Après la Commune, septembre 1871

Après, une pre­mière chro­nique qui explique la genèse de cet évé­ne­ment, nous avons sui­vi les péri­pé­ties semaine après semaine. Depuis la 12ème chro­nique, nous sommes entrés dans l’Après Commune.

Nous nous pro­po­sons de conti­nuer à évo­quer dans les pro­chains mois les suites de cette révo­lu­tion vain­cue mais jusqu’à nous vivace dans les pen­sées de celles et ceux qui veulent chan­ger le monde.

Dans cette page (publiée avec un peu de retard en rai­son de la pré­pa­ra­tion de notre Mois autour de la Commune de Paris,1871), le mois de sep­tembre 1871, moment où les pro­cès des Communards se pour­suivent et où les pre­miers condam­nés sont ras­sem­blés dans les ports en vue de déportation.

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Commune de Paris

Après la Commune, sep­tembre 1871

 

Le minis­tère de la guerre décide cou­rant sep­tembre, de faire reve­nir à Versailles tous les enfants ou sup­po­sés tels encore déte­nus dans les forts et pon­tons1 de l’Ouest ou les pri­sons de l’intérieur, notam­ment celle de Rouen.

Prisonniers communards à l'Orangerie de Versailles

Prisonniers com­mu­nards à l’Orangerie de Versailles

Le 02 : Verdict du pro­cès des « dix-sept » : peine capi­tale pour Ferré et Charles Lullier, com­muée en tra­vaux for­cés à per­pé­tui­té pour Raoul Urbain et Alexis Trinquet dépor­ta­tion dans une enceinte for­ti­fiée pour Adolphe Assi, Alfred Billioray, Louis Champy, Dominique Régère, Paschal Grousset, Paul Ferrat et Augustin Verdure, dépor­ta­tion simple pour François Jourde et Paul Rastoul, 3 mois de pri­son pour Victor Clément et acquit­te­ment pour Baptiste Descamps et Ulysse Parent. Courbet écope de 6 mois de pri­son fermes, de 500 francs d’a­mende aux motifs d’ « avoir pro­vo­qué comme membre de la Commune, la des­truc­tion de la colonne » et de 6 850 francs de frais de procédure.

Le 04 : Ouverture du pro­cès dit « des  pétro­leuses » devant le 4e Conseil de guerre. Cinq femmes, ambu­lan­cières ou can­ti­nières de la Commune, Élisabeth Rétiffé, Joséphine Marchais, Léontine Suétens, PEulalie Papavoine et Lucie Bocquin, sont accu­sées d’a­voir par­ti­ci­pé aux émeutes et à l’in­cen­die des monu­ments publics et condam­nées : les trois pre­mières à la peine de mort (peines com­muées). Pourtant, un décret de la IIème République avait abo­li dès février 1848 la peine de mort en matière poli­tique, et une loi votée en juin 1853 l’avait confir­mé. Hugo dénonce l’« état de fureur » dans lequel s’exerce l’entreprise de répres­sion « légale » après les évé­ne­ments de la Commune. Eulalie Papavoine est condam­née à la dépor­ta­tion dans une enceinte for­ti­fiée, Lucie Bocquin à 10 ans de pri­son. Or, aucune preuve de pos­ses­sion de pétrole n’avait été appor­tée2.

 Instauration d’une taxe de 20 % sur le prix du papier.

Ile Madame Promenade des prisonniers en attente de départ en déportation

Ile Madame Promenade des pri­son­niers en attente de départ en déportation

Le 10 : Les départs de Versailles vers les pon­tons se ter­minent. « Par une sorte de raf­fi­ne­ment, on me fai­sait vivre, mais avec la honte », écrit Raoul Urbain à sa sœur après le ver­dict du 3ème conseil. « Je n’ai pas besoin de te dire quel ter­rible coup m’a por­té ma condam­na­tion. Moi, envoyé en un tel lieu ! J’ai été fou de déses­poir. »

Le 13 : Élu à l’Assemblée Nationale, Henri Brisson, natif de Bourges, qui siège à l’ex­trême gauche mais n’a pas approu­vé la Commune, est le pre­mier avec 47 cosi­gna­taires (Victor Schoelcher, Louis Blanc, Edgar Quinet, Gambetta …) à pré­sen­ter une pro­po­si­tion “ayant pour objet d’ac­cor­der une amnis­tie aux indi­vi­dus condam­nés ou pour­sui­vis pour crimes et délits poli­tiques com­mis tant à Paris que dans les dépar­te­ments, depuis une année…Au moment de nous sépa­rer, à la veille de la mau­vaise sai­son, ne ferons nous pas entendre une parole de paix à ces trente mille familles que l’absence de leurs chefs réduit au déses­poir? Pour la plu­part d’entre eux, le châ­ti­ment n’est-il point suf­fi­sant déjà? Ceux-là mêmes qui conser­ve­raient de mau­vais sen­ti­ments ne sont-ils pas désor­mais impuis­sants à mal faire? Est-il bon, enfin, de dépeu­pler les ate­liers de Paris ? …Au sor­tir d’une guerre civile bien plus longue que la nôtre, la répu­blique amé­ri­caine n’a pas craint d’offrir le par­don aux rebelles “.  Au bout de plu­sieurs mois, la com­mis­sion d’i­ni­tia­tive par­le­men­taire char­gée de l’exa­mi­ner consi­dère que les 21 610 non lieux et les 203 acquit­te­ments équi­valent à l’am­nis­tie demandée.

