L’Agenda 21, AlimenTERRE, FESTISOL :
Éclairages d’un photographe engagé
Depuis plusieurs années, différents lycées et collèges de la Région Centre sont impliqués sur l’Agenda 21 et aussi sur le Festival AlimenTERRE, en lien avec le Festival des Solidarités (FESTISOL) qui démarre aujourd’hui à Chartres son édition annuelle. Pour en savoir plus, nous avons demandé des précisions à Christophe Pénicaud qui intervient depuis plusieurs années sur ces initiatives et festivals. Sur ce site, nous avons déjà publié des articles à propos de ses expositions photographiques sur les thématiques de l’Agenda 21, à l’invitation des élèves et de leurs professeurs. Photographe amateur chartrain, cet intervenant est ancien chargé de missions en santé publique en Afrique, Asie et Caraïbes.
Cette interview est illustrée d’affiches concernant l’après-midi Festisol à Mainvilliers le 20 novembre.
Christophe, vous intervenez depuis plusieurs années sur l’Agenda 21, de quoi s’agit-il ?
L’Agenda 21 (ou Action 21) est un programme global d’actions transversales pour le développement durable au 21ème Siècle qui a été adopté en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro. Le préambule du texte indique que cet Agenda 21 « aborde les problèmes urgents d’aujourd’hui et cherche aussi à préparer le monde aux tâches qui l’attendent au cours du siècle prochain ».
L’Agenda 21 recommande fortement de sensibiliser l’opinion sur les questions de développement durable dont les finalités essentielles sont (1) l’épanouissement de tous les êtres humains, (2) la cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations, (3) la préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources, (4) la lutte contre le changement climatique, (5) une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.
À ce titre, oui, différentes initiatives ont été prises en Région Centre, et notamment dans différents lycées (Fulbert à Chartres, Duhamel-du-Monceau à Pithiviers, etc.) ainsi que dans des collèges et écoles primaires (Châteaudun, Dreux etc.) où des professeurs et des élèves se sont mobilisés de façon très intéressante, notamment dans le cadre du Festival AlimenTERRE qui s’inscrit dans cet Agenda. Mon rôle est juste d’accompagner le mouvement par des rencontres avec des élèves autour de photos prises en marge de mes missions de santé publique dans une quarantaine de pays du Sud.
Quel est l’objet de ce Festival AlimenTERRE ?
Il s’agit d’un festival qui a lieu tous les ans depuis plus de 15 ans, de mi-octobre à fin novembre ; c’est un événement international qui amène les citoyens à comprendre les causes de la faim et à se mobiliser pour l’accès de tous à une alimentation suffisante et de qualité en France et dans le monde.
Dans les deux lycées précités de Chartres et Pithiviers, ces dernières années, les professeures et leurs élèves ont mis l’accent sur le rôle des femmes dans l’alimentation et l’agriculture, en mettant en évidence le travail invisible et les mauvaises conditions d’ensemble alors que l’impact socio-économique de cette mobilisation est considérable.
Globalement, ces interventions d’Alimentaire ont rencontré beaucoup de succès. A la suite de la dernière édition, une très grande majorité des personnes a indiqué avoir « pris conscience que leurs actions peuvent avoir des impacts sur les problématiques mondiales ». À Fulbert, rien que sur la première semaine, « 26 classes ou groupes ont assisté aux projections des documentaires soit environ 750 élèves et étudiant.es et 15 enseignant.es engagé.es ».
N’intervenez-vous qu’en milieu scolaire ?
A part les expositions « AlimenTERRE » et celles dans des médiathèques (comme à Mainvilliers sur le développement durable) ou des centres culturels (comme à Lucé sur le droit des enfants et aussi sur les violences faites aux femmes) qui ont permis d’échanger avec le public, il y a eu d’autres occasions, comme par exemple une exposition sur les femmes algériennes à la Maison des Syndicats ou encore la récente exposition au Fonds Régional d’Art contemporain (FRAC) à Orléans dans le cadre du 12ème colloque de Mix-Cités 45 « Femmes des lumières et de l’ombre » sur « les femmes et leur corps », autant d’interventions que vous avez couvertes, ce dont je vous remercie.
Il y a eu aussi une participation à différents autres festivals, comme par exemple le Festival pour l’égalité des sexes (Festiv.Elles) en mars dernier ou encore FESTISOL qui démarre aujourd’hui.
