Rassemblement pour l’Ukraine à Chartres : Douleur, émotion, solidarité, espoir
« Parfois, on pense que c’est un rêve, on va ouvrir les yeux et le pays sera comme il était avant, sans guerre. » C’est par ces mots qu’Inna Le Gall, présidente de l’Association des Ukrainiens et Amis de l’Ukraine en Centre-Val de Loire (UUF-CVL) ouvre le rassemblement anniversaire du déclenchement de l’invasion russe. Hélas, ce n’est qu’un rêve et toutes les prises de paroles vont le rappeler douloureusement mais avec, parfois, des notes d’espoir.
Le grand cercle formé au milieu de la place des Épars rassemble au moins 130 personnes et d’autres s’y arrêtent au passage. Inna remercie les associations françaises qui durant toute cette année ont soutenu les réfugiés comme la Croix Rouge et elle cite Forum 281. Elle remercie aussi tous les Français qui ont hébergé les réfugiés ukrainiens
La langue ukrainienne existe
C’est Inna qui traduit les témoignages. Elle explique : « Les Russes on dit que la langue ukrainienne c’est la langue russe déformée. Leur but c’est de détruire la culture, d’effacer les Ukrainiens de la Terre. C’est pour cette raison qu’il faut prouver tous les jours que la langue ukrainienne existe. » Signe du traumatisme créé par l’invasion, une femme qui est en France depuis 8 ans s’excuse, ’’J’ai honte de parler russe2’’, dit-elle, au moment d’évoquer le massacre de Boutcha où réside encore sa famille.
Inna se souvient « de nos premières manifestations. On était ici deux semaines après le début de la guerre, on était ici un mois après le début de la guerre, plusieurs mois après… un an après, on est toujours là, très nombreux. Aujourd’hui, on est 300 personnes dans notre association et environ 600 Ukrainiens sont accueillis en Eure-et-Loir. »
L’unité du peuple ukrainien a permis de résister
Bien peu de monde imaginait le 24 février 2022 que le pays aurait pu résister plus que quelques semaines. La présidente de l’UUF-CVL répond : « Pourquoi ? Parce que le peuple ukrainien est uni comme jamais. Le peuple ukrainien a le droit d’exister malgré le narratif de la Russie terroriste selon lequel il n’existe pas. Il a son identité, il a sa langue, il a sa culture et surtout il a la volonté de vivre libre. Il n’a jamais voulu les terres des autres voisins. »
Olena enchaîne : « C’est très important que nous soyons unis avec tous les pays de l’Europe, avec les États-Unis, avec les pays pour qui la démocratie ce n’est pas seulement un mot. On espère que la victoire est très proche. »
Les valeurs communes de la Révolution française
Puis les témoignages se succèdent. D’abord, celui de Maria, 15 ans, qui vient de Kiev, s’exprime en français : « Je n’ai pas vu mes proches qui sont restés en Ukraine depuis un an » et confie « En étudiant l’histoire de la Révolution française, j’ai vu tout ce que nous avons en commun. Nous apprécions tout autant la liberté, l’indépendance et la démocratie. Ces mots ont été prononcés au prix de nombreuses vies et, aujourd’hui, le peuple ukrainien paie un prix extrêmement pour sa liberté, son indépendance et sa démocratie. » Constat de l’importance du sentiment religieux en Ukraine, elle termine par la lecture d’un psaume biblique.
Oratrice inattendue, Zara, 5 ou 6 ans, dont les grands-parents sont restés en Ukraine, dit qu’elle s’ennuie beaucoup, que la famille lui manque. À la question « Est-ce que tu es heureuse ici ? », elle répond « Je suis très heureuse en France car maman est près de moi. »
Kharkiv éprouvée mais résiliente
Changement de ton avec Anna qui raconte le premier jour de la guerre à Kharkiv, la fuite de beaucoup. Au bord des larmes, elle montre une photo de son immeuble éventré et calciné, qui a été atteint par un missile russe le 7 juin dernier. Elle n’a plus d’appartement. La ville est proche de la frontière russe et, le quartier nord (le sien) particulièrement exposé. « Il est noir, il n’existe plus. Mais la mairie fait tout son possible pour redonner la vie, pour remettre l’eau, pour être prêts pour le printemps. Le printemps c’est toujours une nouvelle vie. On a l’espoir que tout va s’arranger, on va reconstruire, toutes nos vies seront plus belles qu’elles étaient avant la guerre. »
Crimes de guerre
Olena reprend le micro et montre le portrait du fils de sa marraine qui a été assassiné en mars 2022 dans un petit village. «C’était un civil. Il n’était pas armé. Il a été abattu par un sniper russe. Il faisait du vélo. Son cadavre est resté un mois dans la rue, tout le temps de l’occupation de ce village par les Russes. » Elle lance un appel aux Ukrainien·ne·s présent·e·s : « Les crimes contre l’humanité sont recensés en France. Si vous êtes témoins de crimes de guerre, vous pouvez m’écrire3. Je suis en relation avec le ministère de l’Intérieur. Tous les crimes seront punis. »
Solidarités françaises
Andréa, chartraine, apporte un autre point de vue « Il ya un an, j’étais sur cette place et, très choquée comme beaucoup de Français, je voulais faire quelque chose. J’ai eu la chance de pouvoir donner des cours de français car, au-delà de la guerre, c’est tous vos visages, tous les Ukrainiens que j’ai rencontrés. Je voulais vous dire merci pour votre énergie, pour votre amour de la vie, vous apportez un sang neuf à l’Europe. »
Une religieuse qui a vécu 14 ans en Ukraine et qui organise en Eure-et-Loir la collecte de dons4, s’adresse à la foule en ukrainien et dit qu’elle est tombée amoureuse du peuple ukrainien : « En tant que Française, je ne peux pas comprendre comment on peut avoir les missiles qui tombent sur la tête et dire que tout va s’arranger. Là-bas, on est positif, on croit en la victoire. »
Le rassemblement s’achève par un échange de mercis entre Français·e·s et Ukrainien·ne·s présent·e·s, et par l’hymne ukrainien chanté par une petite fille guère plus âgée que Zara, avant le partage d’une boisson chaude bienvenue en cette journée de bise.
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- Depuis le début de la guerre, notre site ensemble28.forum28 a été présent aux rassemblements et en a rendu compte.
- Avant la guerre, environ 25% des habitant·e·s de la région de Boutcha parlaient russe.
- Prendre contact avec Olena par l’intermédiaire de l’Union des Ukrainiens : cvl@gmail.com
- Voir ici la nature des dons collectés par les Sœurs de Saint-Paul de Chartres.