Un autre communard chartrain :
Gustave Maroteau, libertaire

Dans notre série sur  la Commune de Paris, nous pré­sen­tons aus­si quelques figures emblé­ma­tiques dont des acteurs ori­gi­naires de l’Eure-et-Loir. Après Auguste Louis Rogeard, voi­ci une courte bio­gra­phie d’un autre Chartrain, Gustave Maroteau.

Commune de Paris

Un autre com­mu­nard char­train : Gustave Maroteau, liber­taire

 

Gustave Maroteau [photo]Né à Chartres le 28 juillet 1849, Gustave est le fils de Louis Jules Maroteau, pro­fes­seur de musique au col­lège de Chartres de 1842 à 1870 et lieu­te­nant de la com­pa­gnie des musi­ciens de la Garde natio­nale. Gustave com­mence ses études au col­lège de Chartres, puis, à treize ans, gagne Paris, nan­ti d’une bourse au lycée Louis-le-Grand ; il en sort à dix-sept ans, et vit tant bien que mal de sa plume, aidé de maigres sub­sides fami­liaux. À 18 ans, il écrit dans La Rue de Jules Vallès qui le dépeint ain­si : « Figure mala­dive, avec des airs de fille, mais aus­si avec l’ossature faciale d’un gars à idées et à poil. » En 1870, il fonde avec des cama­rades Le Père Duchêne. Lors de l’affaire Victor Noir, il pro­teste vio­lem­ment dans Le Faubourg, publi­ca­tion bien­tôt sus­pen­due. Condamné pour offense à l’empereur et à l’impératrice, il s’enfuit en Belgique où il vit dif­fi­ci­le­ment. Il y fait paraître un pam­phlet nom­mé encore Le Père Duchêne1, qui fit grand bruit, et il est expulsé.

Le Faubourg, 1er janvier 1870Le 4 sep­tembre 1870, Maroteau regagne Paris et s’engage aus­si­tôt dans la garde mobile. Il se bat aux avant-postes dans la plaine Saint-Denis (y contracte une fluxion de poi­trine) contre les Prussiens, tout en conser­vant son acti­vi­té de jour­na­liste : dans le Drapeau rouge, il prend la défense du peuple mal­heu­reux et donne à la lutte un sens révo­lu­tion­naire : « Qui vive ? — Républicain. — Le mot de ral­lie­ment ? — La Sociale… Il est temps que l’armée funèbre des affa­més se montre. Ces pro­lé­taires que vous ne vou­lez pas lais­ser vivre vont vous faire voir com­ment on meurt… ».

Le 26 mars 1871, il annonce la paru­tion de La Montagne (2–25 avril, vingt-deux numé­ros) et y écrit que Thiers est « la sta­tue fanée de la bour­geoi­sie d’argent » (13 avril), que le peuple doit choi­sir en lui-même ses repré­sen­tants : « Allez cher­cher au fond des ate­liers, dans le coin des bureaux modestes, un ouvrier pou­dreux, un com­mis râpé… Mieux que les autres, avec leurs mains cal­leuses, ils manie­ront la pioche de la Révolution » (16 avril). Il croit en la force des prin­cipes : « Qu’importe que les hommes soient petits, l’idée les élève » (20 avril). Il assume la direc­tion poli­tique du Salut public de ten­dance blan­quiste (16–23 mai, sept numé­ros) et y prône inlas­sa­ble­ment un pou­voir éner­gique, d’origine popu­laire : « Il fal­lait prendre garde aux bour­geois, se défier des ambi­tieux ; il fal­lait que le peuple n’envoyât sié­ger à la Commune que des gars sor­tis de ses rangs ; il ne fal­lait pas croire aux pro­messes men­teuses de l’Internationale. » (18 mai). Il redoute les tièdes, déteste les prêtres, et pousse à la vio­lence : « Aux armes ! Aux armes ! Pas de pitié. Fusillez ceux qui pour­raient leur tendre la main ! » (23 mai).

Le Salut public n°7 23 mai 1871Après la fin de la Commune, dénon­cé, il est arrê­té le 9 juillet, tra­duit devant le 3ème conseil de guerre qui lui reproche sur­tout ses articles de La Montagne et du Salut public. Reconnu cou­pable, il est condam­né, le 2 octobre 1871, à la peine de mort, et la cour de cas­sa­tion confirme le juge­ment ; son avo­cat Léon Bigot a vai­ne­ment essayé de mon­trer qu’il y avait acte poli­tique pour lequel la peine de mort était abo­lie. Le 10 jan­vier 1872, la peine est com­muée en tra­vaux for­cés à per­pé­tui­té ; l’intervention de Victor Hugo ne peut lui évi­ter les “galères à per­pé­tui­té“2. Il est d’abord déte­nu à l’Orangerie de Versailles avant d’embarquer pour le bagne de Nouvelle Calédonie et d’endurer 145 jours sur un mate­las trem­pé d’eau de mer. Gustave Maroteau meurt le 17 mars 1875 à l’île Nou. Il a 26 ans.

Victor Hugo a retra­cé sa vie en un rac­cour­ci sai­sis­sant : « Poète à dix-sept ans, sol­dat patriote à vingt ans ; a eu, dans le funèbre prin­temps de 1871, un accès de fièvre » ; et Pilotell le jugeait de façon plus pro­fonde à coup sûr : « Peut-être le seul liber­taire de la Commune (et le plus calom­nié, par conséquent). »

Le 4 avril 1881, une mati­née au béné­fice de sa mère Cécilia, veuve, est orga­ni­sée au théâtre des Nations puis ses obsèques au cime­tière de Clichy, le 1er août 1885 sont sui­vies par un mil­lier de sur­vi­vants de la Commune. Une rue porte son nom à Chartres depuis 1998.

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  1. Pamphlet Le Père Duchêne https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54315922.texteImage
  2. « Dossier d’un condam­né à mort, son pro­cès, débats », avec une pré­face de Victor Hugo, plai­doi­rie de Maître Léon Bigot. [Se trouve à la média­thèque de Chartres].

 

ŒUVRES : Outre une col­la­bo­ra­tion aux jour­naux signa­lés, quelques pamphlets :

Les Flocons, Paris, A. Faure, 1867.

Juarez,  Chartres, 1867.

Hommes et pan­tins : J. Vallès, Paris, Lebigre-Duquesne, 1868.

Le Drapeau rouge, deux numé­ros : 2 et 4 nov. 1870.

Le Vrai Père Duchêne, n° 1, (seul numé­ro paru), 13 mars 1871, Paris, Imprimerie du Vrai Père Duchêne.

 

[Merci au Maitron en ligne, et au blog de Michèle Audin]