Quel est l’objet de FESTISOL ?
Le Festival des Solidarités (FESTISOL) a lieu tous les ans en novembre avec pour objet mettre en lumière les actions des citoyennes et des citoyens, des associations, portées par des valeurs d’ouverture d’entraide, de justice et de paix.
Ce festival démarre aujourd’hui et va être marqué par toute une série d’évènements avec la participation de plus d’une vingtaine d’organisations d’Eure-et-Loir [1], comme par exemple le groupe local d’Amnesty international dont je fais partie.
La première manifestation de ce festival qui a lieu ce soir au Foyer d’accueil Chartrain (salle de L’Aéronef, 12 rue Hubert Latham) est un spectacle tiré de l’ouvrage ‘Les Passeurs de livres de Daraya’ de Delphine Minoui. Sous les bombes de la ville syrienne, des jeunes font vivre une bibliothèque clandestine. Une manière d’affirmer la persistance et la nécessité de la culture, et la force de la citoyenneté face au néant d’une guerre fratricide.
Sur cet évènement, FESTISOL est en partenariat avec le Festival du Légendaire, le Foyer d’Accueil Chartrain et la Ligue de l’Enseignement d’Eure et Loir.
Concrètement, comment s’organisent ces interventions dans les établissements scolaires ?
Ces dernières années, dans les établissements ayant pris part à ces actions de l’Agenda 21 et du Festival AlimenTERRE, les photos exposées ont été prises pour la plupart lors de mes missions de santé publique à travers le monde pendant une quarantaine d’années en particulier sur les questions de politique de santé maternelle et infantile, incluant des aspects de récupération nutritionnelle. Ces expositions ont été accompagnées de séances d’échanges avec les classes et leurs professeurs. En amont, les professeurs se sont mobilisés avec leurs élèves qui se sont montrés très actifs dans la recherche documentaire, le montage des expositions, des interviews, la confection des affiches, d’un site, etc.
Les sujets abordés par les élèves sont en général très diversifiés et je m’efforce d’orienter mes réponses en fonction de la matière des classes. Beaucoup d’interventions avec les classes européennes se font en anglais.Je parle aussi des métiers de santé publique et d’aide au développement de façon à aider les élèves dans leur orientation, ces métiers-là étant en général peu connus. Il y a aussi des séances avec le public.
Il s’agit donc d’un travail d’équipe ?
Oui, c’est le bon terme. L’implication des équipes d’enseignement – qui sont d’ailleurs surtout des femmes – est décisive, sans laquelle rien ne serait possible. De mon côté, je n’interviens pas seul. L’an dernier, les expositions ont été faites avec un jeune photographe et vidéaste afghan qui venait d’arriver en France, Abdul Hamid Mandgar, qui a maintenant ses papiers en règle et qui participe à de très nombreux concours internationaux en remportant d’importants prix et distinctions. Certaines de ses vidéos ont été présentées aux élèves qui les ont beaucoup appréciées et commentées – en anglais, d’un très bon niveau, du reste. Delui, on trouvera en particulier sous ce lien une video « Colorless », tournée en Afghanistan, autour de la danse, de la musique et de la violence d’un frère envers sa sœur. Ce film a été très souvent primé, notamment aux USA, en Inde, en Allemagne, etc.
Les autres années, j’ai pu aussi présenter des photos de mon fils Sylvain – ancien élève de Fulbert et actuellement en mission pour Médecin Sans Frontières dans l’Est de la République du Congo. Pour cette année, lors de la rencontre du Festival des Solidarités (FESTISOL) ce dimanche 20 novembre à la Salle des Fêtes de Mainvilliers (1 avenue Jean Jaurès) de 14 à 19 heures, il y aura aussi une exposition de photos prises par ma fille Adeline, très poétiques sur le monde qui l’entoure autour des questions liées à la maternité : « Vivre avec… ».
Quels sont les thèmes spécifiques de ces interventions dans les établissements scolaires ?
Au fil des années, les thèmes retenus par les professeurs et leurs élèves ont été très diversifiés. Il y a eu tour à tour un accent mis sur le développement durable : « Portes ouvertes aux Suds ». Puis, un important travail autour de la question des femmes dans le monde, et spécialement sur les inégalités, le travail, la maternité, l’accès aux soins, l’accès à l’éducation, etc. : « un homme sur deux est une femme » mentionné ci-dessus.