Le 17 : Discours3  d’André Léo devant le Congrès de la paix de Lausanne: elle y défend l’égalité sociale et l’éducation popu­laire, veut dire « la véri­té » sur la Commune et sa com­plexi­té, s’indigne face à la neu­tra­li­té d’une Ligue pour la paix qui reste aveugle à la guerre civile, appelle au chan­ge­ment social et dénonce la com­pro­mis­sion atta­chée aux conve­nances. Elle est inter­rom­pue avant de pou­voir conclure et se retire « pro­fon­dé­ment triste ».

Le 20 : Louise Michel : « Aujourd’hui j’ap­prends à la fois le rejet des pour­vois, la mort de la mère de Ferré, l’emprisonnement de son père et de son frère. J’ai besoin d’a­jou­ter à l’ap­pui de mon ser­ment que la Commune n’a com­mis ni assas­si­nats ni incen­dies ni pillage, des preuves dont vous ne pou­vez dou­ter J’allai trou­ver l’un des délé­gués de Montmartre {Ferré} et je lui dis avec tout le déses­poir que m’ins­pi­rait la défaite pré­vue… je récla­mai des exé­cu­tions d’o­tages. Il me répon­dit que de telles choses étaient des crimes contre l’humanité.”

Pupilles de la COmmune

Pupilles de la COmmune

Le 23 : Au 4eme Conseil de guerre, pro­cès des « Pupilles de la Commune » qui ont pas­sé plu­sieurs mois sur les pon­tons et dans les dépôts ver­saillais : beau­coup béné­fi­cient d’un non-lieu. Ils sont 16, le plus vieux à 16 ans, le plus jeune, 10 ans et 9 mois, le pro­cès se doit d’afficher la clé­mence de la jus­tice de Versailles envers les dévoyés et de flé­trir la per­ver­si­té de la Commune abattue.

Article 66 du Code pénal :« Lorsque l’accusé aura moins de seize ans, s’il est déci­dé qu’il a agi sans dis­cer­ne­ment, il sera acquit­té ; mais il sera, selon les cir­cons­tances, remis à ses parents, ou conduit dans une mai­son de cor­rec­tion, pour y être éle­vé et déte­nu pen­dant tel nombre d’an­nées que le juge­ment déter­mi­ne­ra, et qui tou­te­fois ne pour­ra excé­der l’époque où il aura accom­pli sa ving­tième année. » 4

Le 25 : Dans Le Gaulois : le capi­taine Jouanne, sou­te­nant l’accusation devant le conseil, regrette que leur tenue au pro­cès ne rende pas compte de « cet aspect hideux des gavroches san­gui­naires pos­tés der­rière les bar­ri­cades du Château‑d’Eau ».

Arrivée à Genève de Jules Guesde : il y connaî­tra Maxime Vuillaume, Benoît Malon, J.-B. Dumay, Paule Mink et bien d’autres pros­crits, et sera frap­pé par le reten­tis­se­ment inter­na­tio­nal de la lutte des Versaillais et des Communard .

Le 26 : Lettre de Louise Michel à M. le Capitaine, rap­por­teur, Magasins de la gare de l’Ouest, Versailles : « Capitaine, pre­nez garde d’attacher votre nom aux ini­qui­tés qui se com­mettent. Vous êtes hon­nête, tâchez de faire prendre une mesure hon­nête et brave. Qu’on ren­voie donc enfin chez eux ces mal­heu­reux qui se meurent de cha­grin, et nous, les fana­tiques de la cause, qu’on nous déporte tous, ce sera de la jus­tice juste.  »

Le 30 : Revenu à Paris, Arthur Rimbaud, invi­té par Paul Verlaine est très bien accueilli au dîner des Vilains Bonshommes, admi­ra­tifs à la lec­ture de son Bateau Ivre. Il est logé chez  Charles Cros, André Gill, Ernest Cabanner, Théodore de Banville.

La France a rem­bour­sé 1,5 mil­liard de l’in­dem­ni­té de guerre de 5 mil­liards ; l’ar­mée alle­mande occupe encore 12 départements.

À par­tir de sep­tembre, les pre­miers condam­nés à la dépor­ta­tion com­mencent à arri­ver dans les ports, en attente d’embarquement pour la Nouvelle-Calédonie.

Au cours de la der­nière semaine de sep­tembre 1.000 Alsaciens embarquent pour l’Algérie, leur nombre aug­men­te­ra dans les jours suivants.

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  1. Vieux navire immo­bi­li­sé dans un port ou un fleuve et ser­vant de prison.
  2. D’après Jean-Claude Farcy qui dénombre 943 enre­gis­tre­ments de femmes dans la base https://communards-1871.fr/index.php?page=recherches/femmes.
  3. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83637b/f6.item dis­cours d’André Léo.
  4. Jean-Claude Farcy, « Une source inédite : le registre des enfants de la Commune de Paris (1871) » : l’effectif réel des jeunes pour­sui­vis par la jus­tice mili­taire dépasse le mil­lier, 80 % ayant 14 ans et plus .