Mathieu Dalmais a gesticulé pour une sécurité sociale alimentaire

Chartres 26-11-2023 COMPA Conférences gesticulée Dalmais De la fourche à la fourchetteCe dimanche 26 novembre, la scène est presque vide, presque sans acces­soires. Devant une cin­quan­taine de per­sonnes, Mathieu Dalmais com­mence à racon­ter, une assiette (en car­ton) en main. Un peu d’histoire avec celle de l’assiette qui, selon Paul Ariès1, sert depuis Louis XIV à hié­rar­chi­ser la posi­tion des convives en fonc­tion de leur place autour de la table.

L’assiette, un objet char­gé d’histoire

Il évoque quelques sou­ve­nirs d’enfance avec son grand-père atta­ché à la ‘‘vraie cui­sine, pas cette purée mous­se­line mon gar­çon.…’’, avec Coluche et les Enfoirés dont il bran­dit le single en chan­ton­nant, Coluche qui vou­lait sor­tir les gens de la pau­vre­té, quelques pro­fes­seurs qui lui ont fait décou­vrir le déve­lop­pe­ment durable.

Manœuvres de la grande dis­tri­bu­tion et de l’agro-industrie

Chartres 26-11-2023 COMPA Conférences gesticulée Dalmais De la fourche à la fourchettePlus tard, la lec­ture des œuvres de Marc Dufumier2 le décide à refu­ser le diplôme que lui délivre en 2011 son école d ‘ingé­nieur, et va voir ailleurs : Via Campesina, AlimenTERRE, les Amap3, la Confédération pay­sanne… Mathieu nous raconte sa lec­ture cri­tique du Rapport 2008 de la com­mis­sion pour la libé­ra­tion de la crois­sance fran­çaise de Jacques Attali — Macron y a par­ti­ci­pé -. Il nous décrit Stéphane Le Foll (‘‘l’agroécologie c’est bon pour le tou­risme’’… ) tout prêt à ne rien faire du tout face aux dif­fi­cul­tés que ren­contrent aujourd’hui les nom­breuses ini­tia­tives pour pro­duire et consom­mer dif­fé­rem­ment, en butte aux manœuvres et récu­pé­ra­tion de la grande dis­tri­bu­tion, du sec­teur agro-indus­triel… et dont les pro­duits sont inac­ces­sibles à 37 % de la popu­la­tion : ‘‘ces trucs, ces labels, c’est pour les cadres… !’’.

L’alimentation est une ques­tion de classe

Alors, Mathieu bran­dit l’assiette : l’alimentation est une ques­tion de classe sociale. Il cite Bénédicte Bonzi4   pour qui  ‘‘l’aide ali­men­taire est deve­nue un véri­table débou­ché éco­no­mique pour tout ce que la filière agro-indus­trielle pro­duit en trop’’, en détaille le pro­ces­sus. Il se réfère à Jean Ziegler5 : ‘‘Être dépen­dant de l’aide induit une déso­cia­li­sa­tion, de l’isolement,  la peur de la faim rend docile et main­tient la paix sociale.’’ Il com­mente les récents tra­vaux de Magali Ramel6 pour qui ‘‘l’alimentation est bien plus qu’un ventre à rem­plir’’.

Il faut donc inver­ser tout le sys­tème agri­cole libé­ral, par­tir de l’a­li­men­ta­tion comme le reven­dique en 2021 le Manifeste pour une auto­no­mie pay­sanne et ali­men­taire Reprendre la terre aux machines, reve­nir à la fonc­tion pre­mière de l’agriculture : nour­rir les vivants.

 

Voir sur you­tube une confé­rence ges­ti­cu­lée de Mathieu Dalmais

Sécurité sociale de l'alimentation [Affiche]

Sécurité sociale de l’a­li­men­ta­tion [Affiche]

Pour une sécu­ri­té sociale de l’alimentation

Il faut re-par­tir de l’assiette, d’une assiette durable qui est aus­si une assiette bonne pour la san­té, et sur­tout une assiette acces­sible à tous.

Après un clin d’œil à Jean Ferrat

La porte du bon­heur est une porte étroite
Qu’on ne me dise plus que c’est
la porte à droite
Qu’il ne faut plus rêver et qu’il est opportun
D’oublier nos folies d’avant quatre-vingt-un 

Mathieu Dalmais nous pré­sente les tra­vaux autour du pro­jet sur lequel il tra­vaille depuis 2016 : une Sécurité sociale de l’alimentation7  por­té par un col­lec­tif d’organisations, s’inspirant de la Sécurité sociale du Conseil National de la Résistance et d’Ambroise Croizat : enfin mettre en œuvre le droit à l’alimentation, défi­ni par l’ONU. Populariser ce sys­tème ali­men­taire uni­ver­sel, démo­cra­tique et durable, basé sur le conven­tion­ne­ment, les coti­sa­tions, voi­là pour­quoi notre ingé­nieur agro­nome s’est trans­for­mé en inter­mit­tent du spec­tacle. Plusieurs inter­ven­tions et ques­tion­ne­ments ont pro­lon­gé la soirée.

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  1. Paul Ariès est cher­cheur, poli­to­logue et mili­tant, auteur de nom­breux livres dont Une his­toire poli­tique de l’a­li­men­ta­tion, du Paléolithique à nos jours, Max Milo Éditions, 2016.
  2. Marc Dufumier, ingé­nieur agro­nome, auteur entre autres de L’Agroécologie peut nous sau­ver, 2019
  3. Associations pour le main­tien de l’a­gri­cul­ture paysanne.
  4. Bénédicte Bonzi, anthro­po­logue : La France qui a faim : Le don à l’épreuve des vio­lences ali­men­taires, 2023.
  5. Jean Ziegler, socio­logue, rap­por­teur spé­cial pour le droit à l’a­li­men­ta­tion (des popu­la­tions) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
  6. Magali Ramel, doc­teure en droit public, autrice d’une thèse : Le droit à l’a­li­men­ta­tion et la lutte contre la pré­ca­ri­té ali­men­taire en France Une des seules juristes en France à tra­vailler sur la thé­ma­tique du droit à l’alimentation.
  7. Droit à l’alimentation : c’est le droit d’avoir un accès régu­lier, per­ma­nent et libre, soit direc­te­ment, soit au moyen d’achats moné­taires, à une nour­ri­ture quan­ti­ta­ti­ve­ment et qua­li­ta­ti­ve­ment adé­quate et suf­fi­sante, cor­res­pon­dant aux tra­di­tions cultu­relles du peuple dont est issu le consom­ma­teur, et qui assure une vie psy­chique et phy­sique, indi­vi­duelle et col­lec­tive, libre d’angoisse, satis­fai­sante et digne.

D’autres réfé­rences uti­li­sées par Mathieu Dalmais