Ces interventions sont aussi en lien avec les objectifs de Développement du Millénaire. Par exemple, pour sensibiliser à l’objectif n°2 – « éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable d’ici 2030 » – le Festival AlimenTERRE propose chaque année une sélection de films et documentaires traitant des différentes problématiques. Des expositions de panneaux sur les Objectifs de Développement du Millénaire ont aussi permis de sensibiliser les élèves sur le développement durable et en particulier sur l’objectif n°3 : « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » et sur l’objectif n°5 : « améliorer la santé maternelle ».
A Fulbert, l’exposition s’est faite en synergie avec d’autres actions menées par les élèves et leurs professeures dans le cadre de l’Agenda 21, telles que le « Green Friday », fin novembre, autour de la question des déchets, du recyclage etc.
Quelles sont les prochaines actions ?
Dans le cadre de la rencontre FESTISOL à la Salle des Fêtes de Mainvilliers dont nous venons de parler, il est prévu une autre exposition au stand d’Amnesty international, intitulé « nos combats pour les droits humains » qui présentera différentes photos dans les thématiques diverses (réfugiés et migrants, droit des enfants, liberté d’expression, contrôle des armes, conflits armés et populations, responsabilité des entreprises, violences faites aux femmes, droits sexuels et reproductifs, discriminations, etc.). Ces photos seront accompagnées de panneaux documentaires.
Cette exposition sera donnée à côté de deux autres, toujours au stand d’Amnesty. La première est intitulée «slamons contre les violences faites aux femmes et le racisme », il s’agit de panneaux présentant un texte écrit par les jeunes du Centre socio-éducatif de Mainvilliers qui avait donné lieu à un spectacle de slam. L’autre exposition, avec pour titre « Discriminations en B.D. », présentera des travaux d’élèves du lycée Marceau de la classe des arts plastiques. Techniquement, tous ces panneaux sont très bien faits et, sur le fond, ils sont porteurs de messages très forts et très justes.
Sur un autre stand, celui de la Fédération des Œuvres Laïques, je présenterai une autre exposition intitulée « mécaniques des inégalités (champs et contrechamps) » avec certaines photos qui vont être exposées à Chartres (lycée Fulbert) jusque début décembre. Comme pour les autres années, pour cette exposition, un groupe d’élèves de spécialité « Histoire des Arts » a été associé au montage de l’exposition, ainsi qu’à la communication autour de l’événement et enfin à la médiation.
Vous avez évoqué Amnesty International, pouvez-vous préciser ?
L’exposition de FESTISOL précède de quelques jours la campagne mondiale et annuelle d’Amnesty international « 10 jours pour signer » pour mettre en lumière et changer la situation de personnes ou groupes de personnes victimes de violations de droits humains, parmi lesquelles se trouvent de nombreuses femmes engagées dans la lutte contre toutes les discriminations, le sexisme, la ségrégation, les violences policières, l’inaction des gouvernements face au changement climatique etc.
Avec les journées mondiales du 20 et du 25 novembre, Amnesty se mobilise aussi sur le droit des enfants et contre les violences faites aux femmes. Les principales actions en cours sont de dénoncer la situation des migrants en Méditerranée ainsi que celle des travailleurs étrangers au Qatar (coupe du monde de foot qui vient de démarrer), des minorités au Xinjiang, du peuple palestinien en Israël et sur les territoires palestiniens occupés, des femmes en Afghanistan, etc. sans oublier les crimes de guerre partout dans le monde, en Ukraine, notamment. Les combats actuels portent aussi sur la dénonciation des ventes d’armes de la France dans des pays en guerre (Yemen),de la remise en cause du droit à l’avortement (Etats-Unis…), de la répression des manifestations suite à la mort de MahsaAmini en Iran ou encore de l’impunité dont jouissent les auteurs des crimes de génocides ou crimes de guerre (Cambodge, Rwanda, ex-Yougoslavie, République centrafricaine…).
