Après la Commune, octobre 1871
Après, une première chronique qui explique la genèse de cet événement, nous avons suivi les péripéties semaine après semaine. Depuis la 12ème chronique, nous sommes entrés dans l’Après Commune.
Nous nous proposons de continuer à évoquer dans les prochains mois les suites de cette révolution vaincue mais jusqu’à nous vivace dans les pensées de celles et ceux qui veulent changer le monde.
Les vacances d’hiver à l’actualité moins chargée nous donnent la possibilité de rattraper notre retard. Voici le mois d’octobre 1871, durant lequel Chartres “accueille” des Communards à la prison de la rue des Lisses.
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Commune de Paris
Après la Commune, octobre 1871
Octobre à décembre 1871
L’activité des conseils de guerre sera particulièrement intense au dernier trimestre de 1871 et durant les deux premiers de l’année suivante. Près de 50 000 décisions de justice, 93 condamnations à mort, 251 travaux forcés, 1 169 déportations en enceinte fortifiée, 3 417 à la déportation simple, 1 247 à la réclusion à perpétuité, 3 359 à des peines de prison, sans oublier 3 313 condamnations par contumace, 2 445 acquittements et 22 727 ordonnances de non-lieux, représentant 70 % du total : par « respect des règles du droit et volonté de distinguer ceux qui ont vraiment participé à l’aventure communarde des « autres ». Nulle douceur dans tout cela, mais contrainte par l’engorgement des lieux de détention où des personnes déclarées étrangères aux faits ou innocentes ont subi de longs séjours de plusieurs mois dans des conditions terrible ».
Octobre
Le 01 : Victor Hugo dîne en tête-à-tête avec Thiers pour obtenir l’adoucissement de la condamnation de Henri Rochefort et sauve quelques têtes dont celle de communardes.
Le 02 : Le 3e conseil de guerre condamne Gustave Maroteau à la peine de mort. Il est détenu à l’Orangerie de Versailles. Son avocat Me Bigot a vainement essayé de montrer qu’il avait commis non pas un délit de droit commun mais un acte politique pour lequel la peine de mort était abolie(1).
Le 08 : Les élections aux conseils généraux sont un triomphe pour les républicains qui emportent 2290 sièges contre 660 pour les monarchistes. La République ne fait plus peur. Le mouvement de février 1871 s’est inversé.
Le 12 : Flaubert dans une lettre à George Sand : « Je trouve qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune, – et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou – en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’humanité – on est tendre pour les chiens enragés et point pour ceux qu’ils ont mordus”.
Versement anticipé de 650 millions à l’Allemagne ; libération de six départements. Restent occupés la Marne, la Haute-Marne, les Ardennes, les Vosges, la Meurthe-et-Moselle et Belfort.
Le 16 : La commission des grâces se réunit pour la première fois à Versailles.
Le 18 : La maison de justice de Chartres, registre d’écrou jusqu’au 20/06/1874 accueille des communards condamnés à des peines de moins de 3 mois. Cette prison peut contenir 120 détenus : elle en accueillera jusqu’à 250, sans préjudice des prisonniers de droit commun (2).
Le Moniteur de la photographie écrit : « On ne se doute guère combien la photographie rend chaque jour des services à l’instruction des affaires judiciaires. Dans les poursuites intentées aux communeux, c’est à la photographie qu’on a dû de reconnaître un grand nombre de défenseurs de la Commune. Aussitôt l’entrée des troupes à Paris, on a saisi l’ensemble des photographies représentant la chute de la colonne Vendôme ». 2
Le 19 : Maître Léon Bigot, avocat présente un Mémoire1 à MM. les président et membres du Conseil de révision, siégeant à Versailles, à l’appui du pourvoi formé par Gustave Maroteau, accompagné d’une lettre de Victor Hugo.
Sans dates précises, d’autres événements de ce mois d’octobre :
- Delorme Emmanuel, natif de Saint-Amand-Montrond, réfugié à Genève, compose l’Internationale (devenue La République sociale pour échapper à la censure), La Belle, chants repris par les anciens communards dans les cafés, notamment celui du Levant. Il compose également pour le Journal des amnistiés la Chanson des huîtres. Ses précédentes chansons ont été entendues et reprises dans les quelques 90 cafés chantants recensés à Paris au printemps de cette année ; il était aussi journaliste à La Rue, le journal de Vallès et commandant de la garde nationale.
- Mary Putnam Jacobi ( 1842- 1906), de nationalité américaine, sort en 1871 diplômée de la Faculté de médecine de Paris, où elle était la 1ère femme étudiante. Un article de la revue The Lancet [ 2021] explique que ” c’est dans cette volonté “de paix, de justice et d’égalité” que “s’est formé l’un des esprits les plus remarquables de la médecine du 19e siècle… son séjour à Paris l’a conduit à un réveil politique qui allait motiver trois décennies d’activisme… [aux Etats-Unis] elle a fait valoir que la science de laboratoire devrait être le fondement de la pratique médicale moderne. Elle a défendu l’expérimentation et l’utilisation des statistiques. Elle a fait campagne pour que les femmes soient admises à la faculté de médecine et elle est devenue une ardente défenseure de la contribution égale des femmes à la médecine.” Le travail de Mary Putnam est considéré comme « un exemple précoce de science féministe » qui œuvre à déconstruire les stéréotypes de genre.
- Lancement de la pétition « le mouvement national du Sou contre l’ignorance » par le cercle parisien de la Ligue de l’enseignement. Les minorités religieuses, protestants surtout, y sont en nombre mais l’Église oblige les catholiques qui avaient adhéré à se retirer.
Bientôt, nous publierons les mois de novembre et décembre 1871
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- Dossier d’un condamné à mort (Affaire Maroteau) / annotations de Me Léon Bigot, avocat ; lettre-préface de Victor Hugo, Edité par A. Chevalier (Paris), 1871
- Source : Roger Joly « La Commune de 1871, ses incidences chartraines », Bulletin de la Société archéologique d’Eure-et-Loir. Mémoires, 3e trimestre 1970, tome 25, 114e année, n° 38, p. 192–201. [Disponibles à la médiathèque de Chartres].