Mathieu Dalmais a gesticulé pour une sécurité sociale alimentaire
Ce dimanche 26 novembre, la scène est presque vide, presque sans accessoires. Devant une cinquantaine de personnes, Mathieu Dalmais commence à raconter, une assiette (en carton) en main. Un peu d’histoire avec celle de l’assiette qui, selon Paul Ariès1, sert depuis Louis XIV à hiérarchiser la position des convives en fonction de leur place autour de la table.
L’assiette, un objet chargé d’histoire
Il évoque quelques souvenirs d’enfance avec son grand-père attaché à la ‘‘vraie cuisine, pas cette purée mousseline mon garçon.…’’, avec Coluche et les Enfoirés dont il brandit le single en chantonnant, Coluche qui voulait sortir les gens de la pauvreté, quelques professeurs qui lui ont fait découvrir le développement durable.
Manœuvres de la grande distribution et de l’agro-industrie
Plus tard, la lecture des œuvres de Marc Dufumier2 le décide à refuser le diplôme que lui délivre en 2011 son école d ‘ingénieur, et va voir ailleurs : Via Campesina, AlimenTERRE, les Amap3, la Confédération paysanne… Mathieu nous raconte sa lecture critique du Rapport 2008 de la commission pour la libération de la croissance française de Jacques Attali — Macron y a participé -. Il nous décrit Stéphane Le Foll (‘‘l’agroécologie c’est bon pour le tourisme’’… ) tout prêt à ne rien faire du tout face aux difficultés que rencontrent aujourd’hui les nombreuses initiatives pour produire et consommer différemment, en butte aux manœuvres et récupération de la grande distribution, du secteur agro-industriel… et dont les produits sont inaccessibles à 37 % de la population : ‘‘ces trucs, ces labels, c’est pour les cadres… !’’.
L’alimentation est une question de classe
Alors, Mathieu brandit l’assiette : l’alimentation est une question de classe sociale. Il cite Bénédicte Bonzi4 pour qui ‘‘l’aide alimentaire est devenue un véritable débouché économique pour tout ce que la filière agro-industrielle produit en trop’’, en détaille le processus. Il se réfère à Jean Ziegler5 : ‘‘Être dépendant de l’aide induit une désocialisation, de l’isolement, la peur de la faim rend docile et maintient la paix sociale.’’ Il commente les récents travaux de Magali Ramel6 pour qui ‘‘l’alimentation est bien plus qu’un ventre à remplir’’.
Il faut donc inverser tout le système agricole libéral, partir de l’alimentation comme le revendique en 2021 le Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire Reprendre la terre aux machines, revenir à la fonction première de l’agriculture : nourrir les vivants.
Voir sur youtube une conférence gesticulée de Mathieu Dalmais
Pour une sécurité sociale de l’alimentation
Il faut re-partir de l’assiette, d’une assiette durable qui est aussi une assiette bonne pour la santé, et surtout une assiette accessible à tous.
Après un clin d’œil à Jean Ferrat
La porte du bonheur est une porte étroite
Qu’on ne me dise plus que c’est la porte à droite
Qu’il ne faut plus rêver et qu’il est opportun
D’oublier nos folies d’avant quatre-vingt-un
Mathieu Dalmais nous présente les travaux autour du projet sur lequel il travaille depuis 2016 : une Sécurité sociale de l’alimentation7 porté par un collectif d’organisations, s’inspirant de la Sécurité sociale du Conseil National de la Résistance et d’Ambroise Croizat : enfin mettre en œuvre le droit à l’alimentation, défini par l’ONU. Populariser ce système alimentaire universel, démocratique et durable, basé sur le conventionnement, les cotisations, voilà pourquoi notre ingénieur agronome s’est transformé en intermittent du spectacle. Plusieurs interventions et questionnements ont prolongé la soirée.
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- Paul Ariès est chercheur, politologue et militant, auteur de nombreux livres dont Une histoire politique de l’alimentation, du Paléolithique à nos jours, Max Milo Éditions, 2016.
- Marc Dufumier, ingénieur agronome, auteur entre autres de L’Agroécologie peut nous sauver, 2019
- Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne.
- Bénédicte Bonzi, anthropologue : La France qui a faim : Le don à l’épreuve des violences alimentaires, 2023.
- Jean Ziegler, sociologue, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation (des populations) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
- Magali Ramel, docteure en droit public, autrice d’une thèse : Le droit à l’alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France Une des seules juristes en France à travailler sur la thématique du droit à l’alimentation.
- Droit à l’alimentation : c’est le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne.
D’autres références utilisées par Mathieu Dalmais
- Kate Pickett et Richard Wilkinson, épidémiologistes : « Pour vivre heureux, vivons égaux ! », Les Liens qui libèrent, 2019 et « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous », Les Petits Matins, 2013.
- Nicolas Da Silva, docteur en sciences économiques : La Bataille de la Sécu, Une histoire du système de santé, La Fabrique, 2022.