Je suis membre de cette organisation sans discontinuité depuis 1977, avec des périodes d’inaction militante, mais maintenant, depuis quelques années, j’ai rejoint le groupe chartrain qui est assez actif avec par exemple des actions de sensibilisation sur les droits humains dans les lycées et collèges de la Région. Le groupe se mobilise aussi pour la campagne nationale sur le droit de manifester où toutes les contributions sont bienvenues (chartres@amnestyfrance.fr).
Qu’est-ce qui vous a amené à intervenir dans la thématique de l’Agenda 21 et des initiatives portées par AlimenTERRE, FESTISOL, Amnesty?
Vu l’état du monde, il faut réagir et pour moi, le travail fait dans les écoles est merveilleux car je trouve que ces échanges pourront peut-être produire chez certains élèves une prise de conscience salutaire pour un monde meilleur. De plus, l’expérience observée depuis plusieurs années montre par exemple que le festival AlimenTERRE qui parle de notre vaste monde permet aussi de nouer et de développer des liens avec des personnes autour de soi, à commencer par des professionnels du monde agricole et alimentaire de la Région qui interviennent simultanément auprès des élèves.
Ces ouvertures que procurent ces interventions sont très enrichissantes. Etant donné que j’ai pas mal voyagé, ça me semble utile de partager ce que j’ai vu et vécu, d’autant que les régions où j’ai travaillé sont en général méconnues, très défavorisées, avec parfois des situations compliquées comme l’Afghanistan, l’Angola, les pays du Sahel, la République démocratique du Congo ou Haïti.
Quel a été votre parcours ?
Né dans une région périphérique du Tchad, j’ai passé mes premières années dans des zones de savane, puis dans un coin du Sahara (Kanem), puis en région parisienne avant de suivre mes classes secondaires en pension à Brest et à La Flèche. Après des études à Paris, Oxford et Berlin en sciences politiques et en économie, j’ai travaillé sur des projets de long terme (Nigeria, Indonésie, etc.) avant de m’établir à Chartres avec ma femme et nos trois enfants il y a une vingtaine d’années.
Menées dans une quarantaine de pays (surtout en Asie, Afrique et Caraïbes) depuis une quarantaine d’années pour le compte d’organismes internationaux d’aide au développement dans l’environnement puis dans la santé publique, mes activités ont porté ces dernières années sur la formulation, la mise en œuvre ou l’évaluation de systèmes de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile, et aussi contre le SIDA, le paludisme et les maladies non transmissibles. Agé de 67 ans, je suis maintenant à la retraite.
Pour conclure ?
Je voudrais souligner la mobilisation très remarquable des associations réunies dans le collectif de FESTISOL, coordonné par Roxane Milet qui, par ailleurs, est la cheville ouvrière des actions de l’Agenda 21 et d’AlimenTERREau lycée Fulbert. Merci à elle ainsi qu’à Anne-Sophie Taulier, Violaine Carme, Carole Janvier, Elisabeth Mesplé, Nadine Ky ainsi que bien d’autres de leurs collègues et la direction du lycée Fulbert pour leur accueil, pour leur mobilisation et aussi pour l’organisation des diverses séances d’échanges avec les élèves, les professeurs et le public.
Je voudrais aussi remercier Hervé Martin, un grand photographe qui s’est éteint en juillet dernier, laissant un grand vide parmi ses amis. C’était un homme généreux, qui a animé pendant de longues années le club « Chartres Objectif » et qui m’a beaucoup apporté. Ces expositions photographiques sont dédiées à sa mémoire.
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- ACAT 28 ‘Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), Agir Abcd 28 (Association Générale des Intervenants Retraités), Aidaphi 28 (Association Interdépartementale pour le Développement des Actions en faveur des Personnes Handicapées et Inadaptées), Apprentis d’Auteuil 28, Amnesty International groupe de Chartres, APF France Handicap 28 (Association des Paralysés de France), Apprentis d’Auteuil 28, CCFD Terre Solidaire 28 (Comité catholique contre la faim et pour le Développement), Colibri 28, AERESP 28 (Collectif pour la Régularisation des Sans-papiers), Entraide Guinée, Epicerie Solidaire de Mainvilliers, Le jardin des Idées, La Liane du Sénégal, Ligue de l’enseignement 28, Lycée Efagrir Franz Stock de Mignières, Association Nomad Mainvilliers, Pastorale des Migrants 28, Secours Catholique 28, Solidarité Laïque 28, Voyageurs Solidaires.