière des por­tables [extrait du film]

Tous les pro­blèmes ont été impor­tés par les troupes russes”

Inna Le Gall, res­pon­sable de l’Association des Ukrainien d’Eure-&-Loir, apporte alors son témoi­gnage et son point de vue. Elle pré­cise qu’elle est née à 40 km de Donetsk : « Il n’y avait pas de pro­blème au niveau de cette région [Donbass], ni au niveau des langues, ni au niveau des poli­tiques. Tous les pro­blèmes ont été inven­tés par les Russes, appor­tés par les troupes russes […] il n’y avait pas de sépa­ra­tistes, en fait. » Elle affirme que si, en 2014, « la com­mu­nau­té euro­péenne et la com­mu­nau­té mon­diale avaient mis en place les sanc­tions comme aujourd’hui, il n’y aurait pas de guerre de 2022. » 

Les gens qui par­laient russe ne le veulent plus”

Concernant la culture, Inna pense « qu’on a tout à fait rai­son d’oublier la culture russe […] après la Deuxième guerre mon­diale [à pro­pos de l’allemand], on disait tou­jours c’est la langue de Hitler et on avait honte d’apprendre l’allemand. C’est ce qui se passe avec le russe. […] dans la com­mu­nau­té ukrai­nienne, les gens qui par­laient russe ne veulent plus par­ler russe […] On peut les comprendre. »

La pos­si­bi­li­té de chan­ger notre rap­port à l’étranger”

Chartres 23-05-2022 Enfants-du-Paradis AERéSP Olga Goussef

Catherine Goussef

Catherine Goussef met ensuite l’accent sur le consen­sus euro­péen inédit pour l’accueil des exi­lés ukrai­niens : « C’est une pre­mière grande chose dans l’histoire de l’Europe […] Beaucoup de col­lec­tifs sont mobi­li­sés pour l’accueil des Ukrainiens mais aus­si pour l’accueil des Russes et des Biélorusses. […] L’exil des Russes depuis le 24 février est éva­lué à 300 000 per­sonnes. » En contraste, elle rap­pelle ce qui s’est pas­sé juste avant (fin 2021) à la fron­tière entre Biélorussie et Pologne (donc à la fron­tière de l’Union euro­péenne) où « énor­mé­ment de réfu­giés syriens, afghans » ont été confron­tés à l’installation de bar­be­lés sous pré­texte de ne pas ali­men­ter un flot de réfu­giés… qui était de l’ordre de 10 000 per­sonnes. Elle conclut: « Ce défer­le­ment a eu lieu […] au début de cette guerre où en huit jours, il y a eu plus d’un mil­lion de per­sonnes qui ont fran­chi la fron­tière […] Il n’a pas entrai­né d’hostilité, de peur, de fan­tasme d’invasion, […] l’hospitalité a sem­blé tout à fait natu­relle à cha­cun […] cette guerre nous dit quelque chose de la pos­si­bi­li­té de chan­ger notre rap­port à l’étranger. »